Fyctia
Vers votre destin.
— Au point où nous en sommes Kouban, nous n’avons plus grand-chose à cacher. Mais quoiqu’il en soit de leur conscience, nous modifierons la probabilité de notre rencontre avec ces trois âmes nobles.
— Qu’il en soit ainsi, l’assemblée accepte le processus de contact.
***
Grosjean et Crespau ont sorti leur pistolet automatique, ils tirent pratiquement à bout portant tout en reculant. Les hommes et les femmes scarifiées continuent de tomber, je tire à vider mon chargeur de ses neuf balles, mais pour quelle raison, ces êtres se font-ils décimer ainsi sans peur de la mort. J’ai l’impression qu’ils se jettent dans une action désespérée comme s’ils allaient mourir de joie. Ici, c’est un monde de fous, le chaos est venu se poser sur ce pays.
— Rentrez dans la voiture, dépêchez-vous, je vous couvre.
Grosjean et Crespau n’ont plus de choix, ils doivent se protéger en pénétrant dans la 404. Je m’enferme à mon tour dans mon véhicule. Les fous scarifiés se jettent dessus, leurs yeux éjectés de sang, ils se hissent comme des furies sur le capot, la malle arrière et le toit qu'ils frappent de leurs poings. D’autres sont armés de barres à mine, de masses, certains tiennent un poignard, ils cognent, sur le pare-brise qui éclate comme une feuille de cristal, les bris de verre se sont éparpillés dans tout l’habitacle. Nous sommes faits comme des rats, il ne reste que quelques balles dans le chargeur des PA des deux gendarmes pour défendre notre peau. Je vais mourir, mais un sourire de toi vient poser son image dans mon esprit, je sais qu’un jour dans ma vie, une femme s’est penchée sur moi et qu’elle m’a aimé. Mais soudain, le son du martèlement devient plus sourd, un bourdonnement ambiant s’installe, les mouvements acharnés de la horde venue pour nous achever ralentissent pour se figer. Nous demeurons sans voix. À quelques mètres de nous, un écran géant s’ouvre dans le vide faisant disparaître le paysage des maisons d’en face. Nous restons stupéfaits, nous ne comprenons pas. Il se découvre un être de grande taille qui apparaît, calme, de grande stature. Il doit faire au moins trois mètres, il est impressionnant. Ses yeux entièrement noirs nous observent, je ne vois devant moi que la profondeur de toute chose, nous ressentons une forte émotion, sa lumière nous touche, nos larmes de silence traduisent un trouble que nous n’avions jamais éprouvé. Je réalise l’ironie de la vie, la dérision de ce qui nous afflige dans nos journées banales. Des images fortes teintées d’un relief vivace s’emparent de moi, je vois défiler ma vie, chaque moment, chacun de mes actes, chacune de mes paroles. Je ressens ce que j’ai infligé aux autres, je ne peux réprimer une crise de pleurs, je regrette, oui, je le regrette, mais pour quelle raison ai-je fait autant de peines ? Un paysage apparaît, d’une beauté insupportable, je vois ceux que j’aime, me faire signe et me sourire. Putain, je peux presque vous toucher mes parents, je crie, je hurle que je les aime, ils me répondent qu’ils le savent, qu’ils l’ont toujours su. Je me tourne de tous côtés, partout il n’y a que beauté, harmonie et délicatesse, des êtres élégants se déplacent silencieusement me laissant après leur passage des effluves de parfums inconnus. J’entends des voix me dire « Ne t’inquiète pas, les personnes que tu aimes sont en sécurité, cesse de t’inquiéter, tu ne dois plus te faire souffrir. La souffrance mène au Monde Noir, à l’aigreur et au désespoir. Vit heureux maintenant, redonne-toi une chance de bonheur. Aime-toi pour mieux aimer les autres. Comme nous vous aimons. Qu'il en soit ainsi et que cela perdure ».
Puis le paysage féerique s’éloigne ou plutôt je suis aspiré vers l’arrière, j’appelle mes parents, je leur dis que je ne veux pas les quitter. Toute cette beauté se rétrécit pour ne former plus qu’un point lumineux. Je suis revenu dans l’habitacle de ma voiture. À côté de moi, j’entends les deux gendarmes sangloter en silence, ils reniflent, je comprends que chacun d’entre nous a vécu une expérience similaire. Nous n’avons pas besoin de nous parler pour nous comprendre. Devant nous, la scène figée, les horribles scarifiés sont comme pétrifiés telle une pellicule de film à l’arrêt. L’imposant personnage franchit le seuil de l’écran au fond sombre, l’écran derrière lui se referme. Il contemple un moment tout ce qui est autour de lui, puis il lève ses bras et joue de ses mains sans couleur. Il s’en dégage une forme de lumière bleuâtre qui se propage sur le sol, nous regardons ébahis ce qui se passe, nous ne comprenons pas. Le halo donne vie à l’épaisse couche de cendre qui tapisse le sol, des silhouettes s’érigent alors, elles prennent une forme vaguement humaine. Les cendres se sont compactées en êtres gris énigmatiques, nous distinguons à l’intérieur de leur corps, une lueur incandescente qui semble les animer, les cendres agrégées prennent vie. Elles sortent du sol de toute part, puis elles se hissent lentement sur les scarifiés, nous voyons ceux d’entre eux les plus proches êtres agrippés à quelques centimètres de nous. Puis, la scène reprend à nouveau son mouvement, le feu incandescent qui anime les êtres de cendre s’amplifie, il devient plus ardent comme chauffé à blanc. Devant nous, se déroule une scène inimaginable, les monstres à caricature humaine hurlent de douleur avant de s’enflammer instantanément puis de tomber en cendre, les scarifiés qui parviennent à s’évader, saisis par la terreur s’enfuient dans tous les sens, certains sont encore happés par l’apparition instantanée d’une silhouette incandescente. Nous nous demandons ce qu’il va se passer désormais, nous nous regardons bouche bée sans un mot. L’être énigmatique à la longue tunique noire semble s’adresser à eux, mais il ne prononce aucun mot. Les êtres de cendre brûlante le fixent avec attention, puis s’éparpillent dans toute la ville sans doute à la poursuite des scarifiés. Je n’ai jamais été autant impressionné et ému de toute ma vie.
Puis l’être blanc aux yeux noirs sans expression se tourne vers notre gauche, il tend ses mains qui dégagent à nouveau cette lumière bleue. Devant nous le paysage s’écarte, un écran s’ouvre, un nouveau panorama se découvre avec en son milieu, une voie large et rectiligne. Il nous fait un signe pour nous indiquer de l’emprunter. Je sais où elle va me mener, je lui dis merci, une voix en moi me répond :
— Allez vers votre destin, hommes de loi des humains, nous sommes là, près... tout près de vous.
Des frissons parcourent tout mon être. Il pose son doigt sur le capot, la voiture s’entoure d’un halo lumineux jaune et le moteur se réveille, nous n’en croyons pas nos yeux. Mais plus rien n’est normal, moi, je ne sais plus quoi penser, alors ne plus se poser de questions est la seule alternative. Le véhicule se met à avancer sans même avoir enclenché la manette de vitesse ni toucher la pédale de l’accélérateur...
15 commentaires
MiXado
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Léoneplomb
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans