Marie Andree Harmonie Adverse 10-Discussions (2/2)

10-Discussions (2/2)

Althea se creuse la tête pour savoir quoi dire à propos de ses doigts fantômes.


— Ah oui, curieux comme sensation. Et, euh, tu habites Londres depuis longtemps ?


— Non, depuis un an environ. J’ai vécu en Irlande avant, en Ecosse aussi, et je suis en Angleterre depuis quelques années, dans des plus petites villes. J’ai toutefois réalisé que si je voulais accomplir mon but - la paix entre tous les êtres - il fallait que je le fasse depuis Londres, conclut-il avec un clin d'œil.


Bien qu’elle secoue la tête d’un air navré, un sourire joue sur ses lèvres.


— Et à part sauver le monde, tu as un vrai métier ?


— Oui, je suis menuisier et charpentier. Ça paraît bête, mais dans un monde envahi par les nouvelles technologies - et les créatures sanguinaires - le travail du bois m’apaise. J’aime partir de la matière brute et faire naître quelque chose. Que ce soit un gros chantier, ou le plus petit des objets à façonner et à graver.


Althea, fascinée par la passion qui ressort de son petit monologue, ne réalise pas tout de suite qu’ils sont arrivés devant son immeuble.


— Allez, je file, j’ai un rendez-vous galant ce soir.


— Oh ok, dit-elle bêtement, salut Jamie.


Il esquisse l’une des révérences dont il a le secret, et disparaît vite, englouti par les ombres de la nuit. Elle reste devant son portail renforcé et essaie de refouler au loin l'effet que les mots "rendez-vous galant" ont eu sur elle.


***


Après une courte nuit, Althea croit être victime d’une hallucination quand elle reçoit la visite surprise de Gales - costume, insignes et tout le tralala - au café. Un attroupement s’est formé devant la vitrine, et le trafic est au point mort dans la rue étroite.


Valerie, sa patronne, la cinquantaine épanouie, qui d’habitude ne s’en laisse pas conter, roule des yeux affolés, bondit de derrière le comptoir et s'incline de façon ridicule, au grand dam de son employée.


— Grand Général ! Quel honneur !


— Bonjour à tous. Ne vous dérangez pas, je passe juste saluer ma fille, dit-il avec un geste de la main avant de lui adresser un grand sourire. Bonjour, Althea.


— Bonjour Gal… euh, Grand Général.


Elle se reprend au dernier moment, et l’expression de son père adoptif hésite entre l’irritation et l’amusement - comme souvent quand elle est concernée.


— Aurais-tu quelques minutes pour qu’on discute ?


— Bien sûr, répond Valerie à sa place. Prends tout le temps que tu veux, ma choute, euh, Althea.


Cette dernière secoue la tête et soupire : si sa patronne l’autorise à prendre une “longue” pause, proche du rush de midi, en plus, c’est uniquement car Gales est le Grand Général - et elle déteste les traitements de faveur. Elle se demande surtout pourquoi il est descendu de sa haute tour pour venir lui parler ici, dans leur quartier populaire de Shoreditch.


— Qu’est-ce que je peux vous offrir, Grand Général ? continue la zélée Valerie, qui sautille presque d’un pied sur l’autre.


Gales paraît surpris de la question, et jette un œil au tableau digital affichant avec force dessins et couleurs les spécialités caféinées - et surtout sucrées et lactées - de la maison.


— Oh, euh, un simple espresso fera l’affaire, je vous remercie, dit-il, luttant pour masquer son dégoût à l’égard des autres breuvages proposés.


Althea, le ventre un peu serré, le conduit à une table en bois à l’écart, et ils s’assoient sur des fauteuils Chesterfield d’époque - selon Valerie, en tout cas.


— Voici donc ton cher Electric coffee, remarque-t-il sur un ton neutre.


— Oui. Gales, pardon d’avance, mais qu’est-ce que tu fais là ? Il s’est passé quelque chose ?


— Rien du tout, je voulais tout simplement enfin voir où tu travaillais.


— Hum hum.


Il soupire, se recule sur sa chaise, et attend que Valerie, qui vient de déposer un espresso devant lui, ait reculé.


— C’est juste que je ne comprends pas pourquoi, alors que je peux t’offrir un poste de commandement à l’Ordre, tu persistes à vouloir travailler ici, dans ton petit café.


Il fait un grand geste de la main pour englober la pièce bruyante et colorée, avant de reporter son regard bleu glacier sur elle.


— Je te l’ai déjà dit, répond-elle dans un soupir, cela me donne un sentiment de normalité. Grâce à ce boulot, mon existence tout entière n’est régie ni par l’Ordre, ni par les créatures qui hantent nos nuits. Ici, j’arrive à me convaincre que je suis une fille normale.


— Tu n’es pas une fille normale, tu es une chasseuse de démons, et, surtout, tu es ma fille et je suis le Grand Général, scande-t-il, la voix basse malgré tout. Tu comprends bien que cette ville nous appartient, le pays tout entier, même. Tu n’as pas besoin de conserver ce travail insignifiant, ni de vivre dans ce minuscule appartement. Tu pourrais revenir vivre au Manoir avec moi.


Le sang d'Althea se glace dans ses veines l'espace d'un instant, et elle s'ébroue pour faire passer son sentiment de malaise et tenter de maintenir un ton ferme.


— Je n'ai vraiment pas envie de m'attarder sur ton “la ville nous appartient”, Gales, et je n’ai que faire de la politique, tu le sais. Je continue à chasser les créatures pour préserver le plus d’humains possible, mais je ne veux pas être privilégiée parce que tu m’as adoptée, j’ai besoin de faire mes preuves toute seule, et j’ai besoin de ma vie à part, au café, et chez moi, avec Ysé et Troy.

Gales renifle. Althea lève un sourcil et attend la remarque inévitable.


— Tu es trop jeune pour avoir un enfant, ma fille, et cet·te Ysé a trop d’emprise sur toi.


— Ce qui te gêne plutôt c’est que tu as moins d’emprise sur moi qu’il y a quelques années, non ? demande-t-elle, une pointe de colère dans la voix.


— Non, ce sont les choix que tu as fait ces deux dernières années qui me gênent. Et puis avec ta question de l'autre jour, sur les démons pacifistes, je commence à m'inquiéter. C'est dangereux de penser ça. Tu risques de te faire embrigader par des illuminés ou de te faire tuer car tu auras hésité à tuer le mauvais démon.


"Ouais, je ne suis pas prête de lui parler de Jamie", pense la jeune chasseuse en se crispant dans son fauteuil confortable.


— Écoute, Gales, tu sais que je t'aime et que je suis reconnaissante de tout ce que tu as fait pour moi, cependant cette discussion récurrente me fatigue. Je suis une adulte et je compte bien mener ma vie comme je l'entends.


Il se passe une main sur sa courte barbe blanche sans baisser le regard, comme s'il la jaugeait.


— Bien. Je n'insiste pas plus aujourd'hui, mais je ne me priverai pas de t'en reparler.


— Je n'en attends pas moins de toi, Grand Général.


Il grimace devant son audace et prend vite congé, après une envolée lyrique et une autre révérence de Valerie.


La fin de journée se révèle être un calvaire pour Althea.


Elle doit supporter la logorrhée verbale de sa patronne qui ne cesse de parler de cette visite inespérée et ensuite faire comme si de rien n'était au dîner avec Troy et Ysé - il est hors de question de lui raconter cette discussion afin qu'iel ajoute des pièces au dossier anti-Gales.

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80

80 commentaires

AnnaK

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Il y a un an

Ok, le conflit avec les parents ! Jamais une bonne idée tout ça, après tout le monde se méfie de tout le monde !

Marie Andree

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Il y a un an

On aime toujours les conflits avec les parents, non ? ;-)

Eva Boh

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Il y a un an

Je me demande si le prénom Gales est inspiré de Giles (que j'ai retrouvé dans un feuilleton la dernière fois, dans un tout petit rôle, mais ça m'a fait bien plaisir ! Je l'ai croisé sur un tournage à Londres quand je bossais pour Eurostar il y a plus de vingt ans, j'étais trop trop contente !!).

Marie Andree

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Il y a un an

Ah mais c'est trop bien de l'avoir croisé ! Et oui, bon, c'est en effet un petit clin d'œil à Giles (bon au final Gales est un prénom très différent). Promis les similitudes s'arrêtent là. 😅

Laurie Lecler

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Il y a un an

J'ai adoré comme elle l'a remis en place. Propre , ferme, elle a du cran

Marie Andree

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Il y a un an

Et oui, quand il faut elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, ma Althea.

Narélia L

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Il y a un an

Eh bien on dirait que gales aime bien contrôler sa fille adoptive…il ne verra pas d’un bon œil son amitié avec Jamie ☹️

Marie Andree

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Il y a un an

Il essaie de la contrôler en tout cas, oui...

MysticRose

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Il y a un an

Il y a des divergences évidentes entre Althea et son père adoptif. Il a un peu l’air de mépriser ses choix de vie : son travail, son couple… alors effectivement ça ne passerait pas s’il savait pour Jamie ! … à mon avis, elle risque de devoir l’affronter tôt ou tard pour s’affranchir de l’influence qu’il semble tout de même avoir sur elle.

Marie Andree

-

Il y a un an

Il considère en tout cas qu'elle "mérite mieux". Quant à l'affrontement, tu ne crois pas si bien dire. :-)
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