Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. Une pluie gluante.

Une pluie gluante.

Réveillez-vous habitants de ce monde, jusque-là les cauchemars ne peuplaient que vos nuits. Ils passaient furtivement dans vos esprits pour s’évanouir au petit matin, vous aviez été saisis un instant par la peur et à votre réveil, il ne vous restait qu’un mauvais souvenir. Mais là, c’est le cauchemar qui vient vous rendre visite dans votre réalité et ce n’est plus uniquement une image qui vous secoue pour vous laisser un arrière-goût désagréable. C’est la réalité noire qui vient se saisir de votre réalité pour vous envelopper et s’emparer de vous. La voiture chasse vers l’arrière, Karl redresse le véhicule en contre-braquant. Je l’entends jurer, je lui conseille de ralentir s’il ne veut pas faire une embardée et que nous terminions notre route dans l’un des étangs qui bordent de part et d’autre la nationale. Mais Karl se range sur le côté de la route. Il ouvre sa portière et sort, je fais de même, mais avant de mettre le pied dehors, je demande à Liotta de rester à l’intérieur.


— Putain Rachel, tu veux me dire ce que c’est que cette merde, car ça pu, c’est horrible !


Il ferme les yeux, il a du mal à les conserver ouverts, ses cheveux sont écrasés sous l’épaisse boue visqueuse et nauséabonde, il tend ses bras et ouvre ses mains qui se remplissent de l’immonde poisse gluante. Il porte encore une fois l’une de ses mains à ses narines puis marque une réaction de dégoût, je le regarde sans un mot.


— Tu sais quelque chose de tout ça, n’est-ce pas Rachel ?

— Je te l’ai dit Karl, parfois nous empruntons des chemins qui traversent des territoires hostiles, des réalités que l’homme ne peut même pas concevoir parce que s’il le faisait, il en deviendrait fou.

— Je ne comprends pas Rachel, moi, j’ai fréquenté des lieux sordides, dans des milieux dangereux. J’ai côtoyé des voyous, j’ai frôlé la mort, je l’ai vu en face. J’ai vu des hommes qui n’en étaient plus, tant ils étaient avilis, j’ai arrêté des psychopathes qui ont défrayé la chronique. L’égorgeur de Montmartre, lui, attendait embusqué dans un recoin sombre la nuit, qu’une femme passe pour lui ouvrir la gorge d’une oreille à l’autre, on l’avait même comparé au terrible « Jack l’éventreur ». J’ai croisé des salauds qui ont collaboré avec les Allemands, c’étaient des délateurs et dénoncés les familles juives cachées chez l’habitant. J’ai vu des hommes donner leurs parents, vendre leur frère, tuer leurs enfants après avoir abusé d’eux. Je croyais avoir tout vu, mais pas ça Rachel.

— Ça quoi Karl ?


Il me fait signe de la tête. Derrière moi, à plusieurs kilomètres au nord, une trombe épaisse extraite des nuages noirs touche la terre et se forme puis se déforme tour à tour semblant danser, elle dessine un être vulgaire et grimaçant.


— C’est curieux Rachel, si l’on avait un peu d’imagination on pourrait y voir une figure grimaçante et en colère ouvrant une gueule prête à dévorer toute la nature.


Je l’observe d’un air grave, il me fixe clignant des yeux sous les gouttes visqueuses et puantes qui s’écrasent sur son visage et ses cheveux.


— Quoi ? C’est vrai, regarde bien, les taches sombres sur le haut formeraient deux yeux, la plus grande au-dessous, une bouche grande ouverte. Putain que ça pu cette merde noire, regarde, c’est gluant.

— Viens, rentrons nous mettre à l’abri dans ta voiture.


Avant de pénétrer dans l’habitacle, il ouvre sa malle arrière, puis il me rejoint, il a deux serviettes, il m’en tend l’une des deux.


— Tiens, on ne peut pas se présenter comme cela chez ses parents.

— Tu es prévoyant, tu as toujours des serviettes de toilette dans ta voiture.

— Oui, des couvertures, des bouteilles d’eau aussi, il faut toujours l'être. Tu comprends, lorsque nous faisions la nuit Sauveur et moi, je prévoyais également le thermo pour avoir du café bien chaud.


Je pense mon Karl que tu ne pourras pas tout prévoir, avec ce qu’il s’annonce, rien n’est prévisible, tout peut arriver à tout moment. La destruction peut surgir en prenant la forme d’un scarifié. Je comprends lorsque Kāchān me dit qu’il est préférable de ne pas entraîner Karl dans cette aventure. Demain soir, des titans vont s’affronter. Les humains qui se trouveront dans les parages seront entraînés comme des fétus de paille dans les souffles des Dieux.


— Tout va bien Liotta ? Nous n’allons pas tarder à arriver chez tes parents. Ils vont être étonnés que tu arrives avant le minibus. Putain le minibus, Yves le chauffeur ! Karl.

— Mais calme-toi Rachel, il transporte des enfants et des adolescents depuis des années pour quelle raison voudrais-tu que ce soir il se passe quelque chose de particulier ?

— Putain, on n’a pas récupéré son petit frère Karl.

— Mais ce n’est pas grave, tu vas voir il va arriver comme d’habitude.

— Liotta, vers quelle heure le minibus vous dépose devant la maison de vos parents ?

— Vers cinq heures et demie.

— Il devrait déjà être là, il est moins le quart.

— Cesse de t’inquiéter Rachel, avec cette merde qui tombe il a dû être obligé de rouler moins vite, tu as vu comme la chaussée était glissante ? C’est même toi qui m’as demandé de ralentir.

— Oui, tu as raison, je m’inquiète sans doute inutilement, mais si cela ne te dérange pas, je préfère attendre que le minibus dépose son frère avant de repartir.

— Bien sûr, Rachel, nous allons attendre et dès que le bus sera passé, nous repartirons.


Nous arrivons chez les Domingos, madame Domingos sort de sa maison pour nous accueillir, un peu surprise.


— Bonsoir Monsieur et Madame les Inspecteurs, il est arrivé quelque chose de grave ?

— Pas du tout madame Domingos, j’avais promis à Liotta de venir la chercher à l’école aujourd’hui, mais nous nous sommes perdus en discussion et nous avons oublié votre fils, quelle sotte je fais.

— Ce n’est pas grave Madame l’Inspectrice. Mais rentrez, ne restez pas dehors, cette pluie de boue malodorante est désagréable. Venez vous réchauffer auprès de la cheminée.

— Merci Madame Domingos, c’est volontiers, nous allons attendre l’arrivée du minibus pour nous assurer qu’il n’y a pas de problème.

— Merci, c’est très gentil à vous. Mon mari n’est pas encore rentré de son travail. Je m’inquiète toujours lorsqu’il n’est pas arrivé et que la nuit est tombée.


J’observe le dehors tout en m’adressant à madame Domingos :


— Depuis notre passage, vous n’avez rien remarqué d’inhabituel, Madame ?

— De quelle sorte Madame l’Inspectrice ?

— De toutes les sortes Madame, tout phénomène qui vous aurez paru anormal.

— Eh bien, il y en a un de phénomène anormal, cette pluie de boue noire et malodorante.


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35 commentaires

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Ce n'est pas un livre à recommander pour s'endormir le soir car risque de cauchemars pour les personnes trop sensibles. Moi, je lis le matin après le petit déjeuner et après le dîner : cela passe mieux car je suis assez anxieuse et je vis en stress certains passages. Mais j'aime bien

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

😁😂🤣Mais cette histoire est faite pour cela.

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Karl commence à ouvrir son cœur et son âme, il voue des choses qu'il ne percevait pas avant ! Tu peux être sûr qu'il est arrivé malheur au petit frère de Liotta ! Je ne te lis plus le soir car j'ai du mal à m'endormir ! Bravo pour le suspens qui grandit de chapitre en chapitre !

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Oh😧😲ma petite Véro, mon amour de colérique. Quand même ça ne fait pas si peur que ça! 😂😂😅😆bises. tout va bien, détends toi.😉😊

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

🤣🤣🤣🤣🤣♥️♥️♥️♥️♥️😘😘😘😘

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

Karl qui semble avoir connu le pire est à présent dépassé par un phénomène semblant surnaturel qu'il ne pouvait pas imaginer. Il pense tout connaitre et ne plus être pris au dépourvu par rien, la preuve lui est faite du contraire.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Oui, la preuve lui est faite du contraire, mais il n'a pas finis d'être surpris avant d'être terrorisé.
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