Fyctia
Les gardiens du temps 1
L’an 2058, la 20ème Ère des Élémentaires, blocus Sawyer
Assis sur mon lit, je regarde par mon hublot, les 3 astres solaires dont l’un est à moitié caché par notre lune. Bientôt la lumière sera pleine et il me faudra me rendre à mon premier cours de préparation pour rentrer à la S.O.C.I.E.T.E, la “Science Of Controllable Intelligency & Extraordinary Technological Elements”.
Je ne ressens aucune joie particulière à intégrer cette organisation, ma mère attendait ce jour avec impatience, elle n’a pas arrêté de m’en vanter les mérites, elle dit que mon père en a fait partie en tant qu’Eminent Prédicator supérieur, puis il a disparu lors d’une mission que lui avait confiée Le Grand Eminent Suprême.
Je me souviens à peine de mon père, ma mère dit que je lui ressemble énormément mais que j’ai hérité de ses yeux, parfois quand les 3 astres ne rayonnent plus dans le ciel, je la surprends à contempler l’hologramme qui veille sur sa stèle dans notre jardin et à chaque fois son regard se voile de tristesse alors elle ne peut résister à l’envie d’être avec lui et descend pour quelques heures sous la lumière de notre lune bleutée pour converser avec cet hologramme qui n’est qu’une copie cérébrale et physique de mon père.
Cet Hologramme doté de l’empreinte génétique de mon père n’est autre que l’un des nombreux “Extraordinary Technological Elements” de l’organisation, créé pour contrôler notre affect, ma mère n’aime pas quand je dis ça mais j’ai toujours pensé qu’il n’était pas normal de brider nos émotions et de nous forcer à être enfermé dans ce blocus depuis le jour de notre naissance en attendant sagement que les Eminents Prédicators viennent nous chercher pour parfaire notre éducation.
Dès l’âge de 18 ans jusqu’à nos 30 ans nous suivons leurs enseignements avant de nous destiner à être l’un des leurs, les plus chanceux finissent hauts gradés et partent en mission pour Le Grand Eminent Suprême mais à quel prix ? Mon père l’avait déjà payé. Quant aux femmes nulle place n’est trouvée pour elles, le seul confort auquel elles ont droit est ce minuscule blocus et l’assurance de pouvoir fonder un foyer avec l’un des Éminents qu’on leur choisit.
Cette alliance forcée me sidère autant que leur vie de recluse en ce lieu. Et si l’Eminent Prédicator qu’on leur choisit ne leur plait pas, qu’advient-il ? Cette question je ne l’ai posée qu’une seule fois à ma mère qui jusqu’à ce jour ne m’en a donné aucune réponse. Les femmes viennent au monde avec un seul but ; devenir une bonne compagne, élever les futurs Eminents Prédicators et si par malheur elles ne mettent au monde que des filles elles suivent le même destin que leur mère. Une autre question m’était alors venue.
— N’y-a-t-il donc aucune femme Alandrosienne suivant les préceptes des Eminents Prédicators ?
— Surtout ne redis jamais une telle chose ! m’avait sermonné ma mère.
Alors nous n’en avions plus jamais reparlé, jusqu’au jour où j’appris par l’un de mes condisciples nommé Bram, qu’une femme du nom de Trilonna avait autrefois bravé les anciens pour réclamer son droit d’entrée à la S.O.C.I.E.T.E.
Cette femme s’était faite passer pour un homme afin de recevoir l’enseignement de préparation des Eminents Prédicators pour rentrer à l’organisation, elle avait été convoquée devant le Grand Éminent Suprême pour être jugée pour cette usurpation. J’ai demandé à mon ami ce qu’il était advenu de cette Trilonna, mais nul ne sait ce qu’elle est devenue.
Ce mystère me rendait perplexe, Bram me confia que la réponse se trouvait sûrement dans la salle des audiences où tout acte et tout jugement y était consignés, je me fis la promesse de trouver le moyen d’y accéder pour y trouver la réponse. Je savais que les deux premiers jours d’enseignement devaient avoir lieu dans la citadelle des Eminents Prédicators de rang supérieur, leurs appartements étaient contigus à la salle des audiences, ma décision était prise je trouverai le moyen d’y entrer le premier soir.
Un rai de lumière chatouille mon visage, je tourne la tête pour ne pas être aveuglé par cette caresse flamboyante, maman dit qu’à cette heure-ci c’est le plus beau spectacle sur Alandrosia qui s’offre à nos yeux, les 3 astres solaires sous un ciel azuré entament un balai endiablé de feu orangé et ocre tournoyant autour de la lune bleutée, l’invitant à s’abaisser lentement pour se reposer avant de poindre de nouveau dès la nuit tombée. Elle a assurément raison !
A présent la lumière est bien pleine, je sors de mon lit avant que ma mère ne déboule dans ma pièce pour m’en sortir, je sais déjà ce qu’elle dirait.
— Allez debout Aaron, n’as-tu pas fini de reposer tes méninges ?
Et je sais déjà la réponse que je lui donnerai.
— Qui se repose ici ? Je ne vois personne, regarde je suis debout je ne suis pas allongé dans mont lit.
Au souvenir de cette tendre chamaillerie matinale je souris, tandis que j’arrange les pans de la couverture pour recouvrir proprement mon lit. Je cherche des yeux mon seau d’eau pour faire mes ablutions du matin puis mes habits, je les aperçois amoncelés sur la petite table devant le grand rideau noir qui sépare ma pièce de celle de la principale. D’ailleurs j’entends déjà les bruits de quelques écuelles s’activer et je sens l’odeur des œufs cuire, un doux fumet que je ne reconnais pas tout de suite vient taquiner mes narines, alors mes yeux s’éclairent lorsque je devine enfin : du gros jambon grillé à la poêle !
Je souris, ma mère n’avait pas oublié le jour de ma venue au monde, pourtant elle était rentrée tard dans la soirée. Il était de coutume depuis mes dix ans qu’elle me prépare ma viande préférée pour mon premier repas de ce jour à célébrer. Je glisse un doigt pour pousser légèrement le rideau et l’observe, j’ai tant de choses à lui dire, elle m’avait promis de répondre à toutes mes questions aujourd’hui et à présent j’hésite, suis-je prêt à en entendre les réponses ? Peut-être devrais-je attendre de finir mon instruction.
Une question pourtant évidente continue de me brûler les lèvres, je sais que je ne peux poser cette question aux Éminents Predicators sous peine de condamner ma mère à un exil alors je décide de me taire et continue d’imaginer la fête que j’aurai souhaité avant de la quitter pour toujours. Soudain la peine me saisit, je devrai la laisser là dans ce si petit endroit au confort sommaire alors que je vivrai entouré de faste et de technologies créées lors de la dernière ère. Ce décalage flagrant me dérange également et me conforte sur ce que je pense de tout ça, alors je m’avance vers elle et demande :
— Qu’est devenue Trilonna? osé-je, elle lève la tête de l’écuelle, me sourit puis souffle.
— Un gardien du temps ! Allez viens t’asseoir ça va refroidir, elle soupire. J’obéis et m’installe à ses côtés. Elle caresse mes cheveux courts noirs et m’embrasse le front puis elle me tend ma cuillère en bois.
— Et comment le sais-tu ? dis-je en la regardant couper un bout de jambon tandis que je mange mes œufs brouillés.
— Elle est ma sœur.
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Jane Moody
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