Fyctia

Mars 2012…

Anna est partie putain !

Deux semaines que ma tête ne cesse de me repasser en boucle cette soirée de merde où tout est parti en vrille. Le Fitness Club, Sam et Vanessa, ma main s’activant sur moi, ma délivrance douloureuse, Anna, les yeux d’Anna, la larme d’Anna, Anna qui s’en va… ensuite c’est le trou noir, je me souviens qu’on m’a secoué, qu’on a crié, mais je ne rappelle pas du reste de la nuit. Je sais seulement que je me suis réveillé dans mon lit, seul. Vanessa dormant dans un fauteuil à côté de moi.

Apparemment j’ai fait une crise d’angoisse sévère, mais les filles ont assuré et se sont débrouillées pour me ramener chez moi. Chez moi où j’ai vite remarquer que quelque chose avait changé. Qu’il y avait comme un vide. Je ne sentais plus cette chaleur habituelle qui l’habitait, cette connexion qui me faisait sentir vivant.

Là j’avais froid. L’appartement était empli d’ombres plus noires les unes que les autres. Planant au-dessus de moi comme si elles attendaient. Elles patientaient jusqu’à me voir tomber. Et elles ont eu raison d’attendre. Quoiqu’elles n’ont pas eu à attendre longtemps.

Je suis tombé comme une merde. Acceptant mon sort malgré le mal qui me rongeait. Regardant chaque jour mes placards ouverts sur les étagères vides d’Anna. Chaque matin pour me rappeler que j’avais raison de me haïr, que j’aurais dû la protéger. La protéger de moi.

J’ai longtemps lutté avec moi-même. J’ai vacillé entre décider d’en finir et arrêter de souffrir ou me relever et affronter ma réalité. Même si c’était difficile, même si encore une fois je ne savais pas si j’arriverais à gérer.

J’ai cessé de pleurer, faute de larmes, et je me suis foutu une bonne claque mentale. J’ai repris mes recherches en espérant trouver une solution, en espérant avoir des explications, des moyens de m’en sortir. Puisque cette fois il allait falloir que j’accepte enfin que tout ce qui me bouffe au quotidien est bien la conséquence d’une maladie. Une maladie qui me ronge et qui prend de l’ampleur au fur et à mesure des années.

Une tare, qui au final, m’a fait perdre la femme que j’aime.

Quant à Vanessa et Sam, elles me collent aux basques, si l’une n’est pas là c’est l’autre qui prend le relais. Comme pour surveiller un gosse de quatre ans. Il n’y a que quand je mange qu’elles me foutent la paix. Je comprends qu’elles aient eu peur mais si elles avaient su ce que je foutais dans ce couloir avant de péter un câble…pas sûr qu’elles auraient apprécié.

Ça va faire deux jours que je fusionne avec mon PC. Je l’emmène même au boulot pour pouvoir continuer mes recherches pendant ma pause. Je ne lâche rien, je veux y arriver. Et si je me sors de tout ce merdier…peut-être qu’Anna finira par me revenir. Du moins je l’espère.

Parce que sans elle ma vie ne vaut pas grand-chose.

Ce week-end je ne travaille pas et j’ai bien l’intention de tout faire pour trouver LA solution à mon problème. Je n’ai pas dormi depuis des jours. Le manque commence à se faire ressentir dans ce qu’il reste de mon cœur en lambeaux, mais je ne lâche rien.

Je suis épuisé, et si je m’écoutais j’essaierais de me reposer un peu. Sauf que, réussir à retrouver Anna dans ma vie dépendra du résultat de ce que je cherche, et l’enjeu est beaucoup trop important pour se laisser aller à dormir.

Je suis en pleine discussion sur un forum de la DASA (Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes) quand on vient frapper à ma porte. Très peu de personnes ont le code pour entrer dans mon immeuble, donc ça ne peut être qu’un voisin ou…putain ! Je me lève d’un bond du canapé jusqu’à la porte que j’atteins en trois secondes, avant de l’ouvrir sans même regarder par le judas.

Ma déception me rattrape quand je vois Max à la place de celle que j’espérais. Je n’ai pas le temps de le saluer que je reçois son poing en pleine gueule. Je recule sous la violence du choc avant de me rendre compte qu’il m’a attrapé par le col de mon tee-shirt et qu’il me traîne jusqu’au canapé pour m’y jeter. J’attends comme un con, prévoyant le prochain coup arriver. Sauf qu’il ne vient pas.

Max fait les cent pas devant moi, tournant en rond comme un lion en cage.

-Tu me fais chier Evan putain !

Je le laisse parler et m’envoyer tout ce qu’il a à me dire. Après tout je le mérite. Je sais que sa visite doit avoir un rapport avec sa sœur et je ne suis clairement pas en position pour riposter.

-Je t’avais prévenu que si tu lui faisais du mal…

Il marche tout en se tirant les cheveux. Contenant sa colère alors qu’il rêverait sûrement de m’en coller une autre. Mais je continue de l’écouter.

-…enfin merde ! C’est quoi ton problème mec ?

Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne pense pas qu’Anna lui ait raconté quoi que ce soit d’ordre sexuel, ou même la raison pour laquelle elle est partie.

-Anna n’a rien voulu me dire. Mais je l’ai vu dans ses yeux connard ! J’ai vu qu’elle était anéantie et brisée. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais je te jure que si tu ne me dis rien…

-Max…

Ma voix l’arrête et je vois dans son regard que j’ai plutôt intérêt à parler si je ne veux pas ajouter à celle d’Anna, la perte de mon meilleur pote.

Il est temps. Pour eux comme pour moi.

-Tu ferais mieux de t’asseoir

Je le vois froncer les sourcils pendant que je me redresse avec difficulté. Je souffle en fermant brièvement les yeux, conscient que le plus dur reste à faire.

Parler. Avouer. Etre mis à nu.

Je n’ai plus le choix et je le sais. Pour leur bien, pour le mien, et surtout pour qu’ils sachent enfin la vérité sur l’homme que je suis. Et surtout sur celui que j’ai cru être pendant tant d’années.

Max se laisse lourdement tomber dans le fauteuil qui me fait face. Le regard braqué sur moi. Les coudes appuyés sur les genoux. Une main enroulée autour de son poing serré. J’ai conscience de ce que je m’apprête à faire. Pour la première fois. Jamais je n’ai parlé de quoi que soit à personne et bizarrement le fait que ce soit lui le premier m’apaise. Selon sa réaction je prendrais la décision qui conviendra le mieux pour tout le monde…

Rester ou…partir.