Fyctia
Démunie
Mon sac de voyage se remplit et se vide aussi vite. Je suis indécise sur le choix de mes tenues, en particulier pour mes dessous, assurément la limite à ne pas dépasser ! Je fixe la dentelle noire, sobre, chic, autant efficace que les filets d’une sirène et mes culottes brodées de la boutique Henriette. Le côté sage du tissu blanc, des volants est le bienvenu, mais l’impertinence des mots joliment cousus révèle une sensualité débordante. Les inscriptions « la nuit je mens » et « oh oui » sont mes préférées et pourraient peut-être un jour faire suite à ma correspondance avec Nicolas.
Incapable de décider, je glisse les ensembles dans le bagage et file dans la salle de bain pour une douche express. Mon épilateur waterproof dans une main, le savon dans l’autre, je bats tous les records. Je shampouine ma tignasse en quatrième vitesse et chante à tue-tête pour relâcher la pression et éviter de me demander dans quoi je m’embarque.
Je m’enroule dans une serviette, hydrate mon visage et improvise un effet bonne mine. Alors que j’envoie les dernières notes d’all by myselft dans des aigus très approximatifs, la sonnette retentit avec insistance.
Mon peignoir me tend les bras. D’emblée, je refuse d’enfiler ce cadeau douteux offert par ma mère. L’inscription » je ne suis pas célibataire, je suis victime d’une malédiction » m’a valu une séance d’essai chez le psy, car ma mère appuie là ou ça fait mal!
Je garde son trophée non loin de moi, pour ne pas oublier de conserver mes distances avec ses reproches constants.
De même, j’ai très vite abandonné mon analyste pour philosopher avec légèreté et optimiste sur les articles des magazines ou les avis, tirés par les cheveux, de Sophie. Mes mauvais choix amoureux sont peut-être dus à mes gènes, à ma passion pour les romans à l’eau de rose ou tout simplement "à la faute à pas de chance". Depuis, j’attends tout bonnement que la roue tourne !
Je traverse donc le salon, enveloppée dans mon drap de bain, avec mes mèches dégoulinantes et ouvre la porte. Nicolas, le doigt encore sur le bouton se fige et me déshabille du regard. Ses yeux posés sur moi sont aussi enflammés qu’un baiser, ils caressent ma peau. Mon envie flirte avec son désir charnel, mais je garde en tête notre arrangement.
— Ça suffit, vous allez alerter tout le voisinage, lui reproché-je en ôtant sa main du carillon.
— Pardon, bafouille-t-il.
Le silence revient, ses joues rougissent et je ressens une petite fierté en constatant son trouble. Je l’invite à rentrer, décide de lui rendre la pareille et le laisse me devancer afin d’admirer ses muscles fessiers cachés sous jean. Il se retourne vers moi, me prend en flagrant délit de gourmandise. Je souris.
— Le pilote vient d’appeler, m’informe-t-il en secouant la tête, il voudrait décoller plus tôt à cause du brouillard. Il faudrait vous dépêcher Inès !
— OK, je vais m’habiller !
— Je vous attends en bas, c’est trop dangereux ici ! lance-t-il en glissant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
Brulante, je le pousse délicatement vers la sortie, ma paume perçoit l’accélération des battements de son cœur, tandis que le mien paraît ne plus trouver le bon rythme.
Rapidement, je le rejoins et durant le trajet, l ambiance dans l’habitacle s’assombrit. Plus nous nous rapprochons de l’aéroport, plus Nicolas semble manquer d’air, son corps se crispe, ses tempes pulsent et trahissent sa nervosité.
Je pose ma main sur la sienne pour l’apaiser, il m’offre un demi-sourire, soupire, mais reste enfermé dans un mutisme complet et je le respecte. Son silence est une richesse inattendue, qui dévoile sa sensibilité profonde, sa dévotion pour sa famille. Mon penchant vertigineux pour cet homme n’est plus seulement physique, je frissonne à l’idée de ressentir des sentiments différents.
Arrivés au Bourget, les doigts de Nicolas serrent fermement le volant, la voiture longe les pistes jusqu’à une aérogare. Des lumières bleues filtrent entre les portes du hangar, mon guide me devance et nous nous retrouvons face à un véhicule de secours stationné au pied d’un avion.
Une ambulance aérienne estampillée d’une croix rouge se dresse face à nous. L’équipe médicale s’active, charge de lourds équipements. Je comprends alors que nous n’allons pas rejoindre la personne souffrante dans cette clinique, mais l'accompagner durant ce voyage. L'un des secouristes porte un fauteuil roulant et lorsque que j'aperçois les roues parées de super-héros, mon cœur se contracte immédiatement.
Angoissée, je lance un regard interrogatif à Nicolas. Je me sens désarmée, particulièrement mal à l’aise face à la maladie et au courageux qui la combattent. J’ai maintenant peur de sortir des banalités, de prononcer des paroles creuses, de ne pas avoir une carapace assez solide pour retenir certaines émotions, surtout devant un enfant. Pourtant, même démunie, je vais accompagner cette famille dans cette épreuve et soutenir cet être qui ne lâche plus ma main .
15 commentaires
Daphnée Wood
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Il y a 2 ans
Alba.evans
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A.love.books
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Il y a 2 ans
Senefiance
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shane
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Sarah B
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Rachel Dena
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Senefiance
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