Fyctia
Le jeu
Le tintement des couverts, les conversations entremêlées aux annonces des garçons de café agressent mes tympans. La brasserie « chez Marcel » est pourtant une de mes adresses fétiches, mais aujourd’hui, ce brouhaha m’empêche de réfléchir.
J’ai de plus en plus chaud, je fais signe au serveur de m’apporter des glaçons supplémentaires. La douche froide, ce sera pour plus tard !
— Bon Sophie, récapitule à ma place, moi je n’arrive même pas à penser ! m’exclamé-je en me massant les tempes.
Cette brûlante Française aux origines brésilienne, chargée de communication pour un grand palace parisien, joue avec ses trois portables posés sur notre table. Le premier est réservé aux VIP, aux journalistes et à son boss, le deuxième est attribué à ses amis et le dernier sonne pour ses amants. Évidemment, elle répond à ses appels par ordre de priorité. De ses priorités !
Forcément, nos avis sur la nature des relations amoureuses divergent légèrement. Très exaltée, elle démarre son plaidoyer pour l’aventure humaine, enfin corporelle.
— Pourtant, il n’y a rien de plus facile ! Ton nouveau client t’offre un bureau avec une des plus belles vues de Paris, des fleurs, un sourire ravageur, des allusions à peine masquées. C’est évident, il aime jouer et visiblement cela ne te laisse pas indifférente, énumère-t-elle avec sa voix et ses mains.
— C’est bien ça le problème et je ne veux pas d’un énième serial séducteur !
— Ses intentions ne sont pas forcément mauvaises. Il cherche peut-être une histoire torride, une distraction, ou la femme de sa vie… Pour le comprendre, tu devras pousser tes investigations un peu plus loin ! Et puis, rien ne t’empêche de te faire plaisir !
— Et me retrouver encore déprimée jusqu’à ma prochaine rémission sentimentale ! Non merci et pense aux montagnes de kleenex et de mojitos que tu devras me payer !
— Je ne sais pas comment t’aider, Inès… Vois ce Nicolas, comme un intérimaire du désir !
— Hum, c’est charmant…, grimacé-je, en avalant ma dernière gorgée de café.
À cet instant, j’envie la philosophie de vie de mon amie, loin des prises de tête qui m’habitent. L’heure de repartir vers ma plus belle hantise me rattrape trop vite et je rebrousse chemin sous les encouragements de Sophie.
De retour devant l’immeuble, je fixe la végétation toujours aussi subjuguée, seulement je doute de son innocence. Sous son apparence accueillante se cache peut-être un dessein effrayant, piéger une proie. Moi, déjà attirée et emprisonnée par le parfum du maître des lieux.
Je me dirige vers les ascenseurs et découvre Nicolas devant les portes. Il a troqué son costume pour une tenue de sport, révélatrice de ses muscles divinement dessinés. Il attrape la serviette posée sur ses épaules, éponge sa nuque et ses cheveux laissés au naturel. Intérimaire du désir ! Tu parles, comment pourrais-je prévoir une fin de mission avec un corps pareil ?
Hypnotisée, mais lucide, je ralentis le pas pour ne pas me retrouver confronter à mes fantasmes. Devinant mon regard appuyé, Nicolas se retourne dans ma direction. La cabine s’arrête, il retient les portes et m’invite avec sa main à rentrer. Les deux autres ascenseurs montent et descendent à l’image du oui et du non dans ma tête, mon être prend le contrôle et me rapproche de lui. Je rougis comme une adolescente et me scotche contre la paroi pour ne pas défaillir.
Emeline de la Tour arrive à grand renfort de gestes pour profiter du voyage et de Nicolas. Presque à notre niveau, le sportif appuie sur le bouton de fermeture, nos pieds décollent devant le dragon visiblement vexé et irrité. Déconcertée, je me demande alors s’il désirait l’éviter ou simplement être seul avec moi.
Son regard ne me quitte pas, mais il reste silencieux, tandis que la tension dans cet air réduit s’intensifie. Confuse, je sens le sol se dérober, je vois les muscles de Nicolas se contracter un peu plus. J’imagine déjà les vitres de la cabine voler en éclat, incapables de contenir cette électricité.
Galant, il se décale légèrement pour me laisser sortir, mais pas assez pour ne pas ressentir la proximité de son corps. Mon cœur s’emballe sans retenue lorsque ma main frôle sa hanche, attirée comme un aimant. Sans un mot, je m’éloigne et m’autorise à respirer normalement.
Pourtant, mon badge sonne le refus d’accès à mon bureau et celui de Nicolas ne tarde pas à se faire entendre. Satané détecteur d’émotions ! Gênée, je tente de retrouver mon calme. Mon sportif, lui, amusé par notre trouble partagé, éclate de rire.
— Mme Joly, pouvez-vous nous ouvrir avec le pass et demander à la sécurité de vérifier le bon fonctionnement de nos cartes ? réclame-t-il, espiègle.
Je devine le sourire d’Anne-Marie, mais également toute la discrétion dont elle sait faire preuve. Elle s’exécute et je me réfugie entre mes quatre baies, peu propices à la tranquillité.
Je m’affale sur ma chaise, consulte ma boîte mail et commence à faire un compte-rendu de la réunion pour mes collègues du cabinet, afin de solliciter leur aide sur certains points.
Au même moment, mon souffle se coupe à nouveau. De l’autre côté de la vitre, Nicolas enlève son polo et m’offre une vue imprenable sur sa peau, ses épaules solides et un tatouage. Il s’agit visiblement d’une date, mais je suis trop loin pour la déchiffrer. Il ouvre une porte attenante à son bureau et je devine une spacieuse salle de bain.
Il pousse le battant, mais pas complètement. Cette ouverture est trop petite pour entrevoir la scène, mais bien assez grande pour laisser mon imagination s’infiltrer dans son intimité.
Cet homme aime jouer et il cultive assurément cette attraction. À moi, maintenant de décider si je désire être actrice ou spectatrice !
10 commentaires
Mira Perry
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Il y a 2 ans
Val Alda
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Il y a 2 ans
Magali_Santos_auteur
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Il y a 2 ans
Eva Boh
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Rachel Dena
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Il y a 2 ans
danielle35
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Il y a 2 ans
shane
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Il y a 2 ans
1847heaven Séverine Gomez
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Il y a 2 ans