Fyctia

Rien n’est plus rageant que de voir son ennemi juré nous surprendre. Je cache illico presto ma montre magique afin qu’il ne la discerne pas. Mais je pense qu’il en a déjà trop vu.

—C’est quoi ton gadget ?

Il me contourne et se penchant, il examine ma main crispée dans laquelle se niche mon trésor.

—Rien ! lui chuchoté-je.

—Tu sais qu’il est interdit de posséder ce genre de babioles ici !

J’en suis bien conscient, c’est bien pour cela que je le cache abruti ! Ai-je envie de lui signaler. Je n’ai pas la force de continuer à parlementer. Je retourne dans mon lit et le laisse à ses questionnements.

—Kanes ! me chuchote-t-il à nouveau.

Dans la pénombre, je l’entends respirer et continuer à me menacer :

—Saches que je t’ai à l’œil !

Il se prend déjà pour un chef, non mais quel culot ! Toutefois ma crainte de le côtoyer tous les jours est véridique. J’ai beau faire le fort à l’extérieur, à l’intérieur je suis terrifié. Et ce depuis que je suis né. Oui, ce que j’ai vécu à mes dix ans en fait partie, mais pas que…

C’est normal avec la planète que nous foulons. Il nous faut vivre et surtout survivre sur Alpha Centauri , située dans le système stellaire du Centaure. Dans cette planète surpeuplée, où l’atmosphère est trouble et les nuages constamment grisâtres, la folie des Centauriens est omniprésente. Ces vapeurs qui envahissent le ciel sombre en filtrant la lumière de l’étoile solaire amène la morosité ambiante.

Celui-ci est nimbé d’un crachin persistant résultant d'un trop plein d’industrialisation. Avec en plus des règlements et des lois sur l’environnement qui ne sont pas mise en place, ce qui est effrayant lorsque l’on distingue cette planète de sa hauteur. Son teint très obscur défini très bien sa notoriété. Elle est divisée en zones distinctes : des quartiers commerçants rutilants, où les entreprises de toutes sortes prospèrent, et des zones plus précaires, où la criminalité règne en maître.

Dans la chaleur intense de la ville dans toutes les catégories allant du plus pauvre dealer des bas quartiers au gang les plus réputés, chacun tente de se faire une place. Même si la guerre chez certains ne fait qu’accroitre la misère, la bagarre est rude. De plus, les tempéraments survoltés des uns sont amplifiés par les drogues de toutes sortes.

Je voudrais lutter contre toutes les catégories de malfaiteurs en puissance afin de les empêcher d’éparpiller le mal qui est bien trop présent.

Les rues sont souvent encombrées de marchands illégaux, de marchés noirs et de gangs qui se disputent le contrôle des territoires. Il ne fait pas bon de vivre dans ces rues ! Et en tant qu’habitant nous sommes donc bien souvent obligés de se méfier de tout le monde. Quand vous n’êtes pas piégé par la trahison qui émane de tout horizon.

Toute le monde peut en être une cible facile. La preuve, mon père a été victime de sa négligence et quelqu’un qui lui a ôté la vie.

La survie ici, est le maître mot de chacun. Entre ceux qui navigue avec une telle aisance, telle que Virgil avec sa famille à la popularité sans cesse développée tout comme le profit qu’elle se fait sur le dos des plus faibles. J'enrage à cause de tout ça.

Ce garçon me met aussi en colère, ce n’est pas pour autant que j’agis. Parce que le risque à vivre ici est élevé. Toute cette violence me lamine et me fatigue. Alors, oui, je suis terrifié. Et toute cette emprise sur ce monde inquiétant ne va pas aller en s’allégeant.

Un monde où rien n’est facile ou le subtil laisse place à un charme naissant. C’est cela s’engager dans une aventure, poursuivre une quête où tout pouvoir nous échappe.

J’ai cette particularité de ressentir les plus profondes émotions de chacun. Je ne vais pas m’initier à chercher un remède, c’est comme ça et puis c’est tout. La sensibilité d’un Centaurien est parfois étrangère chez certains. Mais moi, je la ressens. Parfois mille fois plus lorsque je me connecte aux plus fragiles. La peine comme la joie sont une réalité exacerbée qui permettent une réaction violente dans ma vision des choses de la vie. Je me démène avec vigueur dans mon espace vital.

Mes rêves commencent à peupler mon horizon lorsqu’une sonnerie retentissante me sort de mon sommeil. Des lumières rouges envahissent notre chambre, nous sommes cernés de toute part. Mes camarades sont comme moi, dans l’incompréhension la plus totale. Je choisis ce moment pour m’emparer de la montre que j’avais dissimulé sous mon oreiller pour la positionner à mon poignet droit. Elle est beaucoup trop grande, cependant le bracelet s’ajuste à ma taille de façon mécanique.

—Qu’est-ce que c’est ce boucan ! se questionne Lény.

—Oui, nous sommes au milieu de la nuit ! s’époumone Virgil qui a les cheveux ébouriffés et une allure débraillée. J’ai une folle envie de rire, mais se moquer n’est pas la meilleure des choses à faire dans l’immédiat.

—Il est où Pearson ? leur demande-je.

A peine les ai-je interrogés, que nous voyons son visage dans l’encadrure de la porte ouverte. Dans le couloir, la lumière rougeoyante est encore plus dominante.

—C’est une alarme ! nous informe Pearson après avoir jeté un coup d’œil à l’extérieur.

Nous nous précipitons comme lui, en dehors de la chambre et nous ne sommes pas les seuls. Des élèves sortent en soupirant, dérangés dans leur sommeil salutaire, d’autres courent et certains hurlent à en perdre leur voix. En effet, pas facile de se faire entendre, tellement la sonnerie est stridente et d’une intensité qui a de quoi tous nous rendre sourds.

—Sortez tous dehors !

Je parviens à distinguer ces mots en m’approchant de l’un d’eux. Un garçon très costaud, dont le pyjama lui serre très bien le fessier, ce qui m’afflige. Jamais je n’atteindrais ce niveau ! Lény a beau être physiquement très bien fourni, lui c’est autre chose...C'est désolant.

J’accompagne mes camarades vers la sortie. Une cohue s’intensifie et l’agacement n’est pas loin d’atteindre son paroxysme. Des flots continus de paroles me viennent aux oreilles :

"Non, mais c’est quoi ce boucan !"

"C’est peut-être un exercice pour la première nuit ! "

"En tout cas, ce sont des tarés !"

Une fois atteint le bout du couloir, nous suivons le fléchage qui s’illumine en scintillant afin de nous signaler où nous rendre. Dans un brouhaha incessant, des corps s’entremêlent et se poussent. Je peine à suivre la cadence. Et lorsque je me sens happé et bousculé, j’ai du mal à rester stable sur mes deux jambes.

Quelqu’un me bouscule violemment et je suis projeté sur le mur en béton de façon brusque. Une douleur intense sur mon épaule droite me fait brailler. Seulement dans la cohue personne ne fait attention à moi. Et une forme se jette sur moi m’immobilisant. Je ne peux plus bouger. Je suis compacté par deux autres individus qui n’ont pas l’air de vouloir me lâcher. Les pulsations de mon cœur incessant, me rappellent à ma condition. Celui d’un garçon chétif et peu crédible dans le rôle d’un futur agent !