Fyctia
9-Discussions (1/2)
Le soir, Jamie la rejoint au milieu de sa ronde, qu’elle effectue seule car Kit et John ont été appelés en renfort dans la zone autour de Knightsbridge, plus loin à l'ouest.
La lueur argentée de la lune se reflète sur les buildings en verre et en acier du quartier de Liverpool Street, et seuls les néons intermittents des enseignes publicitaires apportent une touche de couleur parmi le gris et le noir.
Ils échangent quelques platitudes et il la rassure vite : sa plaie a l'air de guérir normalement.
— Tu sais que tu n'as plus besoin de rester quelques pas derrière moi, n'est-ce-pas ?
Il s'esclaffe et se rapproche pour marcher à côté d'elle. Ils avancent en silence pendant quelque temps - la nuit est encore jeune et la zone reste calme pour l'instant.
— Jamie, hum, merci pour hier soir…, dit-elle soudain, sans l’avoir vraiment prémédité. J'étais en mauvaise posture toute seule devant ce méga-chat.
— Vous leur avez quand même trouvé un nom ridicule ! Vous étiez en panne d'inspiration pour ceux-là ? rigole-t-il avec un clin d'œil à l'adresse de sa camarade. Enfin, j'apprécie tes remerciements. Ysé t'a dit de me remercier, c'est ça ?
— Non ! Enfin, je veux dire, oui, bien sûr qu'iel m'a dit de te remercier, néanmoins je l'aurais fait quand même.
Il s'esclaffe à nouveau, mais s’arrête vite quand elle place un doigt devant sa bouche car elle pense avoir entendu du bruit devant eux. Jamie hoche la tête et ils avancent à pas de loup. Des voies résonnent un peu plus loin, et, au niveau d’un square entouré par de hauts immeubles, ils finissent par distinguer deux silhouettes sombres et silencieuses. L’une d’elles se retourne alors, et un frisson glacial parcourt Althea : les yeux rouges ne trompent pas, ce sont deux vampires qui suivent des humains - téméraires ou inconscients ou saouls - encore dehors en cette heure avancée.
Althea adresse un bref signe de tête à son compagnon, dégaine son arme en mode pieu-en-bois et se prépare à l'assaut imminent.
Les yeux carmin de son adversaire luisent d'une lueur maléfique quand il se lance sur elle à une vitesse effrayante. Elle esquive ses poings à plusieurs reprises en changeant de côté au dernier moment.
Au bout de quelques minutes, elle effectue un saut périlleux en arrière pour éviter son attaque, et atterrit avec grâce sur l’assise d’un banc derrière elle. Sans attendre une seconde, elle envoie un coup de pied dans le menton de son assaillant qui, déséquilibré car il s’apprêtait à monter aussi sur le banc, tombe au sol. La jeune guerrière saute sur lui, ses jambes de chaque côté de son corps, et d'un coup précis, enfonce son pieu dans son cœur. Le vampire pousse un cri surpris, et sa forme commence à se désintégrer en cendres noires avant de disparaître complètement.
Althea se relève et reste là, essoufflée, au milieu du square. La lune est maintenant voilée par les nuages, et seules les lumières artificielles éclairent la nuit. Les humains que les vampires chassaient ont pris la poudre d’escampette depuis longtemps. Elle se tourne vers Jamie pour le voir tuer son vampire avec le manche en bois de sa hache.
— Bien joué ! la félicite-t-il quand il revient à son niveau. C’est tout à fait ingénieux ton arme qui se transforme selon la nature de ton adversaire.
— Oui, merci. C’est vrai qu’elles sont chouettes. Elles ont été développées ici, par la Division Britannique de l’Ordre et sont distribuées un peu partout dans le monde.
— Ah oui, c’est impressionnant en effet. Les caisses de la Division doivent être bien pleines alors.
— Je suppose, dit-elle dans un haussement d’épaules. Ça ne m'intéresse vraiment pas, c’est mon chef qui gère tout ça.
Jamie hoche la tête, et ils reprennent leur marche, à un rythme moins soutenu, plus promenade que ronde-nocturne-pour-dénicher-des-monstres.
— C’est rare de voir des vampires suivre des humains comme ça. En général, ils sont plus prudents. Ceux-ci auraient dû se mettre à la page, quand même, y a des façons plus faciles et reposantes de trouver du sang à notre époque ! s’indigne Althea.
— De par ma grande expérience, j’ai remarqué que pour les vampires ce n’est pas tant le repas en lui-même qui compte, mais la chasse, l’anticipation. Tu vois ?
— Ouais, malheureusement, répond-elle en retroussant son nez fin. Tiens, au fait, si ce n’est pas trop indiscret, tu as quel âge ?
— Ah ! Mademoiselle est bien curieuse, remarque-t-il avec un clin d'œil. J’ai quarante ans.
Ils remontent les petites rues entre Liverpool Street et Hoxton, les sens toujours aux aguets malgré leur discussion.
— Quarante ans ! Tu sembles beaucoup plus jeune que ça, malgré tes cheveux argentés.
— Nous, les Myxarian, naissons tous avec les cheveux dans ces tons-là, et nous vieillissons un peu plus lentement que les humains. Nous ne sommes pas immortels par contre, pas comme nos amis de tout à l'heure, remarque-t-il avant de reprendre dans un haussement d'épaules : enfin, je suppose qu'ils ne le sont pas non plus, en fait. Une immortalité toute relative.
— Certes. Ok, donc vous vieillissez plus lentement. Et y a une sorte d’équivalence ?
— Ce n'est pas linéaire, mais si tu veux tout savoir, dit-il avec un clin d'œil, j’ai environ vingt-cinq ans en âge humain.
Elle rougit à peine, car oui, elle veut tout savoir de lui.
— Ok, ça colle, en effet. Et tu as grandi en Angleterre ?
— Non, en France, répond-il dans un soupir douloureux, je vivais dans un petit village avec mes parents et ma sœur, Alba. Nous ne faisions pas de mal aux humains, et faisions même du commerce avec eux.
— Qu’est-ce qu’il leur est arrivé ? demande-t-elle, le cœur déjà serré.
Elle s'arrête sans s'en rendre compte ; il s'arrête aussi. Ses traits sont durs, et il regarde droit devant lui, comme si la scène rejouait à cet instant.
— Mon village a été attaqué par des démons d'un clan ennemi, j’avais quinze ans. J’ai essayé de me battre, mais… mes parents et ma douce Alba sont morts sous mes yeux.
— Je suis désolée, murmure-t-elle. J’ai perdu mes parents à quinze ans également, tués pendant une ronde de routine par des démons Gelbharion. Ils faisaient partie des meilleurs gardiens de l'Ordre, et ils sont tombés dans une embuscade.
Elle secoue la tête, comme si elle n'arrivait toujours pas à y croire, cinq ans plus tard, et se remet à marcher.
— Désolé aussi pour tes parents, alors, dit-il après une grande inspiration. Donc, après ça, comme notre village était détruit, je suis parti avec des démons nomades pacifistes, des Dejarian, on a voyagé dans toute l'Europe. C’était la bonne chose à faire, je pense que mon chagrin s’est atténué plus vite que si j’étais resté. J’ai aussi dû apprendre à vivre avec ma main droite estropiée. Je sais que c’est cliché, pourtant j’ai encore, parfois, cette sensation bizarre de sentir mes doigts perdus, même tant d'années après.
Althea se sent un peu bête : que dire de toute façon ? Elle ressent un peu de honte, aussi, car elle se souvient avoir dédaigné son handicap la première fois qu’ils se sont parlés.
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