Fyctia
Mentir
Avril 2011…
Je déteste lui mentir. Je déteste ça pourtant je le fais.
Je n’ai pas le choix. Je ne peux pas lui dire que j’ai été viré. Je ne peux pas lui dire qu’on m’a demandé de partir aussitôt sans même me laisser le temps de récupérer mes affaires. J’ai tout reçu deux jours plus tard. Livré par un coursier.
Depuis je fais semblant d’aller bosser tous les jours. Je me lève à l’heure habituelle. Je me prépare comme si de rien était. Pour qu’elle n’ait aucun soupçon. Aucune inquiétude.
Mais même si depuis toutes ces années j’ai mis un peu d’argent de côté, je me rends compte qu’il va vite falloir que je trouve autre chose. Dans un autre domaine. Je doute que ma réputation soit crédible devant un jury si mes penchants pervers venaient à être dévoilés. Du coup adieu la carrière d’avocat. Toutes ces années d’études pour finalement se retrouver sans pouvoir exercer. Juste parce que je suis un véritable abruti. Incapable de se contrôler.
J’ai conscience que je commence à sombrer lentement. Je ne mange pratiquement plus rien. Le mensonge me rend malade. Pourtant Anna ne me demande rien. Pensant sûrement que mon travail me demande beaucoup d’énergie.
Je vais jusqu’à faire semblant de dormir. Le temps d’entendre son souffle s’apaiser contre moi quand elle s’enfonce dans un sommeil profond. Après ça je me lève et passe une bonne partie de la nuit à faire ce que je fais de mieux. Me laisser aller à mes obscénités. Seul ou devant des vidéos pornos sur internet.
Je compense le vide qui s’est installé en moi par la masturbation excessive. M’infligeant une souffrance physique en plus de la morale. Je finis même par me faire mal. M’obligeant à me bander la journée pour qu’Anna ne s’aperçoive de rien le soir. Je suis conscient de la douleur que je m’impose mais je m’en fous. Ce n’est qu’une ridicule punition en comparaison de ce que je peux ressentir intérieurement.
Mentir est un piège monstrueux. Plus on s’enlise dans le mensonge plus on ment. C’est un putain de cercle vicieux dans lequel je ne vois pas le fond. Une histoire en entraînant une autre. Plus fausses les unes que les autres.
Ça fait six semaines que je fais semblant. Semblant d’être celui que j’étais. Alors qu’il n’existe plus. Je pourrais inventer un autre mensonge pour justifier mon renvoi mais j’ai l’impression que ce serait celui de trop. Celui qui ferait tout foirer.
Tirer un trait sur mon avenir a été un coup dur. J’ai chialé comme un gamin en rentrant chez moi. Mais heureusement Anna avait un repas de famille ce soir-là, sinon je ne sais pas comment j’aurais géré tout ça. J’ai tellement honte.
Seulement maintenant elle est là. A mes côtés. Aimante et amante chaque jour. Emplissant mon cœur d’une chaleur devenue familière grâce à elle. Mais me culpabilisant davantage.
Si elle savait.
Elle me quitterait c’est certain. Vivre avec un pervers ne convient à personne. Aucune femme n’a envie de ça. Aucune femme ne mérite ça.
Chaque jour est plus noir que le précédent. Je m’enlise dans la tromperie. Tout est faux. Je deviens quelqu’un d’autre. Quelqu’un que je ne veux pas. Pourtant je le fais. Je lui mens. Je me cache derrière des sourires factices et des étreintes torrides pour qu’elle ne remarque rien.
Mais jusqu’à quand ?
Je dois trouver un autre boulot. Ne serait-ce que pour elle. Mais aussi pour moi. Pour m’extraire de ma dépression grandissante qui s’accroche à moi comme un boulet. Un boulet devenant trop lourd à traîner.
J’ai conscience qu’il faut que je me reprenne si je ne veux pas tout foutre en l’air. Anna m’est bien plus précieuse que n’importe quel travail. Et je lui ai promis d’essayer de tout faire pour la rendre heureuse. Alors bouge-toi putain !
Mon téléphone sonne au moment où je me décide. Le nom de Max s’affichant sur mon écran. Ça fait des semaines que je prétexte être trop occupé. Refusant de sortir. M’enfermant sur moi-même alors que voir mes amis me ferait le plus grand bien. Sauf que je ne me sentais pas prêt. Pas prêt à affronter les questions. Pas prêt à affronter l’inquisition de mon meilleur pote qui n’a pas encore eu lieu concernant sa sœur. Mais que je vois venir à grands pas.
Faut que je lui réponde. Cette fois il faut que je prenne sur moi et me donne un bon coup de pied au cul. Ce sont eux qui m’empêcheront de sombrer. Qui me dissuaderont de me laisser porter par mon dégoût de moi-même.
-Eh mec…comment tu vas ?
J’essaie de prendre une voix assurée. Malgré mon cœur qui cogne contre ma poitrine. Gagné par la nervosité et l’anxiété.
-Salut ! C’est à toi qu’il faut demander ça…on te voit plus
-Ouais je sais j’ai été pas mal occupé mais…tout va bien
Je l’entends soupirer à l’autre bout de la ligne. Ma réponse n’a pas dû être assez convaincante.
-Ecoute…Anna m’a appelé et…elle s’inquiète pour toi…tu crois que tu pourrais te libérer cet après-midi ? J’aimerais qu’on se voie.
Merde ! Moi qui croyais avoir réussi à être crédible je m’en rends compte qu’Anna me connaît mieux que ce que je croyais. Quel con ! A vouloir essayer de l’épargner je m’aperçois qu’une fois encore j’ai ébranlé sa confiance. Je suis vraiment le pire des mecs qu’elle aurait pu trouver.
-Ok je…
Je me racle la gorge pour ravaler la boule qui s’y est formée avant de reprendre.
-…je devrais pouvoir être dispo pour quinze heures. Ça te va ?
-Parfait ! On se retrouve chez toi. Envoie-moi l’adresse.
Il raccroche avant que je n’ai eu le temps de lui proposer autre chose. Mon stress montant en flèche. Ma raison me crie de profiter de cette opportunité pour parler. Me livrer. Mais la honte qui fait dorénavant partie intégrante de moi tous les jours, me rappelle qu’il ne comprendrait pas.
Que personne ne le peut.
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Jee-G
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LeiD
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Oly TL
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KatyBooks
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