Fyctia

Janvier 2012…

Nous sommes arrivés en fin de journée à Cork. Anna a dormi durant les cinq heures de vol et je n’ai pas pu m’empêcher de la regarder. J’ai tracé les contours de son visage avec mes doigts. Caressé ses épaules et son dos. Comme si je voulais imprimer son corps dans ma tête. Mémoriser chaque courbe pour ne jamais l’oublier.

Nous venons tout juste de déposer nos valises à l’hôtel. La chambre est spacieuse, le quartier paraît calme et les gens ont plutôt l’air ouvert. On décide d’aller directement explorer la ville. Et j’avoue que commencer cette semaine de vacances a quelque chose d’euphorisant. Comme si changer de pays avait laissé certains de nos problèmes à la maison. Qu’ici plus rien n’avait d’importance.

Sauf que moi je n’oublie pas. J’ai beau vouloir que ces vacances soient parfaites, je sais que les derniers jours seront décisifs. Pour nous. Pour notre avenir. Et pour moi.

On marche pendant dix minutes avant d’atteindre le centre-ville. L’air est pur et frais. On respire. Anna s’accroche à mon bras avec un sourire plaqué sur les lèvres. Et je dois dire que depuis une dizaine de jours c’est la première fois que je le trouve sincère. Ses yeux brillent et se posent partout autour de nous. Elle semble heureuse et pour le moment je ne veux que ça. La voir sourire et être heureuse.

L’hôtel était plutôt calme alors que là, en plein centre, les rues sont bondées. Apparemment Killarney serait la deuxième ville après Dublin à être la plus visitée en Irlande. Et ça se comprend. Ces paysages immenses, verts et celtiques, cette architecture particulière et colorée. Tout ici est propice au dépaysement et au lâcher-prise.

Pourtant ma tête continue de penser. J’aimerais l’arrêter mais je ne peux pas. Je pense à la suite, à l’après. Et je me demande si Anna sera là, si elle restera.

Nous déambulons dans les rues pendant près d’une heure avant de s’arrêter devant un Irish pub « The Old Oak ». Petit et intimiste en apparence mais l’intérieur est spacieux. Tout est rustique et atypique. Un nombre incalculable de bières à la carte, une décoration purement irlandaise travaillée et une grande piste de danse déjà prise d’assaut par les clients. La musique est forte et entraînante. Toutes les tables sont occupées, nous obligeant à nous installer au bar.

Le corps d’Anna est penché sur le mien pendant que nous décortiquons la carte. Sentir sa chaleur contre moi m’électrise. M’enivre. Et malgré toutes les questions que je me pose, je ne peux m’empêcher de penser au pire. A ce que je vais ressentir si elle s’en va. Si elle décide de ne plus accepter toute cette merde qui nous pollue la vie. Mais bizarrement je comprends. Ça sonne même comme une évidence. Personne de normalement censé ne devrait avoir à accepter ça.

Nous finissons par faire un choix. Anna s’essaie à la Harp alors que je jette mon dévolu sur une Guinness. Nous laissant emporter par les saveurs. Par les goûts particuliers qui font que l’on reconnaît tout de suite le brassage artisanal irlandais. C’est puissant et chargé en essences. Le degré d’alcool est beaucoup plus prononcé que celles que l’on boit d’habitude, et associé à la fatigue du voyage, j’ai le sentiment qu’une ou deux devrait suffire à nous enivrer.

Pourtant au bout d’une heure nous sommes toujours accoudés au bar. Anna me parle de son travail au journal, de ses futurs projets. Et entendre sa voix douce et légère résonner calmement dans le pub me serre le cœur. Je me rends compte qu’elle avait besoin de ces vacances depuis longtemps. Qu’elle avait besoin de souffler.

Tout ça devient oppressant pour elle. Ça prend trop de place dans nos vies. Dans sa vie. Et je me conforte en me disant que je fais le bon choix. Je ne peux décemment pas laisser ma perversité continuer à s’immiscer dans notre quotidien.

Du moins plus comme avant. Pas sans qu’elle le sache.

La soirée avance et nous poursuivons notre dégustation. Enchaînant les chopes et les différentes variétés. L’ambiance est festive et Anna a pris une jolie couleur rosée sur les joues. Son sourire rayonnant envahissant l’Irish pub.

La voir à nouveau s’éveiller est magnifique à regarder. J’ai l’impression de respirer. Ses mains se font de plus en plus tactiles. Plus entreprenantes à mesure que les minutes passent. L’alcool agissant sur elle comme un aphrodisiaque. Et même si j’avais la meilleure volonté du monde, sentir ses doigts courir sur moi est euphorisant.

Tous mes travers sont récemment réapparus, plus puissants et plus noirs que dans mes souvenirs. Depuis noël j’ai l’impression d’être redevenu celui que j’étais avant qu’Anna entre dans ma vie. Et je me fais horreur. Chaque jour qui passe. Pourtant j’essaie. J’essaie de garder le contrôle mais je suis dans l’angoisse de vivre à nouveau une quelconque hallucination. Je suis constamment en stress. Paniqué qu’une telle impuissance puisse s’emparer de moi encore une fois.

Mais j’essaie au mieux de faire abstraction de tout ça. Pour elle. Ces vacances sont les siennes et je ferais tout pour qu’elle aille mieux jusqu’à ce que je décide de tout lui avouer. Au risque de la faire souffrir. Encore une fois.

Les effets de l’alcool commencent à se faire sentir. Sur Anna comme sur moi. Je continue de la laisser me toucher. Essayant d’ignorer mon érection douloureuse. Sauf qu’il est trop tard, mon corps veut se perdre en elle ici et maintenant. Mais pour une fois ma conscience réussit à prendre le dessus sur mes envies. Elle m’oblige à me lever, payer nos bières, et attraper la main d’Anna pour l’entraîner hors du pub.

Il pleut à torrent lorsque nous nous retrouvons dehors. Je commence à marcher rapidement en direction de l’hôtel sauf que la pluie nous force à nous arrêter. Nous contraignant à trouver abri dans une ruelle. Sauf qu’Anna et moi avons dépassé le stade de l’attente. Son corps parle pour elle autant que le mien parle pour moi, et en une seconde ils s’affrontent dans un duel physique et sauvage. Oubliant le monde qui nous entoure pour mieux se perdre dans le plaisir.

Putain !