Fyctia
Palpitant de vie !
Notre avion atterrit finalement à 2 h 30, les ambulanciers allemands prennent en charge Lucien dans l’obscurité de la nuit. Le garçonnet, lui, s’extasie sous le ciel étoilé, son enthousiasme scintille avec le cosmos et triomphe devant l’angoisse de l’épreuve à venir.
Mon corps tremble de froid et d’émotions. Nicolas ôte sa veste et la pose sur mes épaules, son parfum m’enveloppe, pourtant il me manque un « petit je ne sais quoi », sans doute l’odeur unique et ensorcelante de cette fragrance au contact de sa peau. Ma réminiscence de la nuit dernière est toujours perdue entre mes songes et la réalité, mais fait écho à ma chair éveillée par cet effluve. Mon beau brun ne laisse rien paraître, son intérêt est forcément centré sur le bien-être de son neveu et je me sens tout à coup très égoïste.
Claire prend place dans le véhicule de secours avec son fils et nous les suivons accompagnés par Benoît dans une voiture avec chauffeur, réservée par la famille. Inquiet, le papa gigote sur son siège, ronge ses ongles et garde les yeux rivés sur les textos réconfortants de son épouse.
Nous rentrons dans Göttingen, je suis stupéfaite de voir les rues aussi animées. Des noctambules ont investi le pavé, chantent, dansent et s’embrassent dans les recoins, à l’abri des regards. Le conducteur nous explique qu’un quart des habitants sont des étudiants et pas des moindres, une quarantaine de prix Nobel a étudié ou enseigné ici. Le bâtiment principal de l’université s’impose dans le centre, mais les maisons à pans de style gothique et les nombreuses statues donnent du caractère et du cachet à la ville. Nous longeons les remparts, puis le Jardin aimé et chanté par Barbara, mais la poésie des paysages nocturnes s’efface devant les grilles de la clinique privée.
Même à cette heure, le chef de service nous accueille en personne, je commence immédiatement à traduire ses paroles qui prônent autant les soins que le luxe de l’établissement. L’équipe médicale nous guide dans les couloirs en marbre, leurs mots sont rassurants et bienveillants. Lucien à nouveau endormi est installé dans la suite « voie lactée », appartement serait peut-être le nom juste, avec la chambre parentale et une salle de bain, aussi vaste que mon salon. Je reste bouche bée devant le lit en forme de fusée et le peignoir personnalisé posé sur le drap. La fortune de cette famille VIP me projette dans un monde inconnu. Je ne me sens pas à ma place et digère peu l’image commerciale et tapageuse de la clinique. Cependant, si cela rend le séjour de Lucien plus doux et ses chances de guérisons plus concrètes, alors aux grands maux les grands remèdes !
Prévenante, la soignante nous demande si elle peut effectuer une prise de sang pendant le sommeil du garçon ou si nous préférons le réveiller pour éviter de le surprendre.
— Lucien mon chéri, l’infirmière doit te faire une piqûre, murmure Claire, en calant son doudou contre lui.
Le petit ange, trop habitué, tend machinalement son bras, sans ouvrir les yeux. Les tubes s’accumulent, mais sa frimousse avec son nez retroussé reste paisible, le personnel s’éclipse enfin et la pression de l’arrivée retombe peu à peu.
Dans la matinée, le garçonnet sera conduit en radiologie, donc, hormis les visites de surveillance, nous disposons de quelques heures de tranquillité devant nous.
Nicolas propose à sa sœur et son beau-frère, éreintés, d’aller dormir pour être à nouveau d’attaque pour le réveil de Lucien. Je leur promets de demeurer près de lui, pour échanger avec l’infirmière. Las, les parents n’opposent pas de résistance et s’enferment rapidement dans leur espace après une sincère accolade.
— Il y a un hôtel juste à côté, je suis en train de réserver une chambre, m’annonce Nicolas en pianotant sur son téléphone. La conciergerie est ouverte toute la nuit, je vais demander au chauffeur de déposer nos bagages pour que l’on puisse prendre une douche un peu plus tard.
Sans même me regarder, il se rattrape non sans un rire.
— Séparément bien sûr ! Bon, je vais aller me changer et aller courir !
— À 5 h du matin ! m’étonné-je en consultant ma montre.
— J’ai besoin d’évacuer des choses, souffle-t-il sans s’étaler. Et j’aimerais être de retour pour le réveil de Lucien.
Il se retourne sur le seuil de la porte, réalisant sans doute qu’il me laisse seule.
— Ça va aller Inès ? Je peux rester…
Je lui fais non de la tête, le regarde s’éloigner, alors qu’un sentiment de solitude me gagne instantanément. Peu à peu, je somnole. Les dernières heures se mélangent dans mon esprit brumeux, Nicolas m’a fait entrer dans sa vie, montré une part de ses souffrances, a également avoué à demi-mot son intérêt pour moi.
Dorénavant, les limites de notre petit jeu m’inquiètent moins que les nouvelles émotions enracinées dans mon cœur. Mon émoi masque le reste de ma lucidité et rejette en bloc son éventuelle culpabilité. Lorsque l’aube pointe ses premières lueurs vers nous, je sombre enfin dans un sommeil court, mais réparateur.
Le rire de Lucien me fait ouvrir mes paupières. L’enfant, palpitant de vie, est déjà entouré par ses parents. Nicolas, changé et toujours plus séduisant, arrive dans la pièce avec l’interprète qui s’excuse pour sa présence tardive.
— Bonjour Inès, dit-il en me tendant sa main. On y va ?
Liquéfiée, je le suis et dresse un état des lieux rapide : Lui, moi dans une chambre d’hôtel, ma volonté au ras des pâquerettes et le million de dérapages possibles…
7 commentaires
Rachel Dena
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Il y a 2 ans
danielle35
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Il y a 2 ans
Magali_Santos_auteur
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Il y a 2 ans
Rose Foxx
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Il y a 2 ans
shane
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Il y a 2 ans