Fyctia

Juin 2011…

Ça va faire deux mois que j’ai retrouvé un boulot. Huit semaines que je n’ai plus à mentir. Soixante et un jours que j’arrive à nouveau à regarder Anna dans les yeux. À manger. Dormir. Sourire. À revivre quasiment normalement.

Durant ma période sombre je me suis réfugié dans le sport. Dépasser mes limites a été ma drogue pour éviter de flancher. Je faisais tout pour rentrer épuisé au point de ne plus penser. Au point de ne plus laisser mes obsessions me contrôler. Et après quelques semaines j’avais réussi à dépasser mon état dépressif. J’étais motivé. Je voulais qu’Anna retrouve confiance en moi et cesse de s’inquiéter en permanence. Je voulais lui prouver que je pouvais y arriver.

On m’a offert un poste début avril. Il leur manquait un coach et on m’a proposé de me former pour intégrer leur équipe. J’ai passé toute une série de tests physiques et j’ai prouvé que j’étais apte à les rejoindre. J’ai finalement annoncé à Anna que j’avais décidé de faire autre chose sans pour autant lui expliquer les raisons de mon départ de chez Martin & Jones Associés. Et j’espère qu’elle ne le découvrira jamais.

Cette semaine je finis tard tous les soirs. Les abonnés semblant redoubler d’efforts et de motivation à l’approche de l’été. Je suis en train de vérifier toutes les salles avant de pouvoir fermer et enfin rentrer retrouver ma belle avant d’entendre du bruit du côté du hammam. Et plus j’approche, plus le bruit s’intensifie.

-Il y a quelqu’un ?

Je parle doucement. Je ne voudrais effrayer personne au cas où il resterait du monde. Je continue d’avancer vers la cabine n’entendant aucune réponse. Pourtant les bruits continuent. Et si je me fie aux sons que j’entends ça ressemble plutôt à des gémissements.

Ma queue réagit instantanément. Même si je n’ai encore vu personne. Comme d’habitude mon corps se fout de mon avis et décide de faire cavalier seul. Uniquement guidé par sa perversité.

Je pensais avoir réussi à me canaliser durant ces derniers mois mais il semblerait qu’un seul son suffise pour réveiller mon esprit sombre et endormi. Déclenchant aussitôt sur moi une érection douloureuse. Fais chier !

Je voudrais pouvoir faire demi-tour mais mes jambes ne me suivent pas. Elles continuent d’avancer. Sans moi. Sans attendre que j’en décide autrement. Jusqu’à atteindre la fenêtre légèrement embuée du hammam. Exposant à mes yeux la scène qui s’y joue. Barre-toi Evan putain !

Je regarde discrètement à l’intérieur. Laissant encore une fois les choses se décider pour moi. Sans pouvoir faire machine arrière. Sans que je puisse reprendre le contrôle de mes propres sens.

Les gémissements se font plus sourds. Plus nombreux. Et visiblement appartiennent à deux femmes. Deux femmes que j’ai rencontrées en arrivant ici. Deux coachs qui gèrent les cours collectifs qui, pour la plupart, sont exclusivement féminin. Deux beautés que je me suis efforcé de ne pas regarder, de peur de céder à mes pulsions. Sauf que je ne supporterais pas devoir trahir Anna.

Au total nous sommes sept coachs. Christophe, le gérant du Club et accessoirement remplaçant lorsque l’un de nous est absent. Il s’occupe de la gestion, des inscriptions, des abonnements, des accès et de tout ce qui concerne le marketing et la communication sur le Club. Bref c’est le grand patron.

Antoine et Karim s’occupent des cours masculins. Melvin et moi de la salle de musculation et des entraînements personnalisés. Et enfin Vanessa et Sam des cours féminins. Nous sommes plutôt une équipe soudée et professionnelle. Mais découvrir les filles sous cet angle ne m’avait jamais effleuré l’esprit.

La chaleur du hammam rend leurs corps luisants. Habillée chacune d’un bikini minimaliste, leurs formes parfaites ondulent sous mes yeux. Je n’arrive pas à décrocher du spectacle qu’elles m’offrent sans le savoir. Pourtant il va falloir. Faut que je sorte d’ici au plus vite si je veux pouvoir garder un minimum de contrôle et le peu de dignité qu’il me reste depuis mon licenciement au Cabinet.

Je me fais violence. Je recule sans bruit jusqu’à rejoindre la porte. Malgré la gêne qui m’oppresse je sais que je vais devoir les interrompre. Je suis toujours responsable de la fermeture et si je ne fais pas mon boulot correctement sans vérifier les locaux je pourrais perdre ma place.

Je me racle la gorge avant de reposer ma question mais cette fois beaucoup plus fort.

-Il y a quelqu’un ?

J’entends du mouvement et des chuchotements dans le hammam avant que la porte ne s’ouvre en laissant échapper un épais nuage de vapeur.

-Evan ?

-Sam ?

Je fais semblant d’être surpris. J’essaie de ne pas me focaliser sur les gouttes d’eau qui roulent sur sa peau maintenant enveloppée dans une serviette de bain.

-Excuse-moi je pensais que c’était moi qui fermais ce soir et…j’avais besoin de me détendre un peu avant de rentrer…

Je me contiens pour ne pas sourire. Devinant l’objet de son besoin de détente.

-Pas de problème je te laisse fermer alors. Ma femme m’attend.

-Super je te remercie ! A lundi !

-Ouais bon week-end.

Je referme la porte derrière moi en soufflant. Putain ! Un peu plus et je me serais branlé en les regardant. C'est tellement pathétique. JE suis pathétique. Je me fais honte à moi tout seul même si j’ai réussi à reprendre le dessus sur mon corps. Cette fois.

Je repense à Anna est aux efforts qu’on fait tous les deux. Elle en m’acceptant sans poser de questions, sans me juger, suivant mes envies le plus souvent possible. Et moi en essayant de contrôler ma défaillance, ma « maladie » si j’en crois ce que j’ai découvert sur internet.

Même si je n’y crois toujours pas.