Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. Une tragique comédie.

Une tragique comédie.

J’entends le crépitement du pistolet mitrailleur de Crespau et les tirs secs du MAS 36* de Grosjean, les cris brefs et déchirants de ceux qui sont laids et subissent les douleurs conséquentes aux balles qui pénètrent leurs carcasses déformées par leurs perversions. Mais qu’est-ce qui les a transformés ainsi ? Et pour quelle raison ? D’où proviennent-ils ? Et si c’était un cauchemar vivant ? Oui, une réalité dans laquelle nous évoluerions comme les acteurs principaux d’une tragique comédie ! Nous contribuerions à créer cette réalité ? Oui, mais sans en être conscient ? Mais qu’est-ce qui me prend ? Je suis peut-être en train de perdre l’esprit !


— Nous n’arriverons pas à les arrêter, Grosjean ! Ils sont trop nombreux ! Putain… ils arrivent sur nous !


Je détourne mon attention du neiman et de ma clef sur laquelle je m’acharne depuis quelques minutes pour enfin lever les yeux, ce que je vois, est une scène à couper le souffle. J’assiste à un spectacle dantesque, des dizaines de ces choses vaguement humaines jonchent déjà le sol, alors que d’autres s’écroulent sous les rafales de balles qui s’impactent sur leur corps dessinant des trous sanglants, arrachant parfois des lambeaux de chairs et d’os, mais ils sont toujours plus nombreux, ils arrivent de toute part et convergent dans notre direction. Putain, mais que se passe-t-il ? Seigneur Dieu, je ne t’ai jamais rien demandé, mais là, je crois que je vais t’adresser une prière, si tu n’as jamais posé un jour ton regard sur tes brebis, c’est le moment que tu le fasses. Crespau jette son pistolet mitrailleur à terre, son chargeur est vide, puis dégaine son pistolet automatique. Je lève les yeux, je cherche un signe du ciel, mais il est tapissé de nuages noirs, quelques lueurs rouges éclairent parfois cet épais manteau opaque. Alors c’est maintenant que ça se termine ? Rachel, tu me manques, où es-tu mon amour ? C’est con, nous allons sans doute mourir loin l’un de l’autre. Je dégaine mon PA, j’attends la mort, je suis crispé sur mon arme. Je ne vois pas très bien, ma vue se trouble, j’essuie mes yeux, je renifle. Ma vie défile, je vois mes parents. Man, je ne t’ai jamais dit « je t’aime » pardonne-moi pour les mauvaises paroles que j’ai prononcées. Pa, je sais ce que tu voulais me dire lorsque je suis parti de la maison, je l’ai lu dans tes yeux tristes, tu avais de la peine… je suis désolé. Je vous aime mes parents, oui, je vous aime, j’espère que de là où vous êtes, vous m’entendez encore. Crespau, s’adresse à moi en hurlant, je ne l’entends pas, perdu dans ma misère, imbibé de remords, mais le son de sa voix se heurte enfin à mon écoute.


— Derrière vous inspecteur ! Derrière vous, réagissez bon sang !


Je me retourne, ils sont presque sur moi. Je déclenche les tirs, calmement sans trembler, j’ai juste un peu de buée sur mes yeux, mais je vise bien, chaque balle foudroie, l’un de ces individus grimaçants. L’impact de mon arme les clous sur place, ils se renversent comme si un fil invisible les avait tirés en arrière. Ça va être terminé dans un instant, un court instant, qu’il est agréable de goûter à ces dernières minutes d’existence. Elles n’ont jamais été si intenses. Sans doute est-ce ce que ressentent les condamnés à mort ?


***

— Kāchān, le point de coordination des réalités est synchronisé, la porte s’ouvre.


Les majestueux Ambassadeurs du Monde Noir, dans leur longue tunique sobre, leurs regards pénétrants et profonds observent calmement les scènes qui se déroulent. Toute l’assemblée des Émissaires est présente, le colossal Dôme s’est illuminé d’un halo qui transcende tout, c’est l’énergie pure, la force de toute existence. L’essaim des particules originelles qui se croisent et s’entrecroisent, qui germinent de leurs propagations tous les plans de réalités qui créent les événements passés, présents et futurs, forment et déforment les images pour reprendre consistance puis disparaître, pour laisser la place à d’autres événements, puis tout s’accélère. Les Ambassadeurs des mondes multiples sont en suspension devant leur tabernacle luminescent. Il n’y a dans ce monumental Dôme aucune loi d’apesanteur, ça n’a aucun sens pour la vision humaine, ni dimensionnel ni logique. Les Émissaires et leur tabernacle gravitent dans tous les sens, l’espace semble s’étirer, se déformer, le temps tour à tour se fige puis s’accélère pour ralentir et à nouveau recommencer son rythme disparate.

Les événements et ses millions d’actes défilent à grande vitesse, des empires naissent, leurs bâtisses s’érigent puis se désagrègent pour disparaître et laisser la place à d’autres constructions. On perçoit toutes les paroles prononcées par tous les êtres humains dans toute leur histoire à travers les milliers d’années de leur temporalité. Les débris cosmiques s’agrègent en un conglomérat de matières, des planètes se constituent puis évoluent pour disparaître ensuite, il en est de même pour les étoiles, elles naissent, grandissent, flamboient, illuminent puis se rétractent et s’éteignent. Les Émissaires observent leurs maîtres les Anachorètes engendrer les galaxies puis des Univers, des milliards d’années défilent témoignant de l’extension de ces mondes jusqu’à ce qu’ils se rétractent pour naître à nouveau. C’est l’instant futile d’une réalité pour l’éternité d’une autre. Tous ces Mondes de consciences s’extraient de leur crâne lumineux comme s’ils les semaient de leur éclatante lumière, mais qui n’aveugle nullement. Une inscription apparaît au-dessus de chaque entrée qui parsème le colossal bâtiment des Émissaires : « Les Dieux s’amusent, nous sommes le souffle de leurs pensées ».

Kāchān s’adresse à ses condisciples non par des mots, mais avec les nuances luminescentes qu’il manipule.


— Maintenant !


Les réalités se synchronisent sur le même rythme temporel, désormais elles se perçoivent.


— Où en est-on Karkaran ?

— Les réalités sont synchronisées, Kāchān.

— Que le connétable Noman et la légion d’Artrides se mettent en marche, il connaît sa mission.

— Les séditieux du Dragon Noir sont-ils à présent réunis ?

— Oui, ils le sont, dans la crypte du vieux prieuré. Ils commencent leur incantation, l’écran va s’ouvrir. Les frères Pendru vont s’introduire dans la réalité tridimensionnelle, leur manoir du Monde Noir va s’ajuster avec leur ancien manoir du monde humain.

— Dans combien d’instants du temps terrestre ?

— À minuit de leur temps Kāchān.

— Alors, avancez la chrono réalité de leur instant de treize heures trente à leur instant de minuit Karkaran.

— Trois nobles d’âme, policiers humains de leur état sont en mauvaise posture, que faisons-nous ?

— Ouvrons l’écran temporel au lieu existant de cet instant.

— Ils vont nous voir, Kāchān.

Tu as aimé ce chapitre ?

27 commentaires

Guillaume PERNIN - Trésordudragon

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Il y a 4 ans

Petit coup de déblocage pour le final ! ;)

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Merci Guillaume.

Idylyne.B

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Il y a 4 ans

Petit coup de pouce avec mon lâché de likes et partages ^^

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Merci Idylyne

Idylyne.B

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Il y a 4 ans

De rien avec plaisir :)

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Dans toute cette agitation, je t'ai oublié mon lapin ! Heureusement que je n'ai pas lu ce chapitre hier soir ! Un chapitre intense en action et en émotions. Là où les mondes se rejoignent ! Le pauvre karl se demande bien où il est ! Félicitations pour tes descriptions ! On imagine très bien la scène 👏👏👏

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Bonjour ma Véro, c'est un joli chapitre n'est-ce pas?

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Un joli chapitre ? Salaud !😉🤣🤣🤣🤣

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Oui ma chérie, joli et salaud mais je suis aussi pas mauvais comme auteur.😊

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Heureusement que je ne lis qu'en journée tes chapitres car les nuits seraient très agitées ! Vu comme tu nous racontes ce qui se passe on pourrait croire que ça existe vraiment, que tu l'as vécu et que tu en as réchappé... Je pense que Karl et ses 2 acolytes vont bénéficier du secours de Kachan et de ses condisciples : il ne peut en être autrement pour moi. Bonne journée en attendant la suite
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