Senefiance Inside view Plus près...

Plus près...


L’enveloppe s’étire entre la main d’Anne-Marie et mes doigts. Après réflexion, j’hésite à lâcher mon petit mot à l’attention de Mr Brincat. Frappée par un éclair de lucidité, je regrette mon manque de professionnalisme et surtout ce fantasme pour un homme dont je ne connais ni le visage ni la personnalité.


Son assistante me lance un regard interrogatif, mais elle n’imagine même pas ce que peut entraîner le rapprochement de quelques lettres sur un simple papier, cet équilibre friable entre ce qui est révélé et ce qui doit être compris.


L’ascenseur arrive à notre étage. Un individu sort et s’avance vers moi les lèvres pincées, il me tend une main et pause l’autre sur mon épaule. Contrariée, je lâche l’enveloppe pour répondre à son geste. Mes phalanges se contractent sous la douleur provoquée par cette poignée, ses yeux transpirent le défi et son sourire asymétrique me laissent une impression négative.


— Mr Khôler, responsable du service juridique, indique-t-il sans détour. Je vais faire un point avec vous et vous communiquer nos attentes.


— Bonjour, bafouillé-je saisie par sa froideur.


Sans ménagement, il met un terme à ce premier échange et se dirige vers mon bureau. Je lui emboîte le pas et fais un constat amer et assez mitigé sur mon accueil au sein de la société. Heureusement, Anne-Marie et Jean font le pendant face au dragon et à mon interlocuteur qui semble bien porter son nom !


Je soupire de soulagement lorsque deux de ses collaborateurs nous rejoignent. Ils branchent un ordinateur sur l’écran fixé au mur, insèrent une clé USB. L’homme, toujours sombre, récite sa présentation détaillée et très instructive sur l’entreprise, je relève toutes les informations nécessaires au montage juridique supplémentaire qui promet d’être complexe.


L’orateur avec ses doigts en V, pointés vers le haut, annonce le travail déjà accompli par ses soins. Son assurance et son arrogance desservent forcément son équipe dévouée et compétente qui glisse à mon oreille certaines précisions.


Sans se faire prier, des notes boisées titillent mes narines et mettent immédiatement tous mes sens en alerte. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qu’une nouvelle personne vient d’entrer dans la pièce, ses ondes masculines m’entourent et affolent mon épiderme.


Son aura troublante, merveilleuse mise en bouche, conduit mon regard sur lui.


— Bonjour Mr Brincat, prononce le responsable juridique, moins serein.


« Merde ! L’Appolon de l’ascenseur ! » Mon visage trahit trop vite mon malaise et laisse sur celui du PDG une expression indéchiffrable. Son corps devant moi associé maintenant à son identité devient un vrai cocktail explosif, en particulier avec mon enveloppe ouverte au creux de ses mains parfaites.


Les employés se lèvent pour le saluer, tant bien que mal, j’essaie de faire de même. Solennel, il nous fait signe de rester assis et de poursuivre. Je fais volte-face, adopte l’écran comme point d’ancrage et interdit à mes pensées de dévier des réglementations en vigueur.


Mais, c’est peine perdue ! J’entends ses pas toujours un peu plus proches, il demeure debout, laissant son charisme planer sur moi. Les parois vitrées de la salle semblent se resserrer, j’étouffe, confinée trop près de lui, de son costume taillé sur ses mesures parfaites.


Brûlante, je sens la caresse de ses yeux sur ma nuque ou est-ce encore mon imagination qui me joue tes tours ? Visiblement témoin de cette scène, les pupilles étonnées de Mr Khôler se baladent entre mon scrutateur et moi, gommant mes doutes. Mon corps flotte et je sais déjà que je suis foutue. Travailler pour cet homme et protéger mon cœur d’artichaut sont deux choses incompatibles. J’attrape discrètement mon téléphone pour envoyer un message à Sophie.



« URGENT : rdv à 13 h chez Marcel. OPÉRATION : il faut sauver Inès »


Une fois l’appel de détresse lancé, j’attends sagement la fin de la réunion. Un vrai supplice ! L’arrivée de la conclusion est à la fois une délivrance et une angoisse de plus. Fuyant son regard, je remercie les intervenants, les aide à ranger leur matériel et les accompagne jusqu’à l’ascenseur.


Je ralentis sur le seuil de ma porte, Nicolas Brincat est assis sur mon bureau en train de relire ma carte. Il lève ses iris vers moi, un mélange parfaitement dosé de vert et de brun, parsemé de stries dorées. Je ne suis pas météorologue, mais je prévoie une pluie d’hormones imminente et le risque d’être électrisée dans quatre, trois, deux, un… Ses lèvres s’entrouvrent, sa voix suave se répand dans mon espace, ses harmonies de graves jouent merveilleusement bien l’ode à la tentation.


Mon palpitant perd le contrôle, j’essuie mes mains moites sur mon pantalon et replace une mèche brune derrière mon oreille. Habituée à tomber dans le piège de la séduction, je me ressaisis et m’efforce de résister. Un peu.


— Alors Inès, comment se passe votre installation chez nous ? Vous avez tout ce qu’il vous faut ? commence-t-il.


Il me sert une première question quelconque, néanmoins mon prénom dans sa bouche est un appel à l’intimité et je peine à formuler une réponse.


— Très bien Monsieur Brincat…


— Nicolas, simplement Nicolas, susurre-t-il.


— Bien Nicolas, soufflé-je forcée de constater que même ma volonté a perdu son panneau « warning », je prends mes marques.


Pensif, il passe sa main dans ses cheveux, ses yeux toujours sur moi.


— Je vous fais confiance Inès, souligne-t-il. Maître Simonet ne tarit pas d’éloges à votre égard, selon lui, vous avez tout le professionnalisme et le mordant nécessaire.


Le mélange de platitudes et de double sens me chamboule un peu plus. Les bras croisés sur son torse, il sourit largement et ma réponse se fait attendre. « Allez, Inès, résiste ! »


— Vous souhaitez peut-être planifier des séances de travail ? repris-je en me touchant le visage.


Un petit mensonge en amène un gros ! Se servir du boulot comme prétexte pour le revoir, ce n’est pas joli joli !


— Hum, je n’aime pas trop les choses planifiées Inès, murmure-t-il en se redressant, mais nous allons nous retrouver très vite !


Mon Dieu, les mots empreints de séduction achèvent ma volonté en une phrase. Il m’abandonne, frémissante. La main sur la poignée de la porte, il se retourne vers moi, une dernière fois.


— Inès ?


— Oui, répondis-je la gorge serrée.


— La vue est captivante par ici, ajoute-il le regard soutenu.



Il sort et toutes mes émotions s’agitent dans mon bureau, nouvelle boîte de Pandore. Le charme des allusions s’immisce au milieu de ma frénésie, attendant de pouvoir frapper. Attirée, j’ai peur du pouvoir de cet enchanteur, car trop souvent, après les mots viennent les maux. Origine de mes souffrances.

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16

16 commentaires

MegL

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Il y a 2 ans

Tu as su retranscrire la tension entre les deux dans ce chapitre, et tu l'as fait à merveille. Bravo !

Andy Whou & Eleni

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Il y a 2 ans

Merci d’être passé voter 🙈❤️

Malika Schmitt

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Il y a 2 ans

wahou... Ce chapitre est juste... wahou... j'ai pas d'autre mot, je te jure j'étais dans le même état qu'Inès, tes description sont si parfaite. Bravo, continue comme ça

NELI JO

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Il y a 2 ans

Coup de pouce! 😉

ccrosyln

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Il y a 2 ans

Petit coup de pouce! N'hésite pas à passer voir mon histoire "Destinée"! <3

danielle35

-

Il y a 2 ans

Décidément l'ascenseur n'est pas trop bénéfique pour Ines, une fois elle croise un bel inconnu qui la fait trembler d'émotions, et cette fois-ci c'est le responsable juridique qui en sort. Mais voilà que Nicolas brincat arrive. C'en est trop pour Ines : rougeur, sueur tremblement etc... quel supplice ?

shane

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Il y a 2 ans

Ta description est toujours aussi maîtrisée. Inès va craquer c'est sûr !!

Alba.evans

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Il y a 2 ans

Petit coup de pouce 💞
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