Mad May Adieu les étoiles Avant l'audience

Avant l'audience

Enfouie sous les diamants. Drôle de façon de mourir.


Alors que ses yeux se voilaient, que son toucher diminuait, Benvolia eut un flash. Elle contempla sa vie comme du haut d’une montagne. Fiodor lui apparut dans son manteau en plumes. En apprenant sa mort, il dirait quelque chose comme :


« Des diamants ? C’est le rêve pour un Empereur. »

Elle réussirait au moins à le rendre jaloux, rien qu'une fois.


Soudain, quelqu'un d'autre, beaucoup plus inattendu, remplaça son mari :


« Alors, Sa Majesté a besoin d'une bouée ? »


Un jeune homme lui faisait face, et pas n'importe lequel. Ce voyou d'Aster Siutovkine.

Son œil était railleur, vexant, exaspérant. Sa lèvre se retroussait dans un sourire solaire. Il était tout près d'elle, et semblait encore se rapprocher.


« Ridicule, se moqua-t-il.

Pour une Impératrice, je m'attendais à mieux. »


Ce fut l'électrochoc.


Benvolia reprit le contrôle de ses sens. Elle se rappela où étaient la gauche, la droite, le haut et le bas. Dès qu’elle sut où remonter, elle battit des jambes avec force. Elle lutta comme une diablesse jusqu’à la surface. Ses poumons lui faisaient mal, ils brûlaient.

Il aurait été tellement plus facile d'abandonner.


« Sa Majesté ! Elle émerge ! »


Benvolia était sauve, mais mal en point. Au bord de l'évanouissement, elle attrapa le rebord et s'y hissa de justesse. Dans la mine, c’était la débandade. Seul Azénor gardait son sang-froid. Ayant calmé la foule, il ordonna qu'on l'aide à redescendre.


À peine à terre, il l'alpagua :


« Que s’est-il passé ? dit-il, inquiet. Qu’étaient ces créatures ? »


Benvolia dit d'une voix méconnaissable :


« Des corbombes – kof – comme au palais – kof –

— Économisez votre souffle. Quelque chose cloche ici, c'est évident. Il faut convoquer Victor d’Antarès. En tant que gouverneur de la mine, il doit en savoir plus.

— Il y a quelque chose d'étrange – kof – une sorte de nid –

— Respirez. Je m'occupe de tout. »


Et il le fit. Il remit les mineurs au travail, les lingots à l’abri, et annonça qu’il accepterait de voir quiconque en saurait plus sur ces "corbombes".


L’habileté politique d’Azénor avait fait ses preuves. Jadis, il avait empêché qu’une guerre éclate à la destitution de la Dame. Il avait aussi éduqué l’Empereur, qu’il surnommait encore affectueusement "jeune maître". Il avait les nobles et le clergé dans sa manche. Il était un pilier, sur lequel Benvolia pouvait se reposer sans crainte.


Il la raccompagna jusqu'au vaisseau avec zèle. Dans l'escalier, il fut le premier à la soutenir.


« Je vous cause du souci, murmura-t-elle.

— Ne dites rien. Vous êtes épuisée.

— Les corbombes - kof - pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas sauté ? Ils étaient désarmés ? Il y en avait tellement...

— Benvolia. Votre bras.

— Quoi...?

— Regardez votre bras. »


Fatiguée, elle regarda.


Sous sa manche, au niveau du poignait, clignotait une diode bleue. Benvolia ne dit rien.

Elle n'avait plus la force de réagir ou de se demander pourquoi.

Tout devint noir. Elle perdit connaissance sur l'épaule du premier ministre, sans la moindre idée sur l'origine des corbombes, ni sur leur créateur.





Quelques jours après l'incident, le gouverneur se présenta au palais.


Victor d’Antarès était le chef d’une vieille famille d'En-haut. Il croyait descendre des étoiles, chose improbable, puisque les portraits de ses ancêtres les représentaient devant des fermes à cochons. Il dirigeait l’Île aux œufs depuis toujours ; en réalité, quinze ans, mais cela lui semblait éternel. Il aimait cette charge pour deux raisons. D’abord, ses mines le rendaient immensément riche. Ensuite, ses diamants n’étaient autres que de la poussière d’étoile, donc une relique du culte. Quelle meilleure preuve de sa supériorité divine ?


Dans sa lignée, tous les garçons recevaient la bénédiction d'Antarès, de la constellation du Scorpion. On se méprenait souvent sur le sens d’Antarès. Beaucoup y voyaient la guerre, alors qu’elle symbolisait la sagesse virile. Avec sa couleur rouge, elle ressemblait à un cœur.

Et Victor avait du cœur. Il apprenait à ses enfants à différencier le bien du mal, la vertu de la perversion, afin qu’eux aussi aient du cœur.

Cela n’avait rien à voir avec la noblesse.


Un homme qui cocottait de parfum ? Ce n'était pas un Empereur.

Une étrangère d'En-bas ? Pas une Impératrice.


L’âme était saine comme un cœur d’arbre, ou elle ne l’était pas.


Victor attendait donc, perdu dans ses pensées. Il faisait antichambre chez l'étrangère. C’était la première fois qu’il mettait un pied au palais depuis des années. Pourquoi l’avait-on convoqué ? S'il avait daigné venir, ce n'était pas pour cette guenon qui se faisait appeler "l'Impératrice". C'était pour le premier ministre, seul ami des vrais nobles.

Or, Victor ignorait pourquoi il l'avait fait mander. "Un problème avec Benvolia", voilà tout ce qu'il savait.

Il faisait les cents pas en se tordant les mains. Une harpie féroce l’observait, posée sur un perchoir. Dangereuse et docile, autrement dit : parfaitement dressée.

C’était la seule touche de vie dans la pièce.


Une cloison séparait l’antichambre du bureau de l'étrangère. On y entendait du bruit, comme si quelqu’un fouillait les meubles. Les portes claquaient, les tiroirs glissaient d’un coup sec sur leurs rails. Parfois, la harpie féroce tournait la tête, avant de se reconcentrer sur son visiteur.


Victor s'impatientait. Maudite guenon, elle osait le laisser moisir ? C'était assez. Il chercha un trou de serrure pour satisfaire sa curiosité. Toutefois, dès qu'il se pencha, l'oiseau bondit de son perchoir, serres en avant. Victor renonça. Ce n'était pas le moment de se faire arracher une main.


Il se remit à déambuler, pendant que le bruit continuait.

Quel genre d'idiote trie ses papiers de la sorte ? songea Victor. Un tel désordre, cela ne pouvait que...


« À moi ! »


Il sursauta.

Le cri venait du bureau.


« À moi, la garde ! »


Victor ne rêvait pas. On avait crié.


Alors tout alla très vite : la porte communicante s'ouvrit et se referma à la volée. Un vrombissement monta, celui du système domotique en train de se réveiller. Les murs changèrent de couleur et de texture. Les contours de la porte disparurent.

Ahuri, le gouverneur fixa l'inconnu qui venait d'entrer dans l'antichambre.


Leurs regards se croisèrent.


En voyant son visage, Victor fut saisi d'effroi. Il recula comme s'il s'était agi d'un spectre.


« Qui êtes-vous ? Pourquoi... ? »


Pour toute réponse, l'inconnu jeta son manteau de cocher par terre. Il serrait contre son torse une grosse liasse de papiers.


« Que me voulez-vous ? » renchérit Victor.


Le système domotique rugit. Une autre porte se matérialisa dans le mur. L'inconnu fit mine de l'emprunter ; la harpie féroce fondit sur lui en vociférant, mais trop tard.


Il fila.


Dans sa fuite, un objet lui échappa et roula sous un siège.

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18 commentaires

Tonie Mat N’zo

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Il y a 10 mois

Petite question : je croyais qu'elle était coupée de partout ? Ai-je mal compris ?

camillep

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Il y a 10 mois

Bon ok je me répète encore et encore, mais tes scènes sont vraiment hyper bien écrites ! Je suis juste étonnée de la chute de Benvolia : elle ressort avec juste du mal à respirer, mais le diamant reste un des matériaux les plus durs et les plus tranchants... je pense qu'elle devrait avoir des marques, des coupures sur sa peau. A moins que la lumière bleue qui clignote sur son poignet y soit pour quelque chose, mais dans ce cas ce n'est pas hyper clair... (si tu veux garder le mystère autour de cette lumière, peut-être qu'une phrase de la part d'Azénor permettrait de se dire que lui aussi se pose la même question que le lecteur quant aux blessures).

Nina Fenice

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Il y a 10 mois

J’ai eu un peu de peine à visualiser la scène dans l’antichambre, je ne suis pas habituée de la technologie et des histoires imaginaires, j’avoue. Mais tout ceci pique quand même ma curiosité et je vais continuer ma lecture pour voir si tout s’éclaircit. ☺️

Mad May

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Il y a 10 mois

Ok je note, merci beaucoup !

LZLZLZ

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Il y a un an

Belle accélération en fin de chapitre.

Manon Graulier

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Il y a un an

Encore du suspens ! C'est vraiment un plaisir de te lire.

mariecolley

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Il y a un an

Ton style est toujours aussi bon. En revanche le découpage manque de clarté ici.

Mad May

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Il y a un an

Je note ! Il a fallu compacter un peu j'avoue

AugustineV

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Il y a un an

Incroyable histoire, que de suspense ! 😍

SuperShark

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Il y a un an

Le mystère s'épaissit, et Victor d'Antarès semble détestable tout simplement 😂 Pro des cliffhangers, ma curiosité est à fond!
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