Fyctia
Chapitre 2
Elle ne put pas dormir de la nuit à cause des marques qui lui brûlaient le dos. Eden aurait sûrement trouvé ça très douloureux, mais Dany se complaisait de cette douleur. Elle la fortifiait. Grâce à elle, elle devenait un caractère bien plus endurci. Une combattante. Une guerrière. Nul doute que son géniteur ne se serait pas attendu à cela. Et encore moins à cette brutalité et cette sauvagerie qu’elle gardait au fond d’elle. Peut-être que Dany était bien la fille de son père contrairement à Eden.
Elle trouvait que Herbert lui rendait un fier service. Il la construisait comme une femme plus forte, plus indépendante, plus sauvage. Elle attendit que ses parents montent dans leur chambre pour reprendre la position principale dans l’esprit de la jeune femme et sortie de la sienne. Marchant sur la pointe des pieds, elle entendit la conversation murmurée de Herbert et Daphnée.
— Je lui ai pris rendez-vous demain chez le psychiatre, disait la voix de sa mère.
— Je ne veux pas qu’on sache que ma fille est toquée.
— Tu préférerais qu’elle parle de son “problème” devant tout le monde ? Tu sais qu’elle est incontrôlable.
— Si elle fait ça, je l’abandonnerai.
— C’est notre fille, s’exclama sa mère, semblant scandalisée. On ne peut pas l’abandonner.
— On le peut et on le fera si elle n’arrête pas son comportement étrange. Reste à savoir si tu viendras avec moi ou si tu mourras ici avec elle.
La voix de Daphnée ne se fit plus entendre, seulement ses sanglots. Lâche. Elle n’était même pas capable de défendre son unique enfant. Peu importe. Cela faisait des années que Dany préparait cela. Alors elle se rendit dans “l’armurerie”. En réalité il s’agissait d’un coffre glissé sous le parquet de la salle de bain. La jeune femme à l’intelligence surdéveloppée et à l’instinct de préservation féroce avait tout fait pour dénicher cette cachette. Elle avait failli se faire attraper par son père à de nombreuses occasions. Si Herbert la voyait toucher à ce coffre, il serait bien capable de la tuer. De cela, elle ne doutait pas. Alors si le psychiatre lui découvrait une pathologie, son père risquait de se débarrasser d’elle. Elle devait être préparée. Peu importe les conséquences. Elle devait survivre. Quoi qu’il lui en coûte. Elle avait au moins ça en commun avec son père, elle voulait rejoindre la Planète Zéro. Et, oui, elle tuerait père et mère pour y arriver, ce qui n’était pas le cas de cette sotte d’Eden. C’était pourquoi elle devait prendre les commandes. L’Alpha ne devrait pas parler au psychiatre, elle préférait lui envoyer Brooklyn ou Devon. Elle prendrait le temps de la réflexion à ce sujet.
Une fois dans la salle de bain, elle déplaça le tapis et sortit une lime pour la glisser dans l’interstice qui lui permettrait d’accéder au coffre. Une fois le déclic s’étant fait entendre, elle releva la trappe. Le coffre était bloqué sous les tuyauteries, déposé sur le système d’assainissement de l’eau. Elle y glissa les mains et récupéra la grosse boîte qui était également cadenassée. Son père avait entré la date de la troisième guerre mondiale. Elle se demandait quel genre de père préférait les guerres à sa propre famille. Dany pensait que cet homme était le mal. Elle n’avait qu’une hâte, presser la détente qui mettrait fin à ses jours. Malheureusement, si elle le faisait dès à présent, elle pouvait définitivement dire adieu à sa place sur le Vaisseau-Mère et ça c’était hors de question. Elle devait se préparer. Juste se préparer.
13 décembre 2022. Date de la troisième guerre mondiale. Et cette guerre avait été la plus longue de toutes, si tant est que l’on puisse dire qu’elle se soit terminée un jour. Bien sûr, Dany/Eden n’était pas de ce monde lorsque c’était arrivé, néanmoins elle avait vu de nombreux reportages sur le sujet. Il y avait eu des centaines de champignons atomiques qui avaient tout détruit sur leur passage. Depuis, la planète était gangrenée. Les plantations étaient devenues transgéniques. Les animaux ayant survécu avaient au moins été touchés par les rayons radioactifs et n’étaient donc pas comestibles. Les premiers temps, les humains ne mangeaient plus que des boîtes de conserve qui avaient été sauvées. Jusqu’à ce que les laboratoires AnimalZ mettent en place des vaccins contre la radioactivité qui leur permettait de se sustenter des ressources alimentaires qui restaient sur la planète, même si désormais elles s’amenuisaient dangereusement. Depuis c’était devenu la lutte du plus fort.
Eden naquit dans ce monde-là. Elle n’avait d’ailleurs jamais quitté son campement, allant à l’école de leur réserve. La nuit, Dany lui imposait des images de meurtres commis par sa main. Le message était clair. Pourtant, elle avait lutté. Et elle lutterait encore. Eden ne voulait pas devenir ce monstre assoiffé de sang que Dany tentait d’éveiller en elle. Néanmoins, sa différence lui avait joué des tours dans la petite école de la Réserve où elle et sa famille vivaient. Certains enfants la traitaient de folle à lier et c’était probablement bien ce qu’elle était. Alors elle s’était dit mériter les coups que lui portaient ceux de sa classe, tout comme ceux de son père. Pourquoi une personne saine d’esprit ferait tous ces rêves étranges et aurait des trous de mémoire ? Souvent elle passait d’une pièce à une autre sans savoir comment elle y était parvenue. Une fois, elle avait même fini sur le toit de trois étages de la maisonnée construite en bois par les hommes. Les parents disaient que ces murs les protégeraient et les guideraient. Alors pourquoi avait-elle fini sur ce rebord en ayant le sentiment qu’elle avait été sur le point de sauter ? Elle avorta un cri lorsque l’un de ses professeurs l’y trouva et la raccompagna à l’intérieur, soit-disant pour la mettre à l’abri.
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Stephanie Beerlet
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Il y a 3 ans