Fyctia
Chapitre 20 - Charles
Albane me regarde, presque à la recherche d’une réponse que je ne trouve pas. Elle a raison, on se connaît depuis si longtemps et pourtant nous savons peu de choses l’un sur l’autre. Je veux dire, des choses qu'on ne voit pas au premier abord. Je sais qui elle est, c'est Albane de Cagny, je sais qu'elle est la sœur de Nicolas par exemple. Mais je ne sais pas quels sont ses rêves, ses envies, ses désirs. Je suis gêné de la voir reconnaissante envers moi, je décide donc de dévier la conversation.
– Bon, on pourrait passer toute la journée à ressasser ce qui ne va pas, ce qui s'est passé… mais si on changeait un peu d’approche ? Si on oubliait un instant les soucis et qu’on faisait quelque chose de plus léger ?
Elle a l'air intriguée.
– Genre quoi ?
– Genre… apprendre à se connaître vraiment. Je réalise qu’on s’est toujours croisés, qu’on a passé du temps ensemble seulement à cause des circonstances qui nous ont unis… mais je ne sais pas grand-chose de toi, en vrai.
- C’est vrai. À part le fait que tu es mon voisin et le meilleur ami de mon frère, je ne sais pas grand-chose de toi non plus
– Allez, on fait un jeu. Un « vrai ou faux » sur nous. Tu me dis deux affirmations, et je dois deviner laquelle est vraie et laquelle est fausse.
– Hmmm… intéressant. OK, je commence. Alors… Un, j’ai déjà sauté en parachute. Deux, j’ai une peur bleue des insectes.
– Hmm… Je dirais que la peur des insectes, c’est vrai. Le parachute, ça a l’air trop extrême pour toi.
– Raté ! J’ai vraiment sauté en parachute, c’était un cadeau d’anniversaire. Par contre, j’adore les insectes, surtout les coccinelles.
– Ah ouais ? T’as sauté d’un avion en plein vol ? Je t’imaginais pas aussi casse-cou !
– Preuve qu'il y a plein de choses que tu ne sais pas sur moi.
– Alors à mon tour… Un, j’ai failli rater mon permis de conduire trois fois. Deux, j’ai déjà rencontré une célébrité par hasard.
- Hmm… Toi, tu me sembles du genre à réussir du premier coup, alors je dirais que t’as déjà rencontré une célébrité.
– Faux ! J’ai raté mon permis deux fois avant de l’avoir… et pour la célébrité, j’aimerais bien, mais non, ça ne m’est jamais arrivé.
On continue ainsi pendant un moment, se découvrant à travers des anecdotes drôles et inattendues. Peu à peu, Albane semble plus détendue, presque comme si, le temps d’un jeu, elle pouvait mettre ses préoccupations de côté.
– Merci, Charles.
– Pour quoi ?
– Pour ne pas me traiter comme une malade fragile. Pour me parler comme si j’étais juste… moi.
– Tu es toi, Albane. Ce coma, le diabète, tout ça… ça ne te définit pas. T’es bien plus que ça.
Quelque chose d’indéfinissable flotte dans l’air, une sensation nouvelle, troublante. Je ne sais pas ce que c’est, ce que je ressens exactement, mais c’est là, quelque part entre le réconfort et une émotion encore plus douce. Je jette un coup d'œil à l'horloge murale, les visites se terminent à 20h et il est 19h55.
– Il est tard… Je devrais y aller.
Je ressens un léger pincement au cœur à l’idée de partir.
– D’accord…
Je me lève lentement, ajustant ma veste. Avant de partir, j'hésite un instant, puis je plonge mon regard dans celui d’Albane, comme si j'essayais de décrypter ce qui se passe entre nous.
– Je reviens demain.
Un sourire se dessine sur le visage d'Albane.
- D'accord, à demain Charles, passe une bonne soirée.
Je sors de la chambre, quelque chose est en train de changer. Je le sens mais je ne sais pas encore si je dois m’en réjouir… ou m’en méfier.
Je rentre chez moi. Depuis que j'ai quitté la chambre d’Albane, je cogite. J'enlève ma veste, me laisse tomber sur mon lit et pousse un long soupir. Puis, mon téléphone vibre. Un message.
"Hey. Quoi de prévu ce soir ?😊"
C'est Julie.
Je fixe l’écran. Julie me plaît, c’est indéniable. Mais, j'ai trop culpabilisé en repensant au message qu’Albane m'avait envoyé la veille et auquel je n’avais pas répondu car j'étais avec sa meilleure amie. Et j'ai beaucoup trop hâte d'être à demain… Mon esprit appartient clairement à Albane en ce moment. Je veux me consacrer à elle.
Je verrouille mon téléphone et ferme les yeux. Je sais que je dois être honnête. Avec moi-même. Avec Julie.
"Hey Julie, j’ai adoré la soirée avec toi, vraiment. Mais… je pense que ce ne serait pas honnête de continuer comme ça. Il y a quelque chose que je ressens en ce moment, quelque chose que je ne peux pas ignorer. J’ai besoin d’être clair avec moi-même avant d’aller plus loin avec qui que ce soit. J’espère que tu comprendras"
Je m'attends à ne jamais avoir de réponse. Mais à ma grande surprise, à peine quelques minutes plus tard, l’écran s’illumine à nouveau.
"Wow… Je ne m’attendais pas à ça. Mais au moins, t’es honnête. Je préfère ça plutôt que d’être menée en bateau. J’aurais aimé qu’on ait une vraie chance, mais j’imagine que ce n’est pas le bon moment"
Je ne voulais pas la blesser, et même si Julie cache bien sa déception derrière des mots posés, je sais qu’elle est là.
"Je te souhaite d’y voir plus clair, Charles. Vraiment. Prends soin de toi"
"Merci, Julie. Tu es quelqu’un de génial. J’espère qu’on pourra se reparler un jour, sans ambiguïté"
Une page se tourne, et une autre commence. Mais où me mènera-t-elle ?
La maison est silencieuse. Trop silencieuse. Je n'ai pas envie de dormir tout de suite, alors je descends à la cuisine et je me sers un verre d’eau. Je m’appuie contre le plan de travail et repense aux derniers jours.
Albane, son coma, son réveil, ce lien étrange qui semble se tisser entre nous…
Julie, cette relation naissante que je viens de stopper avant même qu’elle n’ait vraiment commencée…
Aaron, cet absent qui aurait dû être là pour Albane et qui, à la place, a disparu sans laisser de traces…
Je finis mon verre, éteint la lumière et remonte dans ma chambre. Mes pensées dérivent tout le temps vers Albane, à son regard perdu quand je suis parti. J'ai hâte d’être à demain. Hâte de la revoir. Sans vraiment comprendre pourquoi, ni ce que ça signifie.
Je me réveille ce matin, étrangement déterminé. Je me lève, m’étire et file sous la douche, laissant l’eau chaude chasser les dernières traces de fatigue.
Alors que je m'habille, une idée germe dans mon esprit. J'attrape mon manteau, enfile une écharpe et sors. Le froid mordant de l’hiver me saisit immédiatement. Après quelques minutes de marche, j'entre dans une petite boutique décorée de guirlandes lumineuses. L’odeur du pain d’épices et du sapin flotte dans l’air, et des musiques de Noël jouent en fond. Je parcours les rayons, cherchant quelque chose de spécial.
Puis, mon regard s’arrête sur une boule de Noël en verre, à l’intérieur de laquelle se trouve une scène miniature : un petit chalet sous la neige, avec un couple emmitouflé sous une lumière dorée. Lorsqu’on la secoue, une pluie de paillettes blanches tombe doucement, imitant la neige. C’est simple. C’est doux. C’est Noël. Sans hésiter, je l’achète.
19 commentaires
Juxbook
-
Il y a 4 jours
Ady Regan
-
Il y a 8 jours
petites.plumes
-
Il y a 8 jours
Chloé Hazel
-
Il y a 9 jours
Juxbook
-
Il y a 9 jours
Origami
-
Il y a 9 jours
Emmy Jolly
-
Il y a 9 jours
Sarael
-
Il y a 9 jours