Senefiance Inside view Rivalité et trahison

Rivalité et trahison

J’achève mon ascension et tombe cette fois-ci sur une paire de louboutin et des jambes interminables. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent face à une magnifique rousse à la peau laiteuse, mais au regard froid, voire glacial.


— Que fichez-vous à cet étage ? me demande-t-elle sans préambule.


Voici donc le dragon grincheux qui garde la tour ! Je peux affirmer sans risque que nous n’allons pas être copines, mais je suis au travail, alors je vais rester polie, enfin pour la partie audible. Pour le reste, je dois juste éviter que mes pensées s’échappent de ma bouche.


— Bonjour, je suis Inès Gautier, consultante pour le cabinet juridique de Maître Simonet. Normalement, je dois m’installer dans le petit « bureau-terrasse », dis-je de la façon la plus factuelle possible.


À deux doigts de se transformer en furie, elle sort son téléphone de sa poche et cherche un numéro.


— Pff, ça m’étonnerait ! Je vais demander à Nic ! s’exclame-t-elle avec dureté.


— Nic ?


— Nicolas Brincat, notre PDG ! Vous êtes sûre de savoir où vous êtes ?


Allez, Inès, inspire, expire !


Durant quelques secondes, je quitte des yeux mon interlocutrice et le septième étage, pour me concentrer sur les quelques marches menant aux deux bureaux en attique. Ces deux cubes de verre semblent détachés de l’immeuble et prennent naturellement leur place au milieu de la vaste terrasse. L’évasion idéale pour l’esprit… mais là, ça ne fonctionne pas. Mon regard revient sur la cerbère et malgré ma bonne résolution de rester mesurée, la date limite de ma patience arrive à expiration.


— Vous devez être son assistante ? demandé-je, fière de ma petite pique tout en légèreté et qui pourrait passer pour de la naïveté…


Je sais très bien que le prix de ses chaussures et de son tailleur colle plus avec un salaire de cadre supérieur. Néanmoins, sa haute opinion d’elle-même et son ego ne peuvent qu’être touchés par une phrase si anodine.


Les traits crispés, elle tend son index et trace un cercle autour de son visage.


— J’ai l’air d'une assistante ? Non, je suis Emeline de La Tour, chargée des relations internationales.


Chanceuse, j’en déduis que notre collaboration ne sera pas nécessaire dans mon travail et c’est une excellente nouvelle !


Elle lève la main pour exiger le silence, mes poings se serrent et cette fois-ci, la moutarde me monte au nez !


— Oui Nic, excuse-moi de te déranger, prononce-t-elle avec une intonation tellement mielleuse. Je suis avec une personne qui dit devoir s’installer dans le petit « bureau-terrasse »…


Je devine une voix qui l’interrompt et je me demande si Monsieur Brincat connaît le côté tyrannique de sa collaboratrice.


— Très bien, je te remercie ! conclut-elle par une douce tonalité à son intention et par un regard assassin pour moi. Je te vois plus tard. Bises.


Bises ? Quel degré d’intimité a-t-elle avec lui ? Le dragon me semble bien entiché du prince de la tour.


— Madame Joly ! hurle-t-elle plusieurs fois, en ouvrant plusieurs portes.


Une femme d’une cinquantaine d’années arrive les bras dégoulinant de dossiers. Je m’approche d’elle, la soulage de quelques classeurs et me présente brièvement.


— Bienvenue Melle Gautier ! prononce-t-elle attentive et disponible.


— Inès suffira.


— Très bien Inès, appelez-moi Anne-Marie, nous allons tout d’abord procéder aux mesures de sécurité nécessaires et je vous montrerai également les affaires en attente.


J’enregistre les informations et prends quelques notes sur mon calepin, car je sais pertinemment que ma mémoire photographique reste un atout certain dans mon métier chargé de documents à rallonge. Anne-Marie, visage de l’expérience s’installe derrière son ordinateur et bouge telle une cheffe d’orchestre de l’organisation.


— Vais-je voir Mr Brincat, aujourd’hui, pour faire un point ? la questionné-je.


— Je ne pense pas, vous n’êtes pas inscrite sur son agenda, me répond-elle en remontant ses lunettes dorées tombées sur son nez.


Les portes de l’ascenseur se ferment sur le rire étouffé de la sorcière à la chevelure flamboyante, ravie du manque d’intérêt de son boss à mon égard. Cela m’exaspère, mais étaie mes conclusions. Sans faire de la psychologie de comptoir, enfin juste un peu, il est évident que cette personne fait partie du club « j’adore la rivalité féminine ». De plus, sa passion pour son Nic fait de moi une adversaire potentielle, toutefois, ils ne doivent pas former un couple, elle se serait déjà vantée de ce détail.


Mais bon, si j’ai décidé de ne pas vivre d’histoires sentimentales, ce n’est pas pour les voir prendre vie dans l’imaginaire d’une autre.


Anne-Marie me conduit devant une porte blindée, cernée par des caméras et un écran. Elle avance son visage et l’appareil scanne sa pupille de haut en bas, plusieurs fois. Le pan de métal se déverrouille et nous pénétrons dans une salle de sécurité, occupée par cinq hommes à l’allure inflexible. L’un deux s’approche et m’invite à m’asseoir dans un fauteuil équipé de gadgets très high-tech. Il place un capteur sur mon index et mon rythme cardiaque s’affiche sur l’ordinateur.


— Détendez-vous mademoiselle, je dois prendre l’empreinte de votre iris dans des conditions optimum. Nos appareils pourront ainsi détecter toutes tentatives d’ouvertures biométriques, effectuées sous la contrainte, le stress ou la peur modifieraient alors votre schéma.


Ma respiration se cale sur le bip de la machine et ralentit instantanément. L’enregistrement terminé, l’homme récupère mon badge afin de personnaliser le cryptogramme.


— Voilà, votre carte vous donnera accès à votre bureau et à votre coffre-fort, continue l’agent, un poil directif. Tous les lieux communs, comme le hall, les ascenseurs, les salles de pauses et les toilettes ne sont pas soumis à une autorisation spécifique. Pour le reste, seuls les employés avec une habilitation supérieure pourront pénétrer dans les autres pièces.


Je le remercie, excitée comme une fillette qui découvre sa mini panoplie d’espionne, sous le sapin. Ma personnalité ouvre un de ses tiroirs et sort la carte « joueuse ». Mais, ma condition d’adulte dévie des jeux d’imitation de mon enfance à des amusements plus blâmables. Et forcément, la vision de l’inconnu dans l’ascenseur me rattrape à la vitesse de l’éclair, accompagnée de fantasmes et de fiction. Mais ma volonté déguisée en petite fille modèle arbore un grand NON et me renvoie fermement sur les rails.


Anne-Marie m’invite ensuite à la suivre jusqu’à mon bureau. Je mets ma carte, puis mon œil à contribution, mais mon entrée est refusée. L’assistante de direction me rassure, place mon échec sur le compte de la nervosité due à la première utilisation. Cependant, mon émoi et moi savons qu’il en est tout autre et je réalise que cette machine, détecteur d’émotions pourrait bien me jouer des tours !

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12 commentaires

Deslivretmoi

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Il y a 2 ans

Éméline le personnage à détester . On sent bien qu elle est hautaine et je pense qu elle souhaite se faire le boss Nicolas.

Andrea T. Macedo

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Il y a 2 ans

Je viens de terminer les trois premiers chapitres ! Quel caractère cette Inès, robuste et maline, ça fait d'elle le personnage résilient, puissant qui nous importe avec elle, et avec une peste comme Emeline, ça promet ! La narration est légère, fluide, tes descriptions sont recherchées ! Hâte de savoir la suite :-)

danielle35

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Il y a 2 ans

Après avoir croise ce bel inconnu dans l autre ascenseur et qui la trouble énormément, voilà qu elle se trouve dans l ascenseur (et quel contraste) avec une rousse plantureux mais une sacrée "peste" Éméline de la Tour. Cela promet car les rapports entre ces deux femmes sont explosifs. Vivement le prochain chapitre

Magali_Santos_auteur

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Il y a 2 ans

Coucou, je viens de liker tes chapitres pour te donner un petit coup de pouce :) n'hésites pas à découvrir mes nouveaux chapitres ! Bonne soirée.

Stef0635

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Il y a 2 ans

Dans toutes les bonnes histoires, il faut toujours un personnage détestable à souhait...et moi, j'adore les personnages détestables. L'intrigue s'installe avec subtilité. Hâte de découvrir le prochain chapitre.

Malika Schmitt

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Il y a 2 ans

La technologie... Quand ça veut bien c'est parfait mais quand ça veut pas c'est l'enfer

Véronique Rivat

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Il y a 2 ans

allez, il faut continuer de publier Emeline !

shane

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Il y a 2 ans

Alors la Émeline ! J'adore !! Peste à souhait !! J'espère que les joutes verbales entre elles ne font que commencer !... Pour le reste, le côté très "NSA" rajoute une atmosphère intriguante qui colle parfaitement.
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