Leroux Ophélie A l'ombre de sa mort Chapitre 10 partie 2

Chapitre 10 partie 2

— Moi aussi, réponds-je, sans réellement être honnête.

Je ne suis pas spécialement heureuse de le voir, ou pas heureuse. Frank a toujours été cordial et m’a toujours accueilli avec joie, mais nos liens n’ont jamais rien eu d’amical. Il était comme un mentor pour Hope. Elle lui faisait confiance, alors, par extension, je l’ai aussi accueilli dans mon cercle de connaissance.

— Je suis désolé de ne pas être venu aux funérailles, s’excuse-t-il, contrit. Ma mère a été hospitalisée et j’ai dû me rendre d’urgence à son chevet.

— Je ne savais pas…

— …, c’est normal, on n’a pas eu l’occasion de discuter depuis, me coupe-t-il, se trompant sur la portée de mes mots.

Je ne cherche pas à le détromper. En réalité, je voulais dire que je ne savais même pas qu’il n’était pas venu. J’ai dit au revoir, et non adieu, à Hope, seule, après avoir laissé les autres le faire. Je n’ai pas pris le temps de regarder le livret de condoléance qu’on m’a remis, préférant le faire totalement disparaître. Comme pour supprimer toutes les preuves du décès de ma sœur.

Franck se décale et nous invite à entrer d’un geste, refermant la porte derrière lui.

— Qu’est-ce que je peux faire pour toi, Faith ?

— Est-ce que vous avez retrouvé l’ordinateur d’Hope, par hasard ? Il n’est pas chez elle.

— Euh…oui, il est ici, confirme-t-il en ouvrant l’armoire installé dans le coin de la pièce. Ta sœur l’a oublié le jour où…

Il ne termine pas sa phrase, mais je n’ai aucun mal à comprendre qu’il parle du jour de sa mort.

— J’avais prévu de le remettre à la police quand ils viendraient m’interroger, mais ils ne sont jamais venus.

Parker se tend à mes côtés, sous le coup de couteau involontaire. Sans y faire attention, Franck vient de lui rappeler que l’enquête dont il était responsable a été « bâclé ». Et si quelques jours plus tôt, ça ne m’aurait rien fait, aujourd’hui, j’ai un pincement au cœur pour lui. J’ai appris à remettre en cause mon jugement. Parker n’y est pour rien et tente de tout faire pour arranger les choses.

— Il n’y a pas grand-chose dessus, tu sais, me prévient-il en me le tendant.

— Vous avez fouillé dedans, grince Parker, étonné.

Le ton ne semble pas plaire à Franck, qui croise les bras en se tournant vers lui.

— Je suis désolé, mais je n’ai pas retenu votre nom, réplique-t-il, sur la défensive.

— Parker, lâche-t-il, sans préciser qu’il s’agit de son nom de famille.

— Sachez, Parker, que je ne l’ai pas fait par plaisir. J’ai pensé qu’il y aurait peut-être quelque chose d’important à communiquer à la police.

Je ne doute pas qu’il a cherché un possible indice, mais il devait surtout vouloir récupérer le travail d’Hope avant de ne plus y avoir accès.

Même si elle écrivait principalement sur des faits divers, elle avait un dossier complet sur des idées et des ébauches d’articles.

Une pierre deux coup. Franck n’est pas arrivé à ce poste en faisant dans le sentimentalisme.

— Il doit être dans la salle des archives.

— Pourquoi ne pas l’avoir rendu à Faith ? fait remarquer Parker.

Franck lui jette un regard noir avant de lui répondre d’un ton sec.

— Je n’avais ni son numéro, ni son adresse.

— Vous…

Je pose ma main sur son bras, l’intimant par ce geste de se taire. Franck n’est peut-être pas un ami, mais ce n’est pas un ennemi. Il reste un père de substitution pour Hope, et il n’y a aucune raison de continuer à le traiter comme un suspect.

— Franck a raison, il n’avait aucun moyen de me joindre. Est-ce qu’il y a d’autres affaires d’Hope à prendre ?

— Il y a un ou deux cartons rangés aux archives. Je vais demander à Arthur de t’y accompagner, dit-il, occultant volontairement ou non Parker.


*****


Arthur nous guide jusqu'aux archives, de l’autre côté du bâtiment, sans prononcer un seul mot. Ce n'est pas un muet, le « d'accord, patron » qu'il a lancé à Franck avant que celui-ci ne reprenne son travail, est suffisant pour l'affirmer avec certitude.

En me voyant, son expression n'a affiché aucune peur, aucune surprise. Il n'a pas eu l'air dérangé de voir Hope revenir à la vie.

J'en ai rapidement conclu qu'il n'a jamais rencontré ma sœur. Une idée soutenue par le fait que, un, je ne me souviens pas l'avoir déjà croisé, et, deux, il a l'air d'un gamin à peine sorti du lycée. Les traits juvéniles de son visage sont accentués par l'acné encore présente ici et là, et par le jean et le tee-shirt taille "adolescent" qu'il porte.

Malgré tout, je ne peux m'empêcher de lui demander et de me sentir déçue devant sa réponse pourtant attendue.

Arthur sort un trousseau de clé de sa poche et ouvre la porte. Pourquoi donc s’embêter à fermer cette pièce ? Ce n’est qu’un endroit où sont conservés les anciens journaux parus. C’est étrange, mais après tout, je n’ai jamais travaillé dans un journal. Il y a peut-être autre chose stocké aux archives.

Parker marmonne. Je tourne le visage vers lui, brièvement. Il semble vouloir me faire passer un message, mais si lire dans les pensées d’Hope était familier, saisir celles de Parker sans qu’il prononce un seul mot n’est pas une mission facile.

— Bon, normalement, les cartons sont dans cette allée, intervient Arthur en s’engageant entre deux immenses étagères métalliques.

J’ai envie de le rependre, d’insister sur le fait que ce ne sont pas des cartons parmi tant d’autres, mais que ce sont ceux qui contiennent une partie de la vie d’Hope. Je n’en ai pas le temps. Parker prend la parole avant que les mots s’échappent de ma bouche.

— Ça vous plaît de bosser ici ?

— Faut bien commencer quelque part.

Toujours aussi direct et concis. Pourquoi s’embêter à faire la conversation ? C’est inutile…

— Le jour où Franck vous a remis les cartons, il ne vous a rien dit ?

…sauf si on essaye de la diriger vers un endroit précis. Même si j’ai dans l’idée que ça ne donnera rien, je le laisse faire.

Arthur hausse les épaules avant de se hisser sur un escabeau.

— Vous vous souvenez de quelque chose en particulier ? renchérit Parker.

— Non, pas spécialement, soupire-t-il.

Parker lève les bras pour réceptionner les deux cartons chacun leur tour avant de les poser sur le sol.

Arthur redescend et nous fixe à tour de rôle avant de lâcher :

— Quand je suis arrivé, le premier conseil que m’a donné Franck a été de ne pas fouiner, donc, je ne fouine pas. Je range, je trie et c’est tout.

C’est la phrase la plus longue qu’il a prononcé en notre présence et ce sera certainement la dernière. Le message est clair. Quoique Parker voulait apprendre de lui, il n’aura rien.

Arthur nous tourne le dos et nous invite à le suivre d’un signe de la tête. Parker s’arrange pour porter les cartons en équilibre dans ses bras, tenant pour ma part déjà l’ordinateur d’Hope.

Cette entrevue est déjà terminée avant même d’avoir réellement commencé.

Arthur donne un coup de clé derrière nous et nous raccompagne en silence jusqu’à l’ascenseur avant de nous abandonner sans un « au revoir ».

— Et maintenant ? ne puis-je m’empêcher de penser à voix haute.

— Je vous ramène chez vous pour le moment.



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2 commentaires

Zatiak

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Il y a un mois

Hop, je suis à jour !
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