Éléonore Garnett À travers les lignes Chapitre 4: partie 2

Chapitre 4: partie 2

Le trio s’installa à une table bancale, juste en face d’un distributeur de bonbons à moitié vide.

Trois gaufres brûlantes, beaucoup trop sucrée pour être saines, atterrirent sur le plateau.


— C’est moi ou elles brillent d’une lumière légèrement radioactive ? murmura Jules, en décollant un coin de la sienne.


— C’est le vernis au sucre, déclara Nelly, très sérieuse. Une seule règle ici : on ne juge pas, on profite.


Emma souffla pour refroidir la sienne. Son esprit vagabondait encore entre les strikes ratés, les rires de Jules, et cette sensation étrange qu’elle n’arrivait pas à classer.


— Franchement ? Ce n'est pas si mal, admit Jules après une bouchée.

— Tu as l’air surpris, glissa Emma.

— Un peu. Mon dimanche matin ressemble en général à un bras de fer entre ma flemme et ma culpabilité.


— Et là ? demanda Nelly.


— Là, je mange une gaufre fluo avec deux personnes qui ont l’air très stables émotionnellement. C’est du progrès.


Nelly éclata de rire. Emma haussa un sourcil, mais se tut.


Silence léger. Fourchettes qui grattent l’assiette. Grelots dans le lointain.


— Si tu n'étais pas là tu ferais quoi actuellement ? lança Nelly à Emma.


— Créer une satané IA de Noël sous pression. Tu savais qu’on doit livrer un prototype en cinq jours ? Une démo « émotionnelle» en plus , s’il vous plaît.


— Sérieux ? Avec Alex ? releva Jules, surpris.


— Malheureusement, confirma Nelly en piquant un morceau de la gaufre d’Emma.


— C’est un enfer, admit Emma.


— Je ne sais pas… il est pas si horrible, dit Jules. Un peu particulier. Mais j’ai l’impression qu’il t’admire.


Emma le fixa.


— Tu rigoles ?


— Non. Il t’observe, je dirais… avec intérêt. Pas pour te corriger. Plutôt pour te suivre.


Elle replongea dans sa gaufre. Un peu trop concentrée pour être honnête. Nelly laissa couler. Le moment tenait en équilibre : bancal, sincère, fragile.

Puis Jules reprit, presque distrait :


— Vous venez souvent ici ?


— Une fois par mois, dit Nelly. C’est notre rituel. Emma râle, je la traîne, elle perd, je gagne. Et tout le monde mange des gaufres douteuses.


— C’est faux, objecta Emma. J’ai déjà gagné une fois.


— Bug d’affichage, répliqua Nelly.


— Mauvaise foi.


Ils rirent doucement.


Jules se pencha sur sa gaufre, puis releva la tête, plus sérieux :


— Et Noël, pour vous, c’était comment, avant ?


Nelly fronça les sourcils, puis répondit du tac au tac :


— Double B à la fois bruyant et bordélique. Plein de couleurs et de gens. Ma mère décorait à l’excès, mon père râlait, et moi je lisais sous la table. C’était le chaos mais rempli d'amour.


Il se tourna vers Emma. Elle fixa sa gaufre, puis dit :


— Tout l'inverse de Nelly. C'était..... silencieux. Mes parents bossait beaucoup. Je bricolais des trucs, un sapin en Lego, des dessins qui disaient «Joyeux Noël».

Et je faisais semblant que ça suffisait.


Jules resta silencieux un moment, puis souffla :


— Oh. Je suis désolé.


Elle haussa les épaules.


— C’est pas grave. C’est juste… comme ça.


— Et toi ? demanda-t-elle, sans le regarder.


— Deux familles. Deux repas. Trois heures de route. Et des cadeaux mais jamais les bons.

Mon père avait une playlist improbable. Queen, Céline Dion, AC/DC, j’adorais ça.


— Je veux cette playlist, souffla Nelly.


— Je te l’enverrai. Mais je t'avertis : les transitions peuvent faire mal aux tympans.


Emma sourit avec un petit pincement au cœur. Elle ne savait pas dire d’où il venait. Mais il était là, quelque part entre le sucre, les souvenirs… et le regard doux de Jules, qu’elle n’osait pas trop soutenir.


Un moment s’écoula, simple, presque silencieux.


Nelly se leva pour aller chercher des serviettes, en fredonnant une vieille chanson de Noël.


Jules, lui, poussa doucement le reste de sa gaufre vers Emma, sans commentaire.


Elle le regarda, haussa un sourcil. Il répondit par un sourire en coin, complice, sans insister.


Elle baissa les yeux. Et pour une fois, ne chercha pas à analyser. Elle prit juste une bouchée. Et la laissa fondre, doucement, sans se presser.


Le sucre collait un peu aux doigts. Mais pour une fois, ça ne la dérangeait pas.


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2 commentaires

Nova Lee

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Il y a 14 jours

C'est très doux comme moment, entre confidences, instants suspendus et silences équivoques ❤️‍🩹

Letizia Aetherflame

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Il y a 15 jours

Très belle histoire! Hâte de lire la suite !😍
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