Fyctia
Chapitre 5 : Kami 2/2
Son haleine fétide me donne la nausée, mais ce qui me donne encore plus envie de vomir ce sont ses mots. Jamais je n’aurais songé vivre une telle humiliation. Depuis la mort de ma génitrice, j’ai fermé les yeux sur les activités qu’elle avait pendant des années. Parfois, quand j’imagine ma mère, je vois une femme joyeuse, souriante, et non cette accro à la drogue qui passait sa vie à se prostituer. Je pensais ce secret enterré avec elle, mais il faut croire que non. Je suis incapable de rester ici plus longuement, j’en ai presque oublié que ce vieux dégueulasse à ses sales pattes posées sur mon corps. Avant même d’avoir le temps de bouger pour me dégager de son contact, une forme se jette sur lui et me libère de son emprise.
Le lieutenant tient le col de sa chemise entre ses mains et je suis assez surprise de voir qu’il n’utilise pas la violence physique. En revanche ses mots sont tranchants :
– Si jamais tu reposes ne serait-ce qu’un bout de doigt sur ma femme, je te promets que tu sentiras toute la haine que je porte pour toi. Et ensuite, je laisserai mes amis te faire comprendre que le corps d’une dame n’est pas un jouet que l’on tripote à sa guise. Me suis-je bien fait entendre ? assène-t-il d’une voix si froide qu’elle semble faire peur à cet inconnu.
Son visage perd toutes ses couleurs et il hoche la tête. Je suis étonnée qu’il se soit décomposé aussi vite, il faut dire que le lieutenant a été on ne peut plus clair. Savoir qu’il m’a encore une fois prêté main forte me réconforte. Ce n’est pas la première fois qu’un homme ose me toucher sans mon consentement dans le cadre de mon boulot. Ils ont tendance à penser que vu mon travail, les attouchements vont de pair et sont la norme. Pourtant, il m’est impossible de compter le nombre de fois où j’ai voulu leur foutre mon poing dans la figure. La perspective de perdre le seul job qui me permet de me nourrir et d’avoir un toit sur la tête m’effraie.
Mais ce soir, je crois que ça été la fois de trop, ou bien est-ce ses mots crus me rappelant le passé sombre de ma génitrice qui me dégoûtent au plus haut point.
– Est-ce que ça va ? me demande-t-il sur un ton bienveillant et sincèrement inquiet.
Je lui réponds par l’affirmative, les larmes aux coins des yeux. Rick arrive peu de temps après la fin du scandale et remercie Oliver pour son intervention. Il me promet de surveiller s’ils reviennent pour les jeter dehors. Même si mon patron n’est pas le plus concerné par nos vies, il déteste qu’on nous touche à ce point. Alors, Rick les mettra à la porte sans aucune gêne s’ils se permettaient de revenir.
– Tu peux y aller Kami, je vais te remplacer pour les deux heures qu’il reste.
– Merci, chuchoté-je encore sous le choc de la tournure qu’à prise la fin de la soirée.
Tu sais tu gagnerais bien plus si tu faisais la même chose que ta mère ma belle. Cette phrase tourne sans cesse dans ma tête. Un sentiment de honte me parcourt le corps. Suis-je comme elle ? Vendre mon corps pour empocher de l’argent. Après tout, c’est vrai, lorsque ce type m’a touché puis tendu un billet, j’allais le saisir. Est-ce que c’est le commencement ? Ou bien une simple erreur de ma part. Mon cerveau me fait défaut, repassant d’ancienne conversation avec ma mère, revoyant les fois où des hommes éméchés m’avaient donné une petite claque pour faire rire leur copain, ou encore une fois la scène de ce soir.
Flashback
Six ans auparavant
Voir ma mère sortir de la chambre effaçant les traces de rouge à lèvres étalé sur son visage me dégoûte une fois de plus. Je sais pertinemment ce qu’il vient de se passer dans cette chambre. D’habitude, elle ne fait jamais ça à la maison. Elle est plutôt du genre à conserver notre résidence en dehors de son activité. Pourtant, aujourd’hui, c’est arrivé. À quinze ans, je rêvais d’un rapport différent entre elle et moi. Dès que je vois mes amies avec leur mère, je les envie. Nourrissant secrètement le désir d’avoir une famille normale, et non complètement déchirée. Mon père a quitté notre domicile lorsque j’avais treize ans. Je me remémore encore son visage déformé par le dégoût, quand il a découvert que ma génitrice se prostituait au lieu de travailler au magasin d’électronique.
Il m’a laissé avec elle, sans jamais se retourner, pourtant chaque fois que cette scène repasse dans ma tête, je n’espère qu’une chose que l’issue soit différente. Qu’il fasse marche arrière pour me tendre la main et partir avec lui.
– Arrête de te triturer le cerveau Kam, ton débile de père ne va pas venir te chercher alors aide-moi plutôt à ramener de l’argent à la maison.
– J’ai quinze ans maman ! Où veux-tu que je déniche un boulot ? Je devrais être en train d’étudier en ce moment, pas en train de trouver un travail.
– Chérie, l’école me coûte trop cher pour que je t’y remette. En attendant, nous devons payer le loyer et la nourriture, les factures sont en retard. Alors, ne sois pas égoïste et aide-moi !
– Moi égoïste ? Je ne vis même pas la vie normale d’une adolescente, je passe ma journée dans ma chambre à bouquiner des cours auxquels je ne vais plus.
– Arrête de te plaindre un peu, si tu veux Martin m’a donné sa carte pour que tu puisses le joindre.
Jamais, jamais je n’aurais cru entendre ses mots de sa bouche. Martin n’est pas un gentil petit gérant d’entreprise, c’est le mac qui lui refile ses contacts pour aller vendre son corps.
– Pardon, tu penses que je vais devenir comme toi maman ? Autant mourir que laisser un individu s’approprier mon corps contre de l’argent.
Sur ces mots, je prends mes affaires et quitte cette maison de malheur. En refermant la porte, j’entends la voix d’un homme, sûrement son client qui lui demande de revenir finir le travail. À quel point peut-on avoir honte d’un membre de sa famille ? Je sais que des personnes se prostituent parce qu’ils n’ont pas le choix, mais nous l’avions. Mon père gagnait bien sa vie dans le bâtiment et ma mère était caissière dans un supermarché. À eux deux, nous avions largement de quoi subvenir à nos besoins. Comment les choses ont-elles pu tourner aussi vite ?
– Kami, vous êtes avec nous ? me demande le lieutenant en passant une main devant mon visage.
– Oui désolé, j’étais perdu dans mes pensées. Amusez-vous bien, je vais rentrer chez moi et me reposer.
– Est-ce que cela vous dérange si je vous raccompagne jusque chez vous ? Ce type peut être n’importe où, et je ne veux pas prendre le risque que vous vous fassiez agresser.
Lentement, mes yeux plongent dans les siens, et le temps semble s’arrêter. Son regard s’est adouci et la teinte de ses yeux est devenue plus chocolatée. Sa proposition, je dois l’avouer, me soulage. L’idée de rentrer seule ne m’enchante pas. Je ne le connais pas énormément, mais je me sens en sécurité à ses côtés.
– C’est d’accord, je vous remercie, soufflé-je tout en relâchant la pression après ses dernières minutes intenses.
1 commentaire
Alconstance
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Il y a 3 mois