Fyctia

Le gymnase est l’endroit idéal pour tous nous rassembler, l’espace est assez conséquent et les écrans permettent de raviver l’ambiance morne et règlementaire.

Des personnages holographiques se présentent à nous comme étant de nouveaux assistants. C’est un principe assez courant sur cette planète, faire appel à l’intelligence artificielle pour nous vendre de nouveaux préceptes. Mais nous ne sommes pas dupes, ils sont là en surveillance. Et si ça déborde nous serons rappelés à l’ordre.

Le Directeur, Monsieur Samson, arrive fièrement en arborant un visage de circonstance. Il se doit d’être intraitable et austère. Pourtant, ce rituel de pot d’accueil, il ne peut pas y échapper. Il en profite donc pour prendre la parole devant les autres professeurs venus également faire acte de présence. Ce rituel, mon père m’en avait fait part, le gouvernement autorise en effet, à se mélanger et faire connaissance avec son environnement et ses futurs collaborateurs. L'expérience de certains comportements du passé en ont blessés plus d'un. Le gouvernement scindé en trois parties distinctes: le modèle industriel et commercial, la vision sécuritaire et le domaine interstellaire, permet de limiter les débordements dans certaines cités. Mais il ne parvient pas à réguler sa politique et un équilibre sur Alpha Centauri.

Il faut donc une entente entre vous ! Aucun dépassement, aucune rivalité n’est permise. Il faut être à armes égales ! Bref, restons faux les uns avec les autres ai-je envie de penser en voyant Virgil débouler de son air insolent.

Pourquoi d’ailleurs est-il aussi sournois ? Qu’est-ce qu’il cache ?

Je n’ai pas le temps d’en demander plus à mon cerveau que Monsieur Samson lève les bras et entame sa phrase magique : « Veuillez- vous taire ! Silence ! ». Un autre homme à ses côtés examine la salle avec animosité et j’ai un sentiment étrange qui me traverse. Il me fait froid dans le dos.

—Je vous présente le général Phenix. Vous le connaissez bien sûr pour les plus téméraires d’entre vous. Il dirige l’Armée des Ombres. Il recherche de nouvelles recrues. C’est peut-être ici qu’il trouvera son bonheur. Du moins je l’espère. Donc si vous avez l’âme d’un conquérant de l’espace, vous pourrez peut-être rejoindre sa troupe à l’avenir.

—Soyons sérieux aucun d’entre nous n’atteindra le niveau, entend-je dire de la bouche de Pearson parmi le brouhaha persistant des autres élèves.

—Pourquoi tu dis ça ? C’est si dur ? lui demandé-je inquiet.

—Oh ! que oui. Mon frère en rêve, mais il n’est jamais parvenu à atteindre le niveau.

Après l’intervention de présentation très austère du général, un autre homme différent prend sa place sur ce podium improvisé. D’un physique moins rustre et beaucoup plus avenant, il s’intègre dans le discours prévisible du directeur.

—Et maintenant, voici le professeur Norton. Un éminent scientifique, qui cette fois-ci recrute des agents pour le rejoindre dans ses recherches dans la zone Temporis. Il a d’ailleurs créé un groupe si vous désirez le rejoindre. Il va vous le présenter.

Je reste scotché à cet homme, j’ai déjà entendu parler de lui. C’est un ponte en matière de recherche temporel. Il rêve de voyager à travers le temps qu’il étudie avec une telle rigueur depuis sa jeunesse. Il a déjà établi plusieurs théories.

—Pourquoi ne pas générer une machine très perfectionnée qui deviendrait elle-même un espace-temps ? C’est tout un mécanisme, un savant calcul et des théories à travailler que je cherche à concevoir. Et peut-être que vous, avez le potentiel pour atteindre un niveau auquel vous n’imagineriez ne jamais atteindre…J’ai été comme vous, un agent perfectionné avant de me rendre compte que j’avais ce savoir, ici, dans ma tête.

Il joint le geste à la parole en montrant son crâne dégarni. Certains rires se font entendre et je me questionne sur l’éventualité de rejoindre ce groupe. Les trous de ver, ces raccourcis dans l’espace-temps, les courbures de l’espace, et j’en passe…Tout a été savamment étudié et j’en suis fasciné.

—Oh ! Kanes, tu me reçois ?

Arielle me sort de ma rêverie face à ce professeur très en vogue dans le milieu des voyages temporels. J’ai tellement entendu parler de lui que cet attrait en devient obsessionnel. Si je pouvais remonter le temps, peut-être pourrais-je sauver mon père ?

—T’as entendu Kanes ?

Lény en rajoute une couche en claquant ses doigts devant mes yeux ébahis. Il mentionne alors le mot « buffet » et un bruit incongru accompagne ses propos. Il se tapote le ventre en haussant les épaules.

—Qu’est-ce que j’y peux, j’ai faim ! chantonne-t-il en se dirigeant vers les différentes tables installées à l’orée de la salle. Les hologrammes se mettent en mouvement et nous incitent à avancer.

La voix robotique qui nous accompagne tous les jours se présente à son tour:

« Je suis Victoria, vous avez déjà fait connaissance avec moi. Je serai votre guide tout le long de votre parcours scolaire. Bienvenus à Alpha Victory ! »

Mais avant que nous ne nous emparions des verres à notre portée, le Directeur nous déclare dans un dernier point important :

—Pour les premières années, sachez que cette nuit sera plus calme, aucun souci à vous faire, tout est sous contrôle. Bonne soirée à vous tous !

Et il se retire comme il est venu dans sa posture légendaire d’homme peu affable. Il se dit sérieux mais il examine avec une envie et fierté toute l’assemblée avant de se diriger vers la lourde porte qui s’ouvre face à sa présence.

—Pourquoi il ne participe pas aux festivités ? questionne-je mes amis.

—T’appelles ça une fête ? C’est plutôt strict comme façon de faire ! s’indigne Lény.

En effet, les serveurs du buffet mis à notre disposition sont programmés pour ne nous donner une portion limitée. Les boissons sont d’une teinte bleutée, et un savant mélange de petits en-cas nous sont tendus avec vivacité.

Dès que je m’approche à mon tour de cette table gigantesque, c’est elle que je vois. Et mon cœur bondit dans ma poitrine en feu. Marissa, elle est si belle. Je suis irrémédiablement attiré par sa beauté. Elle est affublée d’une tenue très ample cachant sa physionomie féminine. Mais ses formes je les connais. Je les scrutées des mois et des mois avant de m’en satisfaire.

Il s’est passé tellement de choses depuis !

J’ai tant besoin de savoir pourquoi elle est ici, comme j’ai tant à lui dire.