Fyctia
Chapitre 25 : Ethan (1/2)
J’ai tenu ma parole et j’ai respecté les injonctions de Lou en quittant le café sans poser de questions et sans rester pour en savoir plus, mais je me suis fait violence. Je l’ai vu dans pas mal d’états au cours de ces dernières semaines, j’étais même là lorsqu’elle a fait une crise d’angoisse. Mais aujourd’hui, c’était différent. Elle semblait tétanisée, en état de choc. Et j’ai beau réfléchir, j’ignore ce qui a pu provoquer cette réaction. Un homme se tenait derrière moi : elle devait le connaître, je ne vois que ça.
Je regagne ma Dodge garée à quelques pas du Starbucks et me repasse la scène en boucle. Nous échangions des piques, je la charriais sur le fait qu’elle n’aimait pas le café et soudain, tout son corps s’est raidi. Elle a tenté de camoufler les tremblements de ses mains, mais n’y est pas parvenue. Ses yeux reflétaient une forme de terreur. J’aurais dû rester. J’aurais dû utiliser mon joker et refuser de quitter le café, essayer de comprendre.
Pourquoi accorder une telle importance à son ressenti ? Les semaines précédentes, nous avons passé un paquet de temps ensemble, une forme de lien nous réunit maintenant. Peut-être de l’amitié.
J’essaye de focaliser mon attention sur autre chose — la route par exemple. Merde. J’ai oublié de tourner. J’opère un demi-tour, mais au croisement, je choisis de repartir vers le café au lieu de me rendre à la colocation. Je n’écoute pas ma tête qui me hurle de rebrousser chemin, mais qui ne cesse de faire apparaître des images de Lou, de la peur et de l’incompréhension lues dans ses yeux bleus brillants. Je me gare en double file devant le bâtiment et sors avec précipitation de ma voiture. Mais lorsque je passe la porte, je ne repère ni Lou ni l’homme qui patientait derrière moi. Lucy, arrivée entre temps, m’aperçoit de derrière le comptoir et fronce les sourcils dans ma direction. J’accélère le pas pour la rejoindre. Elle est avec un client.
— Elle est où ? demandé-je.
Lucy et l’étudiant qui paye sa boisson me lancent un regard interrogateur.
— Deux minutes.
Je trépigne sur le côté et attends que l’encaissement se fasse. Ça me semble durer une éternité. Lorsque le client se dirige enfin vers la sortie, je réitère mon interrogation.
— Pourquoi tu veux la voir ? réplique-t-elle.
Je réfléchis un instant, c’est une bonne question.
— Parce que…
— Parce que ?
— J’étais avec elle il n’y a pas longtemps et un gars a débarqué. Elle avait l’air mal et elle m’a demandé de partir.
— Et t’es revenu ?
Elle ne prend pas la peine de masquer la surprise de sa voix.
— Ouais… je…
— Il se passe quoi là, Ethan ?
— Justement, j’en sais rien.
— Nan, je te parle pas de Lou, je te parle de toi. Pourquoi t’es là si elle t’a demandé de partir ?
Ma patience s’émousse au fil de la discussion. Mon pied tapote le sol et mon cœur s’accélère. Je sais que Lucy en joue, je n’ai jamais été quelqu’un de patient, mais j’aime me qualifier de persévérant.
— Tu veux que je te dise quoi ? la provoqué-je.
— J’en sais rien, la vérité.
J’ouvre et je referme la bouche, je me doute que ça me donne un air con, mais je ne sais pas quoi lui répondre. J’ai horreur de parler avec cette fille. Elle tente de me pousser dans mes retranchements pour me faire dire je-ne-sais-quoi, mais là, c’est la seule qui peut m’aider.
— Ethan.
— Je m’inquiète pour elle ! explosé-je. Tu veux que ce soit quoi ?
Le sourire en coin qu’elle m’adresse ne fait qu’accélérer un peu plus les battements de mon cœur, mais ne parviens pas à effacer son air soucieux.
— Maintenant, dis-moi où elle est.
— Je peux pas.
J’ai chaud. Je vais la tuer.
— Tu te fous de ma gueule ?
— Nan, je peux pas t’aider. Mais je suis ravie de savoir qu’il reste un peu d’humanité sous cette jolie carapace.
Ma nuque se raidit. Sa voix calme et son petit sourire augmentent la pression dans ma tête. Elle doit percevoir un changement dans mon expression, car son rictus s’estompe et son regard se fait plus doux.
— C’est pas que je veux pas… elle est partie quand je suis arrivée et elle m’a pas dit où elle allait.
— Mais tu sais ce qui l’a mise dans cet état.
— Oui. Mais je te dirai rien, c’est pas à moi de te le dire et de toute façon, j’ai pas les détails.
Je soupire de frustration. Elle dit la vérité. Et elle a raison. Mais j’insiste quand même.
— T’es sûr que tu veux que je me mette à vous raconter des trucs l’un sur l’autre ?
Son ton ne reflète aucune menace, elle essaye de me faire comprendre les raisons de son refus. Ma mâchoire se contracte et je baisse la tête, mais je la comprends. Si elle garde mes secrets, elle doit garder ceux de Lou, même si ça ne m’arrange pas.
— Mon père t’a envoyé un message.
— Ouais, confirmé-je sur la défensive.
Mais lorsque je relève les yeux sur elle, elle affiche un sourire compréhensif. Mes épaules s’affaissent et elle ne me lâche pas du regard.
— J’ai fixé son message pendant des jours.
Lucy hoche la tête, mais ne me questionne pas, elle me laisse venir à elle. Est-ce l’inquiétude pour Lou ? Le sentiment que le moment est suspendu ? La loyauté que je retrouve chez Lucy qui me confirme à demi-mot qu’elle ne m’a pas trahi ? Je n’en sais rien, mais je décide de lui poser la question qui me brûle les lèvres depuis l’année dernière, quand je l’ai revue :
— Pourquoi t’es partie ?
Elle fronce les sourcils et me dévisage.
— Quoi ?
— Après la… après tout ça, pourquoi t’es partie, toi aussi ?
Dans ses yeux, perce l’incompréhension, mêlée à du regret.
— Laisse tomber, j’aurais pas dû demander ça.
Je tourne les talons et sors mon téléphone pour essayer d’appeler Lou. Quelle idée de merde de lui demander ça !
— C’est pas toi que j’ai abandonné, Ethan !
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clecle
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Louise B.
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Rose Leucate
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Louise B.
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