Fyctia
Nouvel accord?
— Non, je ne vous fuis pas ! affirmé-je, j’ai juste modifié mes plans.
Nicolas ne semble guère convaincu, mais j’oublie rapidement sa contrariété pour fouiller un peu plus son regard. Je le sens abattu, son visage est voilé par une expression presque funeste. Il se passe quelque chose d’inquiétant dans sa vie et je me demande si l’enquête en cours est liée à son état. Sa tristesse se propage dans son corps, les coins de ses lèvres s’abaissent, j’aimerais tant retrouver son sourire…
— Si vous voulez que j’arrête d’écrire…, murmure-t-il, dépité.
— Non !
Bravo, Inès, il t’a bien échappé celui-ci ! Un vrai cri du cœur !
Complètement instable, je baisse la tête silencieusement. Prendre mes distances, malgré cette perpétuelle attraction et mon envie de le percer à jour, s’avère trop difficile. Je dois néanmoins pouvoir fixer quelques limites, mais comment réussir s’il me ramène toujours vers lui ?
— Très bien, car j’ai besoin de vous, continue-t-il en effleurant ses cheveux.
Voilà, je m’éloigne de lui une journée et il me fait revenir à grandes enjambées. J’aimerais me débarrasser un peu du fil invisible qui nous relie avec la même souplesse et tension qu’un élastique.
— Maintenant ? demandé-je, tout de même curieuse.
— Oui Inès, maintenant et toute la nuit !
Je déglutis. Une flamme réchauffe son regard terne, il joue à nouveau, mais une chose l’empêche de jouir complètement de cet instant. Néanmoins, sa proposition tentante, voire indécente m’affole. J’abats la carte de la jeune femme légèrement choquée et attends de voir où il souhaite en venir.
— Pardon ? m’offusqué-je à moitié.
— Ne vous bercez pas d’illusions, dit-il en m’adressant un clin d’œil. J’ai besoin de vos compétences professionnelles pour régler un problème personnel… et que vous preniez l’avion avec moi ce soir !
Une alarme retentit dans ma tête. Il veut me corrompre, solliciter mon aide pour ses magouilles, m’ordonner de falsifier des documents et à l’étranger en plus ! L’affolement me gagne, mon corps se met à trembler et l’air reste bloqué dans ma cage thoracique. Étonné par ma réaction, Nicolas pose sa main sur mon épaule, mais je me dégage sans ménagement.
— J’ai dit quelque chose d’incongru ? me demande-t-il faussement penaud.
Soit je suis coincée dans un quiproquo, soit il se moque royalement de moi. Je ne peux pas lui faire part de mes soupçons pour le moment sans risquer de perdre ce contrat, il me faut des preuves pour ne pas entraîner des catastrophes en chaîne. C’est donc à lui de s’expliquer !
— Vous allez devoir m’en apprendre un peu plus ! lui imposé-je, fermement.
— Avant de vous laisser embarquer dans cette partie de ma vie, j’ai besoin de savoir si je peux compter sur vous.
— Ça dépend ! Quelles compétences cherchez-vous ? lancé-je incorruptible.
— Vos talents d’interprète, vous parlez bien allemand couramment ?
— C’est exact, allemand, anglais, je me perfectionne encore sur le mandarin. Et la dizaine de clauses de confidentialité, signée de ma main, devrait vous tranquilliser ! ajouté-je agacée. Alors que dois-je traduire ?
Je prie intérieurement, essuie ma moiteur sur mon pantalon et reste accrochée à ses lèvres en attendant sa réponse.
— Des échanges avec l’équipe médicale de la clinique de Goettingen. Leur interprète est absent jusqu’à demain, je veux pouvoir rassurer ma famille à chaque instant… Vous comprenez Inès ?
Je me sens tellement mal d’avoir réagi ainsi, il ne donne pas plus de détails et je respecte son choix. Je hoche la tête, puis à mon tour pose ma paume sur son bras avec toute ma compassion. Nicolas retire précautionneusement mes doigts et fait un pas en arrière.
— Vous vous êtes braquée tout à l’heure, Inès… Qu’est ce qui peut vous mettre autant sur la défensive, m’interroge-t-il, inquisiteur.
Il connait déjà la réponse, je le lis dans ses yeux, mais aucun de nous deux n’aborde cet autre sujet épineux. Je décide de botter en touche.
— Rien, j’ai mal interprété les choses, baratiné-je.
— C’est pas beau de mentir miss détective ! lance-t-il avec une légèreté déconcertante.
Je suis démasquée, mais la désinvolture de Nicolas me laisse dubitative. Il sort de sa boîte à gants, une enveloppe kraft bien loin de l’élégance du papier satiné. Il l’ouvre, je découvre des photos de ma soirée avec Ludo, Franck et Sophie.
— Vous m’espionnez ! crié-je hors de moi.
— Comme vous !
— Non, moi je cherche les preuves d'une fraude ! me justifié-je
— Avec un ami très bien renseigné et un inspecteur du fisc… Une vraie équipe de choc ! Vous connaissez la présomption d’innocence, Inès ?
— Bien sûr et j’aimerais croire que vous êtes de bonne foi ! J’ai besoin de faire la lumière sur cette affaire pour le bien du cabinet de Maître Simonet !
— Et pas pour vous Inès ? souffle-t-il d’une voix rauque.
— Si peut-être, avoué-je adoucie.
Il s’approche de moi, encadre mon visage entre ses mains, enferme son regard dans le mien. Je suis sur le fil rouge.
— Vous pouvez me blâmer, m’accuser, mais la seule chose que je souhaite détourner du droit chemin, c’est vous ! chante-t-il avec ses cordes vocales les plus sexy. L’avion décolle dans trois heures, si vous voulez passer chez vous, nous devons remettre cette discussion ! Je vous jure de vous donner toutes les informations en ma possession.
Son visage est trop près du mien, dangereusement trop près ! Son soupir frôle ma bouche. Transportée, je suis à deux doigts de succomber, pourtant pour la première fois de ma vie, mon cœur d’artichaut referme, pour un temps, ses feuilles.
— Pas de preuves, pas de baisers, lui imposé-je, en me retirant de son étreinte.
Je m’installe dans son bolide, sous ses éclats de rire. Frustré, Nicolas demeure pensif quelques minutes, avant de me dévoiler son plan alléchant.
— Hum… bien comme vous voulez Inès, je vous propose un accord en attendant de faire lever ses accusations. Vous vous éloignez pas trop de moi et je vous promets de rester… assez sage, conclut-il en étirant ses lèvres.
— J’accepte, m’exclamé-je en lui tendant ma main pour sceller notre petit traité.
Il saisit délicatement mes doigts et pose sa bouche sur mes phalanges. Je fonds littéralement, ce contrat verbal me hante tout le trajet, fait monter notre jeu et la tentation de plusieurs crans. La tête perdue dans des images interdites, je ne réalise pas tout de suite que nous sommes arrivés chez moi.
— Je vous donne 40 minutes, moi je vais patienter dans la voiture… c’est plus prudent, susurre-t-il le souffle court.
Je demeure quelques secondes cramponnée à mon siège pour ne pas défaillir, puis je m’extrais du véhicule poussé par son regard. Tout en grimpant les escaliers, j’envoie un message groupé à Sophie et Franck pour les prévenir et leur promets de rester sur mes gardes. Mon ami me répond instantanément avec un emoji en colère, alors que Sophie affiche un panneau « -18 ans ».
7 commentaires
Magali_Santos_auteur
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Il y a 2 ans
Rose Foxx
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Il y a 2 ans
1847heaven Séverine Gomez
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Il y a 2 ans
Sarah B
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Il y a 2 ans
Deslivretmoi
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Il y a 2 ans
Senefiance
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Il y a 2 ans
shane
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Il y a 2 ans