Sarael Un vœu pour deux Chapitre 12 - Albane

Chapitre 12 - Albane

Je regarde l’aiguille, la gorge serrée. L’idée de me piquer moi-même me met mal à l’aise, mais je sais que je dois apprendre. Je prends une inspiration, pince légèrement la peau de mon ventre et approche l’aiguille. J'hésite.


– J’ai peur…


– C’est normal la première fois. Mais vous allez voir, ce n’est pas si terrible. Allez-y doucement.


Je serre les dents et enfonce l’aiguille sous ma peau. Une légère pression, une sensation étrange, mais pas aussi douloureuse que je le craignais. J'appuie sur le stylo pour injecter l’insuline, puis retire l’aiguille.


– Très bien ! Vous venez de faire votre première injection toute seule.


– Je vais devoir faire ça tous les jours… toute ma vie ?


L’infirmière pose une main réconfortante sur mon bras.


– Oui, mais ça deviendra une habitude. Et vous ne serez pas seule. Vos amis, votre famille, et nous, on sera là pour vous aider au début. Petit à petit, ça deviendra plus facile.


J'hoche la tête. Je n'ai pas envie d’être "une malade". Je n'ai pas envie d’être différente. Mais je n'ai pas le choix… j'ai survécu. Et si je dois vivre avec ça, alors autant apprendre à le maîtriser.


La matinée est rythmée par les passages des professionnels de santé.


Je m’efforce d’assimiler ce qu’on m'explique, mais mon esprit oscille entre lassitude et angoisse. Je n'ai pas le temps de vraiment digérer une information qu’une autre arrive. Mon diabète est là. Permanent. Incontrôlable, si je ne fais pas attention. C’est comme si ma propre vie était devenue une équation compliquée où je dois toujours surveiller mes gestes, mes repas, mes émotions. Ma vie a littéralement changé en ce Noël 2024, je vais devoir réapprendre à vivre.

La porte s’ouvre de nouveau. Cette fois, c’est un homme en blouse blanche et une femme au regard doux qui entrent.


– Bonjour Albane, je suis le docteur Morel, diabétologue. Voici madame Dufresne, diététicienne. On va prendre un moment pour discuter avec vous de ce qui vous attend dans les jours et semaines à venir.


Encore des explications, encore des "il faut" et des "tu dois". Je me sens déjà submergée, mais je me force à écouter.


– Bon, tout d’abord, sachez que ce qui vous est arrivé était grave, mais maintenant vous êtes entre de bonnes mains. Vous avez fait un coma diabétique sévère, causé par une hyperglycémie non contrôlée. Vous étiez en acidocétose, ce qui signifie que votre corps a manqué d’insuline pendant trop longtemps.


Je ne comprends pas tous les termes, mais je saisis l’essentiel : mon propre corps m’a trahie.


– Mais… je ne savais même pas que j’étais diabétique…


– Oui, c’est ce qu’on appelle un diabète de type 1. Il peut apparaître soudainement, souvent chez des jeunes adultes ou des adolescents. Il ne vient pas de votre alimentation ou de votre mode de vie, c’est votre pancréas qui ne produit plus assez d’insuline. On va vous garder hospitalisée quelques jours encore pour stabiliser votre glycémie et vous apprendre à gérer votre diabète au quotidien.


– Quelques jours ? Mais… je vais bien, non ?


– Vous allez mieux, mais il faut vous assurer que vous soyez autonome avant de sortir. C’est important que vous sachiez comment adapter vos doses d’insuline, surveiller votre glycémie et comprendre les signaux de votre corps.


Je déteste cette idée. Je veux juste rentrer chez moi, retrouver une vie normale…


Le diabétologue laisse ensuite la parole à la diététicienne, qui sort un carnet et un stylo.


– Albane, vous allez devoir apprendre à compter les glucides dans votre alimentation. Ce n’est pas pour vous priver, mais pour ajuster votre insuline en fonction de ce que vous mangez.


J'ai toujours mangé ce que je voulais, sans jamais réfléchir aux "glucides".


– Ça veut dire que je ne peux plus manger ce que je veux ?


– Pas du tout. Vous pourrez toujours manger de tout, mais en connaissant les quantités et en adaptant vos injections d’insuline. Par exemple, si vous voulez un dessert sucré, vous devez savoir combien d’unités d’insuline injecter pour éviter une hyperglycémie.


Elle sort un petit tableau avec des aliments courants et leur valeur en glucides.


– Regardez, par exemple : une tranche de pain, c’est environ 15 grammes de glucides. Une pomme, c’est 18 grammes. Un soda, ça peut aller jusqu’à 30 grammes par canette !


– Et si je me trompe dans mes calculs ?


– C’est normal au début, mais vous allez apprendre. Il existe même des applications pour vous aider. Vous n’êtes pas seule dans cette gestion.


L’idée de devoir réfléchir à chaque bouchée que je vais avaler m’épuise déjà.


Après le départ du diabétologue et de la diététicienne, une autre femme entre. Elle est plus jeune, avec un regard bienveillant et un carnet sur les genoux.


– Bonjour Albane. Je suis Claire Martin, psychologue à l’hôpital. J’aimerais qu’on prenne un moment pour parler de ce que vous ressentez. Ce que vous vivez est un grand bouleversement, et c’est normal d’avoir des émotions contradictoires.


– C’est un euphémisme.


– Oui, et c’est pour ça que je suis là. Vous avez le droit d’être en colère, triste, perdue… Vous avez eu un choc. Votre vie va changer, et c’est normal que ça vous effraie.


Je ne sais même pas par où commencer. Je sens ce poids dans ma poitrine, cette impression d’être dépassée par les événements.


– J’ai l’impression que je ne contrôlerai plus jamais rien. Ou qu'au contraire je devrais tout contrôler.


– C’est une réaction normale. Mais vous allez voir qu’avec le temps, vous retrouverez un équilibre. Votre diabète ne doit pas définir qui vous êtes. Il faudra du temps, mais vous ne serez pas seule.


Je sais qu’elle a raison, mais tout ça me paraît insurmontable.


– Est-ce que vous voulez parler de ce qui vous fait le plus peur ?


– Que tout le monde me voit différemment. Que je sois… fragile. Que je dépende des autres.


- Mais votre diabète ne vous rend pas plus faible. Il fait partie de vous maintenant, il ne vous définit pas. Vous resterez Albane. Et ceux qui tiennent vraiment à vous le comprendront.


Je voudrais la croire. Je voudrais être aussi forte que j'en ai l’air. Mais je sais qu’il faudra du temps.

Nous discutons quelques minutes.

L'infirmière ramène le repas du midi, la psychologue s'en va.

On refait le rituel du matin : contrôle de la glycémie, puis injection d'insuline cette fois dans la cuisse. L'injection m'a brûlé cette fois. La nourriture qu'ils m'ont servi ne me tente vraiment pas, mais bon c'est ça ou rien…

J'ai hâte qu'ils arrivent cette après-midi, je n'aurai en principe pas de visite à part un contrôle de glycémie dans l'après-midi. Je serai tranquille. J'espère que tout le monde viendra, et que mes parents vont penser à me ramener mon téléphone. J'ai besoin de ne plus être coupée du monde, j'ai aussi besoin de faire mes propres recherches, mes propres avis sur la situation.

J'espère m'être trompée sur mon ressenti, et que Aaron sera là cet après-midi. Et je dois absolument remercier Charles... Les souvenirs me sont revenus petit à petit, je lui en dois une.


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26 commentaires

L'amisolitaire 🔥

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Il y a 3 jours

Coucou, je continue de lire ta petite histoire (que j’aime vraiment bien au passage) je voudrais te remercier parce que j'ai vu que tu avais liké mes histoire. J'espère que ça t'a plut si c’est pas le cas, ce n'est pas grave. Je me remet vite à ma lecture. (Vivement qu’Albane et Charles se revoient, Aaron a la poubelle)

Aline Puricelli

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Il y a 5 jours

Tu montres bien le côté submergé d'Albane face à sa maladie !

Nina Fenice

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Il y a 10 jours

La pauvre semble bien perdue et nous avec. Preuve que l’immersion fonctionne bien! Attention juste aux incohérences de discours (une fois c’est dit quelques jours, une autre fois quelques semaines) mais c’est normal dans un premier jet et ça se gomme vite à la relecture.

mima77

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Il y a 13 jours

Pas simple d apprensre a gérer une telle maladie ! Espérons que ses proches parviennent à lui changer les idées !

Juxbook

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Il y a 13 jours

On ressent vraiment dans ce chapitre l'inquiétude et l'angoisse de Albane sur sa nouvelle vie qui commence. Elle doit apprendre à gérer sa peur mais aussi celle de ses proches. Bien que les infirmiers lui expliquent correctement et avec douceur, on comprend que le processus est lourd. Elle fait mal au cœur et on aimerait pouvoir lui venir en aide à notre manière. Mais Albane a l'air très volontaire et comprend à quel point c'est important maintenant de prendre soin d'elle, encore plus qu'avant. La plume est toujours d'une fluidité certaine.

Ady Regan

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Il y a 17 jours

Albane est courageuse, elle va s'en sortir et apprendre à vivre avec sa maladie 💪

Charlyemorand

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Il y a 18 jours

Elle me fait trop mal au cœur !

petites.plumes

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Il y a 18 jours

Courage Albane 💪❤️

Chloé Hazel

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Il y a 19 jours

Le bal des médecins montre bien le sentiment d’Albane d’être submergée par la maladie. Le réalisme est vraiment top!

Sarael

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Il y a 19 jours

Merci beaucoup 🥹
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