Fyctia
Les règles du jeu
Son regard était perdu, rivé sur le plafond. Il ne le regardait pas vraiment. C'était comme si ses deux pupilles accrochaient une chose qui n'était visible pour personne d'autre que lui. Il semblait pourtant concentré, presque fasciné, par ce qui me paraissait pourtant n'être que du vide.
-Pourquoi est-ce si douloureux ?
Hein ? Quoi ?
Me parlait-il ?
-Monsieur Ham...
-Pourquoi suis-je toujours si seul ? A quoi ça sert d'être riche si c'est pour vivre en plein cauchemar ?
OK... Non. Il ne me parlait pas. Il n'était visiblement pas de retour sur notre planète. Peut-être n'en avait-il jamais fait parti ? Il semblait si loin, dans une contrée si lointaine, qu'une seule soirée n'aurait pas pu suffire à l'y emmener. Il devait y être depuis longtemps. Trop longtemps, même.
Une unique larme dévala sa joue. Et ce fut pour moi comme un déclic. Une révélation.
Noah Hamilton.
Noah Hamilton.
Je vais faire de ta vie un rêve.
Cette pensée s'ancra en moi comme une obligation. Plus encore, comme un devoir. Un devoir d'offrir à cet homme la même clémence que la vie m'avait accordée. Parce qu'en fin de compte, c'était telle que j'avais toujours vu les choses. Le bonheur, parfois, il se donnait. Comme une flamme que l'on a trop longtemps gardée pour soi, sans jamais la transmettre. Parce que s'il y avait bien une source inépuisable, que l'on pouvait donner sans s'en sentir délestée, c'était bien le bonheur. Et cette flamme, je ne l'avais pas gagnée, moi, on me l'avait offerte.
Lorsqu'il s'endormit, un millier d'idées germèrent dans mon esprit.
La première, fut simplement de le mettre à l'aise, en le libérant de son manteau trempé, puis de ses chaussures, avant de recouvrir son corps d'une couette moelleuse.
La deuxième, fut de fouiller son manteau, pour en sortir son porte monnaie. Je n'étais pas une voleuse, et je ne comptais certainement pas utiliser son argent à des fins personnelles. Ce serait seulement pour lui. Pour que sa vie ne soit plus si monotone. J'en sortis 5000$ en liquide. Cette somme me provoqua un vertige. Jamais de ma vie je n'avais eut une telle liasse entre les mains. Pour moi, cela représentait des années d'épargne. Pour lui, ce n'était rien. Rien. Dépenser cette somme, serait autant de sacrifice pour lui, que pour moi d'acheter une baguette de pain.
Le jour se levait peu à peu et les commerces devaient être sûr le point d'ouvrir. Je n'attendais pas plus, fourrais l'argent dans les poches de mon manteau et courrais rejoindre la rue.
Deux heures plus tard, je revenais les mains chargées.
Sur la petite table de nuit, je déposai une casquette noire, une paire de lunette de soleil, une bouteille d'eau fraîche et un cachet d'aspirine. De mon sac plastique, je sortais le téléphone portable prépayé que je venais de m'offrir, puis la petite carte où était inscrit mon numéro. Rapidement, de peur qu'il ne se réveille, je récupérai son propre téléphone dans son manteau. Évidemment il était verrouillé. Alors délicatement, je glissai une main sous le drap, à la recherche de la sienne, et déverrouillait l'objet à l'aide de l'emprunte de son index. Aussitôt fait, je composais mon numéro de téléphone depuis son propre appareil, et lorsque les dix chiffres s'affichèrent sur mon écran, je supprimais l'appel depuis son historique, pour qu'il n'en garde pas de trace.
Le soleil perçait doucement la fenêtre entrouverte de la chambre. C'était le signal pour moi de quitter les lieux. Pourtant, je pris quand même le temps de fumer une cigarette, prenant le soin de maquiller ma bouche d'un rouge à lèvre orangé avant d'en inspirer la première bouffée. J'aimais soigner les choses et je voulais que ma mise en scène soit parfaite.
Adossée à la vitre, je l'observai, recrachant la fumée depuis la petite ouverture. Malgré la douleur soudaine sur son visage. Cette douleur pourtant invisible sur chacune de ses photos. Monsieur Hamilton était d'une beauté à couper le souffle. Sa chevelure brune encore humide ondulait sur le dessus de son crâne, ses traits étaient viriles, presque impressionnants tant ils semblaient impitoyables. Pourtant Hamilton n'avait jamais été ce type d'homme. Il n'avait jamais été ce tyran sans scrupule, aboyant des ordres à tout ceux qui n'avaient pas son statut. Et dieu sait que peu d'homme l'avait, son statut. Aucune rumeur ne peignait un tel portrait de lui. Il était seulement un homme d'autorité. Un homme peut-être froid, distant, peu affable. Mais il n'était pas détestable. Il était seulement lui. Ce fantôme, ce mystère au nom de renommé internationale, qui n'agissait que dans l'ombre et qui n'avait de voix que celles de ses représentants.
Lorsque j'inspirai la dernière taffe, j'écrasai mon mégot dans le cendrier de la chambre, installé sur sa petite table de nuit. L'emprunte de mes lèvres y était parfaitement dessinée.
Il ne me restait qu'une seule et unique chose à faire, lui écrire une note.
Récupérant un stylo et une feuille de mon sac, je gribouillai quelques mots, un sourire aux lèvres, avant de déposer le papier sous le cendrier, pour pas que le vent ne l'emporte, alors qu'il se lève doucement, filtrant au travers de la fenêtre, comme les premiers rayons de soleil.
Un dernier regard pour cet homme, pour qui la vie semblait si sombre, et pour qui j’espérais y apporter un peu de lumière, et je quittai la chambre, puis l'hôtel, sans un regard en arrière. Retrouvant la rue, la vie New-yorkaise et son éveil. Retrouvant cette même bouche de métro. Celle que j'aurai du prendre il y a maintenant plusieurs heures. Retrouvant mon studio dans la banlieue de Brooklyn. Retrouvant ma vie.
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Maelle Poe
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Il y a 7 ans
Roche Olivier
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Maelle Poe
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Laureline Maumelat
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Maelle Poe
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WadeWilla
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