Fyctia
J'aimerais te dire.
— Peut-être Maëva, mais toute expérience physique est par définition plus intense.
— Mais ici aussi, tu connais l’intensité de l’expérience physique.
— Oui, mais dans cette dimension, la passion dans le plaisir, la souffrance, l’amour, la haine sont plus intenses. Et puis, si je peux me racheter une âme.
— Seigneur ne laisse pas partir notre sœur Rachel, c’est la meilleure d’entre nous.
— Je ne le puis Magda, si telle est sa décision.
Je suis à nouveau extraite de la scène, l’intensité du moment se sépare de ma conscience, je m’en éloigne. Le déroulement de l’instant se détache, ce n’est plus qu’un écran plat qui perd ses reliefs pour se rapetisser et disparaître.
— Te souviens-tu maintenant Rachel de cet événement ?
— Désormais, je m’en souviens. Mais quand cela s’est-il passé ?
— De notre point de vue, à l’instant même. De ton point de vue d’humaine dans la personnalité de la Rachel Benvenuti, il y a de cela 26 années du temps des humains. Rends-toi dans le manoir des frères Pendru, lorsque les points de convergences prendront contact, une fenêtre s’ouvrira, ainsi les créatures Pendru et leur maître de la Nécropole pénétreront dans la réalité tridimensionnelle, le monde des Hommes. Ils seront attirés par les jeunes femmes, mais aussi par toi Rachel. Ils n’auront pas décelé quelle est ta véritable nature. J’ai bien travaillé pour t’offrir le meilleur camouflage. Ils ne verront que ta personnalité de Rachel Benvenuti.
— Je comprends Seigneur, je serai un appât pour vous servir, telle est ma mission ?
— Telle est ta mission Créature fatale.
— Pour quelle raison, dites-vous cela Seigneur ?
— C’est ta beauté, ta sensualité humaine, tes hormones qu’ils sentiront qui les attireront vers toi en premier, c’est ce désir ardent de toi qui leur sera fatal.
— Mais que me feront-ils Seigneur ? J’ai peur de comprendre.
— Rachel, tu dois le faire, ce n’est que l’acte d’un instant fugitif, le temps que les Artrides surviennent et que les Gardiens du seuil referment la boucle du temps et des réalités adjacentes. Ils seront enfin captifs.
— Et après Seigneur ?
— Tu retourneras parmi ton clan, vous aurez le choix de chasser où vous le souhaitez, pour vous repaître de la chair et de la peur de vos victimes. Consommer tous les mâles qui vous plairont d’abuser dans des états de conscience frénétiques atteignant un niveau d’exaltation que vous ne pouvez pas imaginer même enfouie dans le plus profond désir de votre libido. Va maintenant, remplis ta mission, va jusqu’au bout de ton chemin, tu y rencontreras ton destin. Une dernière chose Rachel, tu dois t’y rendre seule, n’exposes pas Karl dans cette opération, d’autant qu’il ne te sera d’aucune utilité. Il pourrait perdre la vie ou pire encore, se retrouver prisonnier de l’autre côté de sa réalité, chez nous. Il pourrait ne pas comprendre et en perdrait l’esprit tout comme ton frère, l’humain nommé Antoine.
— Très bien Seigneur.
La grande salle au Dôme gigantesque disparaît peu à peu. Les Émissaires sont comme gommés d’une page de dessin, comme un écran de télévision qui s’éteint lentement. Tout se réduit jusqu’à ne représenter plus qu’un point lumineux qui se confond avec la lampe du lustre.
J’entends les pas de la mère inconnue et ceux de son petit garçon, elle le sermonne. Leurs paroles s’éloignent doucement pour aller se perdre dans le brouhaha du café restaurant.
Je regarde l’heure sur le réveil de mon père, il est l’heure qu’il était lorsque je me suis posée sur le sol. Le temps ici est resté figé alors que je suis restée près d’une heure avec Kāchān. Je me déshabille, pour prendre une douche, j’en ai besoin. J’ai subi de fortes épreuves, mais désormais, je sais, je suis à la fois Rachel Benvenuti et Rachel, la sœur damnée. Je regarde mon image sur le miroir pendant que l’eau coule et dégage de la vapeur.
Je me demande ce que Karl va devenir, ce qui va advenir de nous. Bonhomme, j’ai envie de toi, oh non ! Plus par désir animal, mais pour t’appartenir, pour être à toi. Je ferme mes yeux, pour mieux ressentir tes caresses sur moi, je sens ce frottement à l’intérieur de mon organe de femme, ton va-et-vient est comme une danse qui chauffe tout mon être et monte le désir profond qui m’évanouit dans tes bras. Je me regarde à nouveau et je vois mes yeux d’opale tristes, qui regardent tes yeux de chien battu, ce regard blasé, blessé, trahit par une femme. Je voudrais te dire « Viens mon amour, oui viens près de moi, tout près, viens te consoler à l’intérieur, dans la chaleur de mon corps ».
J’aimerais te dire tant de choses, te dire que tu me manques déjà, que la vie ce n’est pas ça, que tu dois t’accrocher à l’espoir. Je sens encore à travers les caresses de tes mains chaudes frôler mon corps, effleurer mes seins, durcir mes tétons, ramollir mon esprit, lubrifier mon vagin. Mes doigts te sont infidèles, ils cherchent mon entrejambes pour m’aider à penser plus fort à toi, pour réveiller bien plus encore mon désir. Je suis venue ici me réfugier dans ma chambre comme un animal blessé, je souffre de ton indifférence. Pourtant, je m’imagine me tortiller, empalée par ton membre vigoureux, je veux frémir sous tes mains et en perdre la raison. Je me surprends à frotter frénétiquement mes deux doigts contre mon clitoris et la tension raidir mon corps pour aboutir à un électrochoc, embrouillant mon esprit, obscurcissant ma vue, m’enivrant, ma chair frissonne. Je tremble de tout mon corps, mes yeux se révulsent, je perds la raison, mon front vient taper le miroir, je ne peux refréner un râle qui s’échappe de ma gorge. Je ne sais si dans les chambres voisines, l’on entend cette femme qui appelle son homme pour mourir dans ses bras, mais à ce moment précis, je m’en moque. La souffrance de mon désespoir et de mon désir ne peut demeurer en moi. Des vagues de plaisir me submergent, m’engloutissent, elles anéantissent ma conscience. C’est si merveilleux, si bon, c’en est presque insupportable. Puis toute la tension retombe comme si j’avais tiré la chasse, tout s’est évacué.
Ma joue écrase le miroir, l’eau continue de couler du pommeau de douche et la salle de bain s’est transformée en un véritable hammam. J’essuie la buée avec ma main, je vois mon visage blême, mais apaisé. Karl ne se doute pas que j’ai fait l’amour avec lui, enfin dans mon imagination, avant de le faire un jour peut-être dans mon lit.
Je suis prête, je me suis maquillée, mise du rimmel, j’ai dessiné mes yeux avec un crayon noir pour avoir les yeux de biche à la Juliette Gréco, un bandana serré sur mes cheveux. Je regarde l’heure sur ma montre posée sur le chevet, il est moins le quart de cinq heures, il est temps d’y aller. Je vais savoir ce que la petite Liotta souhaite me confier que je ne sais déjà, mais qui sans aucun doute confirmera certains détails de cette enquête. Je suis persuadée qu’elle a vu quelque chose, je veux m’en assurer.
27 commentaires
Léoneplomb
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Il y a 4 ans
Véronique Rivat
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Lyaminh
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Véronique Rivat
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Il y a 4 ans
Lyaminh
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Il y a 4 ans