Maelle Poe Acceptes-tu de jouer? Le cri du chagrin

Le cri du chagrin

Sortant d'une boite de nuit New-yorkaise, sous une pluie battante, je parcourais les derniers mètres menant à la station de métro, lorsque je le vis. Sous un porche. Il était ivre, malheureux, méconnaissable. Il hurlait. Lui. Lui qui avait pourtant semblé toujours si fier, imperturbable, indestructible, lui qui risquait à tout moment d'être reconnu. Lui, qui jouait là sa réputation. Lui, Noah Hamilton. Lui, le grand directeur d'Hamiton Industry. Lui, mon patron. Lui, qui à cet instant, était désespéré.


J'observais cet homme, tétanisée, incapable de faire le moindre geste. Je croyais rêver. Était-ce vraiment lui ? Non ! C'était impossible.


-Monsieur ? Monsieur vous-avez besoin d'aide ?


Un groupe d'hommes s'approchaient dangereusement de lui, tentant de capter son regard vitreux pourtant rivé au sol.


-Monsieur ? Regardez-moi ! Est-ce que tout vas bien ?


Putain... Ils vont le reconnaître. Il ne faut pas ! Il ne doit pas être reconnu !


Il hurlait toujours. Et, je crois, qu'au fond, il pleurait surtout. Il pleurait une vie entière de chagrin. Une montagne de souffrance. Il délivrait ce que le silence était incapable de libérer. Il exprimait ce que des larmes seules ne pouvaient dire. Il hurlait à m'en briser le cœur.


C'est à cet instant, que mes jambes se délièrent enfin du sol. Je n'avais aucun plan, aucune stratégie, rien en tête, si ce n'était l'écarter du groupe, éviter que ces hommes ne le reconnaissent. Je ne souhaitai qu'une seule chose : que cet instant de fragilité reste un secret pour le monde. Si il avait relevé la tête, si la lumière du réverbère avait accroché son visage tordu de souffrance, il aurait été fini. C'était son fardeau. Noah Hamilton était l'une des plus grandes richesses du pays. Noah Hamilton n'avait pas le droit à l'erreur. Noah Hamilton ne pouvait pas être cet homme abattu, incontrôlable et ivre, que le New-York Times se serait fait un plaisir de dépeindre en première page de leur magasine, le lendemain.

Il suffisait d'un regard. D'un seul.


-Je m'en charge ! Hurlais-je à mon tour. C'est mon frère !


Et sans un mot de plus, je glissai un bras sous l'épaule de Noah Hamilton, et l'éloignai de la foule, qui peu à peu, s'était amassée autour de lui.


Il ne criait plus. Il paraissait ailleurs. Il semblait dans un autre monde. Un monde dans lequel je n'étais pas. Moi, pas plus que ces hommes et femmes qui nous observaient nous éloigner, le regard inquiet et curieux. Je crois que je ne faisais pas même parti du décors. Il se contentait de suivre mes pas, s'appuyant légèrement sur moi, sans pour autant peser de tout son poids. Il balbutiait des mots que je ne pouvais comprendre. Dans une langue qui devait appartenir à son monde, à sa propre fiction. Une fiction où régnait chagrin, douleur et désespoir. Où les hommes ne parlaient pas sans larme et où les personnages ne riaient plus. C'était une sensation écrasante que de tenir entre ses bras un homme dont on ne connaissait de lui que pouvoir, maîtrise et autorité. Il était toujours grand, toujours droit, toujours debout et pourtant, toute son âme semblait être à genoux.


Je ne savais que très peu de choses sur Noah Hamilton. En tant qu'hôtesse d'accueil dans son entreprise, je ne le voyais jamais. Il était invisible pour tous et pourtant, sa présence se ressentait partout. Son nom franchissait toutes les lèvres. Chaque tâche que l'on accomplissait était pour lui. « Monsieur Hamilton demande... » « Monsieur Hamilton souhaite... ». Ce nom était prononcé à chaque seconde. Un nom qui n'avait pour visage que les traits figés des couvertures de magasines, des photos Wikipédia, d'articles peoples. Des traits immobiles. Un nom qui n'avait pas de rire, pas de voix, pas de sourire, pas de larmes. Un nom. Rien qu'un nom. Un nom qui prenait enfin vie sous mes yeux.


Je n'avais pas dit un mot tout le long de notre marche. Je tentais simplement d'élaborer un plan. Je devais me rendre à l'évidence, il était impossible de communiquer avec lui. Lui demander son adresse aurait été comme demander sa route à un aveugle : inutile. Je devais simplement trouver un endroit sûr. Un endroit où il pouvait se reposer, reprendre ses esprits en toute discrétion. Et ensuite je partirai.


L'enseigne d'un hôtel particulier clignota à quelques dizaines de mètres de là et je m'y engouffrais sans attendre. Monsieur Hamilton était trempé, tout comme moi, et ce fut une délivrance que de trouver enfin un abri, même si le mal était fait, depuis longtemps. Mes cheveux me collaient à la peau, et je réalisai seulement maintenant combien j'étais frigorifiée. Lui, pourtant, était bouillant, sûrement réchauffé par un trop plein d'alcool, qui, si j'en croyait mon odorat, était du Whisky.


Arrivée au comptoir, je captai le regard de l'hôtelier, souhaitant naïvement l'hypnotiser pour qu'il ne détourne pas les yeux sur mon accompagnateur. Ce qu'il fit. A mon plus grand soulagement. Il était pourtant agacé, à n'en pas douter, car il n'était pas nécessaire de voir Monsieur Hamilton pour comprendre que l'homme que je chaperonnait n'était pas dans son état normal.


-Il me faudrait une chambre. Pour cette nuit.


-110$, Se contenta-t-il de répondre.


Et je n'avais pas besoin de plus de cérémonie. En venir au fait, c'était tout ce que je voulais.

J'aurai pu hurler d'avoir à sortir une si grosse somme, mais il me restait encore du liquide que ma grand-mère m'avait offert à sa dernière visite, la semaine passée. C'était de l'argent que je n'avais pas gagné. Ce n'était que du plus. Du plus qui m'était soudainement retiré, certes, mais rien qui ne m'aurait mise dans une sale situation.

De ma main libre, j'avais déposé les billets sur le comptoir, attendant patiemment de recevoir les clefs, et priant pour qu'il ne nous ait pas refilé une chambre au dernier étage, dans cet immeuble sans ascenseur.


-2ème étage, chambre 208.


Je pris le temps, un temps fugace, pour lui adresser un sourire, et m'éloignait de lui aussi vite que possible, Monsieur Hamilton toujours maintenu contre moi.

Les deux douzaines de marches à franchir furent une réelle corvée. Non pas que l’ascension fut difficile, elle fut seulement interminable. Et c'est lorsque j'ouvris la porte de la chambre miteuse, que j'allongeai Hamilton dans le lit, que je pu enfin respirer de nouveau. J'avais joué mon rôle de bonne citoyenne à la perfection. Je pouvais avoir l'esprit tranquille.

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5 commentaires

Maelle Poe

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Il y a 7 ans

Message à tous :) :) : Je suis désolée.. Je viens de voir d'horribles fautes, du genre qui font mal aux yeux lol Et c'est trop tard pour corriger..... GRR

Maelle Poe

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Il y a 7 ans

Merci beaucoup :) :)

Roche Olivier

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Il y a 7 ans

excellent démarrage. Je suis accroché.

Laureline Maumelat

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Il y a 7 ans

un début malin et accrocheur. nous parler de Noah à travers les yeux de l'héroïne est malin. Bien joué, je continue

molly reagan

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Il y a 7 ans

;-)
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