Senefiance Inside view Vu(e) de l'intérieur

Vu(e) de l'intérieur


Avec un self-contrôle plus au moins entraîné, je pénètre enfin dans mon espace lumineux à la vue imprenable sur Paris, la magnifique. Cet endroit devient instantanément mon plus bel observatoire de la capitale. J’ose à peine demander à Anne-Marie si je peux profiter des extérieurs en apercevant les nombreuses jardinières qui délimitent la terrasse. Néanmoins, elle me fait découvrir quelques mètres carrés attenants à mon bureau, équipés d’un petit salon, idéal pour déjeuner en tête à tête avec la tour Eiffel.



À l’intérieur, je retrouve mon ordinateur et mes effets professionnels, également passés au crible par l’équipe de sécurité. Avant de se retirer, ma guide me livre tous les dossiers et je m’installe face à une montagne de documents confidentiels à signer.



Le nez dans les papiers, je suis distraite par des mouvements perturbant mon champ de vision. Ça s’active dans le bureau d’en face. Il est immense, il doit faire dix fois le mien. Anne-Marie arpente maintenant cette surface en rangeant efficacement. Les archives se tassent dans les tiroirs, les crayons sont taillés, les objets de déco prennent vie sur la console en verre. Enfin, le frigo est rempli et branché à côté d’un bar.



Elle se plante devant la table de réunion, les mains sur ses hanches et passe à nouveau la pièce sous ses yeux aguerris. Consciencieuse, elle déplace encore deux ou trois babioles, vaporise du parfum d’ambiance et sort.



J’en déduis rapidement que le maître des lieux ne va pas tarder à rappliquer. L’atmosphère est très masculine. Soit les fabricants d’articles de décoration pour la gent opposée n’ont pas beaucoup d’imagination, soit c’est une sorte de « code d’appartenance ». Je suis sûre qu’une cave à cigares et une très vieille bouteille de whisky se cachent quelque part.



Quelques minutes après, la porte s’ouvre sur un groupe d’hommes. Certains prennent place autour de la table, cependant deux d’entre eux, cloués devant la baie vitrée, fixent quelque chose. Visiblement, moi.



Écœurée, je reconnais le goujat aperçu à l’accueil. Son regard pervers transforme alors mon cube de verre en vitrine malsaine et éveille en moi une colère sourde. Je m’approche du store vénitien pour le baisser au plus vite, mais dans la précipitation, les fils se mélangent et se bloquent.



Un frisson de dégoût et une sensation froide parcourent mon corps lorsque le prédateur fait survoler sa langue sur les lèvres de sa fine bouche. Je secoue la tête pour chasser la laideur de ses mimiques et son expression vulgaire. Son collègue, visiblement hilare, est surpris par quelque chose et se retourne prestement.



Debout, un homme tape du poing sur la table. Avec les reflets du soleil, je ne parviens pas à distinguer son visage, simplement sa silhouette élégante. Les deux compères, tout penauds, reculent, s’affaissent dans leur fauteuil, le crâne rentré entre les épaules.



Soulagée par cette intervention, j’arrive enfin à faire descendre les lames en bois et décide de rester définitivement isolée. Tant bien que mal, je me concentre à nouveau sur mes tâches.



En milieu de matinée, ma dépendance à la caféine me rappelle à l’ordre. Je vérifie discrètement que le personnel a terminé sa réunion, allume la machine à grains mise à ma disposition, choisis un mug XXL, puis m’octroie une dégustation la tête dans les nuages.



Captivée par le jeu d’ombres et de lumières sur les immeubles haussmanniens, je sursaute en entendant la porte claquée, je manque alors de me brûler avec ma boisson. Je recule de quelques pas, m’attends à découvrir quelqu’un dans la pièce, mais seul un bouquet aux dimensions démesurées trône maintenant sur le guéridon.



Une carte manuscrite est épinglée entre les roses blanches et les pivoines. Avec fébrilité et curiosité, je m’attarde sur la finesse de l’écriture et la rondeur harmonieuse des lettres.




"Quelques fleurs pour excuser l’attitude déplorable de certains. Ne fermez plus les stores, la vue est si belle d’ici… Nicolas Brincat.

" 



Ma respiration se bloque et mon cerveau m’envoie une tonne d’informations contradictoires.


Touchée par son geste et sa morale, je m’étonne toutefois que les présentations n’aient pas encore eu lieu, Mr Brincat, Nic pour les intimes, aurait-il une part de mystère ? Ou est-il simplement débordé ?



Bien entendu, la deuxième phrase secoue un peu plus les fragments de mon cœur et réveille ma recherche perpétuelle d’attraction. De quelle vue parle-t-il ? Paris, la tour Eiffel, moi ?... Moi devant la tour Eiffel ? Perplexe face au bien fondé de ma théorie fumeuse, je décide tout de même de lui répondre. Voici sans doute la relation épistolaire la plus courte de l’histoire !


Droite sur ma chaise, la professionnelle en moi rédige un mot de remerciements avec tout l’attirail de politesse. Malencontreusement, l’apprenti séductrice embusquée non loin, a une envie irrésistible de jouer avec le feu et autorise la pointe de mon stylo à faire un petit excès de zèle.


‘Mille mercis pour ce bouquet si gracieux et votre soutien si précieux. Vous avez raison, la vue mérite toute mon attention…’




Je relis ma phrase et souris satisfaite. Dans le fond, tout est question d’interprétation !

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12 commentaires

folie douce

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Il y a 2 ans

J'aime beaucoup la manière que tu as de disperser des bribes d'informations sur Nicolas Brincat. D'abord son élégance et son physique aperçu très vite dans l'ascenseur, puis sa prestance et son statut de chef à la réunion et maintenant ce côté plus protecteur et séducteur avec les fleurs. Ça permet de cultiver le fantasme pour le lecteur de la même manière qu'Inès. C'est très malin!

Deslivretmoi

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Il y a 2 ans

Le boss est extrement bienveillant

Rachel Dena

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Il y a 2 ans

Ah ah j’aime bcp cette entrée en matière entre les deux ;)

danielle35

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Il y a 2 ans

Ça y est il faut dire que grâce à ce goûtent et son collègue, les rapports entre Ines et Nicolas se rapprochent. J'ai hâte de lire la suite...

shane

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Il y a 2 ans

Le jeu entre eux commence ! J'adore !!... La séduction s'installe. Tes descriptions sont une fois de plus maîtrisées. Vite la suite

Malika Schmitt

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Il y a 2 ans

La plus courte peut être pas. Ils vont peut être ce prendre au jeu 😅. J'espère qu'elle ne va plus retomber sur l'autre goujat ou que Nic aura su lui mettre une muselière

Senefiance

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Il y a 2 ans

Il existe beaucoup de sortes de jeux. Enfin, je dis ça, je dis rien :)
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