Fyctia

Juillet 2010…

Ses lèvres sont douces et chaudes sous les miennes. Je suis conscient que mon baiser est un peu brut pourtant elle ne se détache pas de moi. Un hoquet de surprise s’est échappé de sa bouche lors de mon assaut mais son corps s’est aussitôt détendu contre le mien.

J'ai conscience de ce que je fais alors que ma tête me crie d'arrêter. Nos corps se frottent au rythme de la musique. Ses bras m'encerclent pendant que notre baiser s'approfondit. Sa langue vient timidement caresser la mienne, presque que trop gentiment alors que la mienne veut de la dévorer. Je sens sa respiration s’accélérer, son cœur bat vite contre ma poitrine. Je voudrais tellement pouvoir ressentir toutes ces sensations. Sauf qu'il ne se passe rien en moi. A part que je bande comme un fou.

Mais ça s'arrête là.

Un gémissement lui échappe. Ses mains remontant jusqu'à mes cheveux qu'elle caresse légèrement . Tout ça est trop mielleux pour moi. Elle me touche trop doucement alors que je n'ai qu'une seule envie... La traîner jusqu'aux toilettes ou dans un coin sombre pour pouvoir me soulager rapidement.

Je sais que je ne dois pas. Je sais qu'il ne faut pas. Mais comme d'habitude mon corps ne m'écoute plus. Il se presse même davantage contre elle. Prenant son plaisir en dépit du mien.

Je décolle mes lèvres des siennes. Malgré l'ambiance tamisée je remarque la couleur rosée de ses joues. Ses yeux brillent. Son souffle est court alors que le mien garde le rythme.

Je dois la prévenir, lui dire ce qu'elle risque si elle s'engage à continuer. Une fille comme elle doit s'attendre à être aimée, et elle le mérite grandement. Mais ce n'est pas avec moi qu'elle trouvera ce qu'elle cherche. Je ne suis pas bon pour elle. Je ne le suis pour personne.

-Clarisse...

Son regard s'ancre au mien. Ses yeux remplis d'espoir et de tendresse. Tout ce que je ne pourrais jamais lui donner. J'ai conscience que je m'apprête à la blesser, à la bousculer. Mais ça fait longtemps que le choix d'être seul s'est imposé à moi. Je ne pourrais jamais rendre une femme heureuse. Je suis condamné. Condamné à être esclave de mon corps et de mes envies.

-Je préfère être sincère avec toi...Je ne suis pas quelqu'un pour toi, je ne suis pas quelqu'un de bien.

Ses sourcils se froncent. Elle semble ne pas comprendre la signification de mes mots.

-Les relations sérieuses ce n'est pas pour moi, je me nourris de sexe uniquement. Je ne sais pas ce qu'est l'amour et je ne veux pas le savoir.

Ses yeux s'arrondissent devant la dureté de mes paroles. Je sais que j'y vais fort mais je n'ai pas le choix. Je préfère encore passer pour un connard plutôt qu'elle se berce d'illusions. Je ne veux pas qu'elle s'imagine des choses. J'ai fait le deuil de tout ça depuis longtemps. L'amour et tout ce qui en découle, ce n'est pas pour moi. J'apprends à vivre avec depuis trop longtemps maintenant.

-Mais alors pourquoi tu...

-Pourquoi je t'ai embrassée ?

Elle acquiesce en silence en décollant lentement son corps du mien.

-J'en avais envie. Je te trouve très sexy et j'espérais pouvoir finir la soirée avec toi.

Mes mots dépassent mes lèvres sans que je puisse les arrêter. Je voudrais pouvoir me taire, fermer ma gueule et me barrer avant de passer davantage pour un abruti de coureur. Sauf qu'encore une fois je ne suis pas maître de mes actions. Comme si quelqu'un d'autre habitait mon corps. Je vois et entends tout ce que je dis, sauf que ce n'est pas moi qui parle. Je suis un putain de spectateur de ma propre vie.

-Le problème Clarisse c’est que je ne pense pas que toi et moi espérons finir la soirée de la même façon. C’est pour ça que je préfère être honnête dès le départ. Si tu veux t’amuser un peu je suis OK. Mais si tu attends plus de moi…je ne suis clairement pas quelqu’un pour toi.

Sa main atterrit sur mon visage avant que je ne m’en rende compte. Ma joue me brûle. Mais ça a l’avantage de calmer instantanément mon érection.

-Connard !

Elle me tourne déjà le dos pour partir quand je prends conscience que je suis toujours au milieu de la piste. Certains couples se sont arrêtés de danser pour profiter du spectacle que nous venons de donner. Même Célia et Romain ont le regard tourné vers moi.

Je me passe la main sur le visage et dans les cheveux jusqu’à ce que je me décide à bouger. Je retourne à notre table pour récupérer ma veste et pars sans même dire au revoir à mes collègues.

La porte claque derrière moi. Je commence à partir en direction de la première bouche de Métro quand j’aperçois la fine silhouette de Clarisse adossée à un mur à quelques mètres.

Merde !

J’ai encore le choix de partir de l’autre côté sauf que c’est l’instant que choisit ma conscience pour se manifester. Je souffle et décide de continuer dans la même direction. Quitte à en prendre plein la gueule autant en profiter pour m’excuser.

J’arrive à son niveau. Je m’arrête à quelques pas pour respecter une certaine distance avant de me lancer.

-Clarisse…

Ses bras l’encerclent, comme pour se protéger. Sa tête est baissée pour ne pas me faire face. Je me doute que je dois être la dernière personne qu’elle ait envie de voir mais je ne peux pas la laisser comme ça. Perdue et toute seule en pleine rue. J’avance la main vers elle.

-Je vais te raccompagner à l’intérieur

-Ne me touche pas !

Ses yeux trouvent les miens. Son maquillage a légèrement coulé, ses joues sont mouillées et ses lèvres gonflées. Surement à cause de moi d’ailleurs. La colère et la déception que m’envoie son regard me déstabilisent. Je n’ai jamais eu à affronter personne jusqu’à maintenant. Je partage toujours mes envies avec des femmes ou des hommes qui ont plus ou moins les mêmes désirs. Mais je ne me suis jamais retrouvé en face de quelqu’un que j’ai blessé.

Pas même avec Anna. Puisque je n’ai pas eu les couilles de la regarder partir.

-Ecoute je sais que tu ne veux pas me voir mais laisse-moi seulement te ramener jusqu’à la porte. Ce n’est pas prudent de rester seule dehors. Surtout à cette heure-ci.

Son regard balaie la rue et elle semble se rendre compte de l’endroit où elle se trouve. Cette rue est très animée pendant la journée mais bizarrement le soir elle est déserte. Laissant planer une atmosphère glauque et peu rassurante.

Son corps se décolle aussitôt du mur pour reprendre le chemin du bar. Elle ne me regarde pas, ne me parle pas, continuant de marcher en m’ignorant totalement. Ça m’est égal, je me doute bien qu’elle ne va pas m’adresser la parole pendant un moment mais ce qui est important pour moi à cet instant c’est qu’elle rentre retrouver ses amis. Je m’en voudrais s’il devait lui arriver quelque chose.

Je la suis en marchant vers l’entrée jusqu’à ce qu’elle rentre et me claque la porte au nez.

Je reste là. Debout. En même temps je l’ai mérité. Je lui ai fait comprendre que je ne voulais que son cul mais je ne regrette pas. Je préfère qu’elle me voie comme un beau connard.

Au moins je ne lui ferai pas plus de mal que je lui en ai déjà fait.