Fyctia
8-Doutes
Jamie parti, les deux partenaires commencent par ranger, en silence, les restes de thé et les fioles utilisées par læ guérisseuxe.
— Alors, c'est lui ton nouvel ami ? craque-t-iel enfin. J’avais raison l’autre soir, c’est un beau gosse, non ?
— Pfff, n’importe quoi, répond vite Althea. C’est un démon. Et nous ne sommes pas amis.
— Il t'a sauvé la vie, avance-t-iel sur un ton prudent, la tête penchée d'un côté, comme pour jauger les réactions de son amante.
— J'aurais fini par m'en sortir. Peut être après quelques coups de griffes, mais tout de même…
Ysé hausse un sourcil et ne répond rien ; Althea lâche un soupir, comme une admission.
— Je ne sais pas si je peux lui faire confiance, avoue-t-elle d'une toute petite voix. Qu'est-ce que tu en penses ?
— J'en pense que tu connais déjà la réponse, au fond de toi. Sinon tu ne l’aurais pas amené chez nous, avec Troy dans la pièce d’à côté. Et, si tu veux vraiment mon avis, voici ce que je pense : tu peux faire confiance à Jamie plus qu'à n'importe quel dirigeant de l'Ordre.
Althea acquiesce, et s'effondre peu après sur leur lit, épuisée par les péripéties de la soirée et par la tempête de pensées dans sa tête depuis que Jamie est entré dans sa vie.
***
Elle grommelle quand son chrono-hologramme se déclenche et se hâte néanmoins pour préparer le petit-déjeuner - elle n’a même pas entendu Ysé quand iel est parti·e pour le dispensaire. Troy déboule quelques minutes plus tard, l’embrasse plusieurs fois sur la joue et s’assoit devant son yaourt au granola.
— C’était trop bien d'rencontrer Jamie hier, attaque-t-il sans attendre. C’était la première fois que j'parlais avec un démon.
— Oui et bien ça ne va pas se reproduire très souvent, n'y prend pas trop goût.
L'air réjoui de Troy disparaît en une fraction de seconde.
— Oh… j'pensais que c'était ton ami. Vu qu'il était chez nous.
Althea, le cœur un peu serré, admire la candeur de l'enfance : pour lui, c'est aussi simple que ça, et il ne voit pas où réside le problème.
— Ses yeux sont trop beaux en tout cas, reprend-il, l’air rêveur. J’aimerais bien avoir les yeux violets moi aussi. Et sa peau est agréable au toucher, ce sont des écailles toutes fines, rien à voir avec un poisson. Peut-être ça ressemble un peu à la peau d’un serpent. Enfin, j’en ai jamais touché… T’en penses quoi, toi ?
— Je n’ai jamais touché de serpent non plus, mon cœur, répond Althea.
— Ouais, eww. En tout cas, toucher la peau d'Jamie c’était pas eww. T’as touché, toi ?
Elle rougit, sans savoir pourquoi, à ce souvenir.
— Oui, et c’était ok, tu as raison.
Le petit garçon hoche seulement la tête : il vient d’enfourner une énorme cuillerée de granola qui l’empêche de parler. Au milieu des derniers préparatifs et de leur course habituelle vers l’école, Jamie ne revient pas dans la discussion, au grand soulagement de la jeune femme.
***
Il ne quitte néanmoins pas ses pensées pendant sa journée de travail. Heureusement, le café ne désemplit qu'à de rares occasions, et Althea court d’un latte à un autre pour satisfaire ses clients.
— Hey, Rebecca, ça va ? demande-t-elle à son amie blonde, là pour sa pause habituelle.
— Oh, c'est l'anniversaire de ma sœur aujourd'hui, c'est dur.
Althea remarque en effet les traits tirés et les yeux tristes de la libraire .
— Oh, je suis navrée, dit-elle en posant une main sur la sienne sur le comptoir. Je ne sais pas quoi dire… quand j'ai perdu mes parents, rien de ce que l'on me disait ne m'aidait.
— Merci, Althea, il n'y a rien à dire, c’est vrai. Elle me manque, et j'essaie de vivre pleinement, pour elle. C'est ce qu'elle aurait voulu, affirme-t-elle d'une voix plus sûre. J'ai invité Liam à déjeuner, d'ailleurs, et il a dit oui !
Le visage de Rebecca s'illumine alors.
— Ah super, je suis contente pour toi !
— Moi aussi ! confirme-t-elle, les joues plus roses qu’il y a deux minutes. Enfin, je suis un peu stressée, aussi. Je veux bien des conseils sur ma tenue, tu as toujours un super style.
— Ok, je peux t'envoyer quelques idées par holo-message.
— Merci. Ah, avant que je n'oublie, on a reçu un nouveau livre aujourd'hui, qui vient de sortir, dans lequel l'auteur dénonce certaines opinions et pratiques de l'Ordre, surtout liées au commerce des médicaments et des armes. Tu en as entendu parler ?
L'estomac de la jeune guerrière se contracte et elle secoue la tête.
— Pas du tout ! Qu'est ce que c'est que cette histoire ? Ce doit être un torchon !
La petite musique qui annonce l'entrée d'un nouveau client retentit à ce moment-là - le café avait Rebecca pour seule cliente après une matinée et une pause de midi agitées. Althea réalise que c'est Kit, son frère d'armes. Formateur à l’Ordre, il vient de finir sa journée et est lui aussi en quête d’une boisson caféinée.
— Salut les meufs, vous allez bien ?
Malgré sa propension à blaguer sans cesse, Althea sait que le jeune homme roux est tout de même assez perspicace, et elle le voit marquer un temps d’arrêt pour les observer.
— Y a un truc qui va pas ?
— Un truc stupide, oui, tu as entendu parler d’un livre qui vient d’arriver en librairie et qui cracherait sur l’Ordre ?
— Non, mais ça ne m’étonne pas plus que ça, répond-il dans un haussement d’épaules. Tu dois savoir que pas mal de monde critique certains de nos choix. Je sais que tu ne t’intéresses pas à la politique, Althea, néanmoins sache qu’il existe quelques partis qui essaient de faire tomber l’Ordre ou au moins de diminuer son importance.
Rebecca se racle alors la gorge pour attirer leur attention.
— Hey, désolée, je ne voulais pas lancer une polémique, et là je dois vraiment retourner à la librairie. Je vais parcourir le livre et vous dirai, ok ?
— Ok, Rebecca, merci pour l’info en tout cas, et je t’envoie quelques idées de tenues tout à l’heure pour ton date.
Kit lui fait un clin d'œil et la jeune libraire quitte le café en slalomant entre les tables et fauteuils de différents styles.
— Bon, toi, tu en penses quoi, demande Althea après un long soupir, de ces soi-disant problèmes à l’Ordre ?
— Je pense que les Dirigeants ont dû faire des choix à un moment donné, répond son ami sur un ton bien plus sérieux que d'ordinaire. Comme en n’importe quel temps de crise dans l’histoire de l’humanité, chacun de ces choix a des conséquences, pas forcément positives.
— Oui, mais il ne faudrait pas que les gens ne retiennent que le négatif et pas tout le bien que l’on fait chaque jour.
— Ne t’inquiète pas, va, dit Kit avec un geste de la main, ton Gales ne risque rien, il a tellement bien mené sa barque depuis toutes ces années.
Althea grimace : cela ne la rassure pas du tout, bien au contraire.
Avec une sensation désagréable au creux de l’estomac, elle verse la mousse de lait sur le cappuccino de son ami. Ils ne peuvent de toute façon pas reprendre leur conversation car plusieurs clients arrivent d’un coup - comme toujours - et Kit s’en va peu après, tandis qu’elle relègue loin dans son cerveau ses doutes et poursuit sa routine quotidienne.
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