Fyctia

Septembre 2009…

Les néons rouges du Sauna Club m’éclairent le visage, ça doit faire plus d’une heure que je patiente devant l’entrée, je fais les cent pas, j’hésite, je sais que si je passe la porte je perdrai le peu d’innocence qu’il me reste.

Hier encore je me masturbais devant un énième show de Paola jusqu’à ce que je réalise que ça ne me suffisait plus, que j’avais besoin de plus, qu’il me fallait plus, j’ai l’impression que mon corps réclame autre chose, je veux de la chaleur humaine, je veux toucher les courbes d’une femme, je veux sentir sa peau glisser sous mes doigts, je veux…me sentir vivant.

Je me passe une main sur le visage en soufflant avant de capituler et de faire un pas en direction de la porte. L’entrée est peinte en noir, pas de fenêtre donnant sur l’extérieur, l’endroit pourrait être des plus discrets si la lumière rouge de l’enseigne n’annonçait pas clairement la lascivité du lieu. Un interphone avec caméra est fixé près de la porte, je voudrais pouvoir reculer et m’adonner à mes activités solitaires encore une fois sauf que je ne peux pas, ça fait trop longtemps que je m’arrête ici sans jamais entrer, mais pas ce soir.

Je ferme les yeux, j’ai la sensation d’arriver en bout de route, je me dis que cette étape est la dernière, après on ne pourra plus me sauver, je serais définitivement perdu. Mais qui le pourrait en même temps ? Qui voudrait venir en aide à quelqu’un comme moi ? Je suis un monstre, un être hideux et dégueulasse, manipulé et guidé par sa queue, je ne lutte plus, je ne peux plus et je souffre beaucoup moins en me laissant aller.

Je respire un grand coup avant de me décider à appuyer sur la sonnette, l’excitation de l’inconnu envahit aussitôt mes membres, laissant de côté ma répulsion et ma nausée, je sais d’avance que ces sentiments reviendront me hanter plus tard.

Une petite trappe s’ouvre au niveau de la porte, deux yeux m’observent de la tête aux pieds avant de reculer pour ouvrir et me laisser entrer.

-Bonsoir Monsieur

L’homme devant moi est grand, élégant et visiblement musclé à outrance, je suppose qu’il doit dissuader un paquet de gens de vouloir entrer ici pour foutre le bordel, mais il paraît aimable et accueillant, surtout face à un mec en stress qui cache des pensées perverses.

-Bonsoir

-Je vous en prie entrez, Camilla va s’occuper de vous

Je traverse un couloir sombre, uniquement éclairé par des bougies rouges au sol, jusqu’à ce qu’une femme vienne à ma rencontre, une créature moulée dans une robe minimaliste qui laisse visiblement voir plus de peau qu’elle n’en cache, montée sur des talons hauts extravagants, un parfum puissant et tenace, maquillée exagérément en noir et arborant un sourire factice mais avenant.

-Bonsoir Monsieur, je vous accompagne aux vestiaires ?

Je la suis sans répondre, ma nervosité brouille mon esprit, je me sens perdu, je ne sais même plus pour quelle raison je suis là.

-C’est votre première visite n’est-ce pas ?

J’acquiesce en silence, j’ai le regard fuyant et la bouche sèche alors que Camilla reste aimable et souriante

-Voulez-vous que je vous fasse visiter les lieux ? C’est toujours plus facile d’être accompagné la première fois, le Club est très grand

Je me racle la gorge en lui tendant ma veste

-Merci oui

Je la regarde me tourner le dos pour accrocher mon vêtement, sauf que sa robe est tellement courte que j’aperçois la naissance de ses fesses, visiblement dénuées de tous sous-vêtements

Bordel !

Je détourne les yeux alors qu’elle me rejoint et s’engage dans les escaliers auxquels je tourne le dos, la déco est travaillée, les murs sont en pierre apparentes donnant un côté rustique à ce lieu de débauche, les marches sont éclairées par de simples néons rouges, l’ambiance est charnelle et sensuelle et la musique entraînante commence à résonner au premier étage.

Camilla m’explique que chaque étage a sa spécialité, sept au total, en fonction de notre statut également, certaines salles sont interdites aux hommes seuls par exemple, ou d’autres sont réservées aux couples uniquement, je ne compte plus le nombre de lits et de banquettes, il y a une douche à chaque étage, des réserves astronomiques de préservatifs et de gel lubrifiant, il y a des caméras et des appareils photos à disposition, des balançoires, et des objets en tous genres à l’étage BDSM, un restaurant avec une scène, des hamacs en filet où on peut s’ébattre au-dessus de la piste de danse en contrebas, beaucoup de portes fermées par des rideaux, d’autres par des grilles, l’atmosphère est oppressante, irréelle, j’ai l’impression d’entrer dans un monde parallèle où les tabous n’ont pas leur place, comme si ça allait devenir ma prochaine famille, où je ne serais pas jugé ni renié.

Pourtant, malgré toute la liberté que j’entrevois dans ce club, je me sens sale, avant même d’avoir commencé, je me sens nerveux et mon assurance décroit au fil des minutes, tout ce que je sais c’est que mon érection grandit, mon corps entre en transe tout seul alors que mon esprit voudrait clairement être ailleurs, j’ai l’impression que ce que je m’apprête à faire est mal sauf que je n’ai aucun contrôle.

Camilla finit la visite avec l’étage en partie réservé aux homosexuels, il y a très peu de monde vu l’heure à laquelle je suis arrivé mais je remarque que les personnes qui sont là sont déjà occupées à leurs plaisirs.

Deux femmes s’embrassent à pleine bouche dans un coin de canapé alors que d’autres les observent en buvant tranquillement un verre. Un homme habillé de sangles et de chaînes se déhanche en rythme sur la musique, enfermé dans une cage. Une autre femme se masturbe agenouillée sur une table basse devant deux autres qui se déshabillent mutuellement.

L’environnement m’étouffe, pourtant il agit sur moi comme un aphrodisiaque, je suis excité, je bande comme un fou sauf que je ne ressens toujours aucun plaisir, je veux juste me débarrasser de cette frustration constante qui s’empare de mon corps à chaque fois, je voudrais tellement pouvoir être comme tous ces gens, sans inhibition pour m’adonner aux plaisirs du sexe alors que pour moi ce n’est qu'une nécessité, je me fous de savoir avec qui, ni comment, tout ce que je veux c’est évacuer mes démons.

-Ah il va falloir que je vous laisse, j’ai du monde en bas. Ça va aller ?

Camilla me sort de mes pensées, pourtant je n’arrive pas à lâcher du regard les scènes lascives qui se déroulent devant moi

-Je vais rester ici merci

Je ferme les yeux un instant, je respire l’air environnant, la luxure et la perversion envahissent mon esprit tordu, je ne suis déjà plus maître de ce que je fais, ni de mes membres, j’ai chaud et mon sexe est de plus en plus comprimé. Je m’inspire des lieux avant de décider quoi faire, quel étage, avec qui, je me pose tous un tas de questions en essayant de choisir ce qui m’aidera au mieux pour ce soir.

D’un coup deux mains se posent sur mes hanches, et à la virilité que je sens se frotter contre mes fesses, je sais de source sûre que ce n’est pas une femme.