Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. Nous les aurons.

Nous les aurons.

Il fixe le sol, ses yeux se sont embués, rougis par la douleur de l’amour, usé par le temps qui est passé. Il lève la tête et me regarde. J’ai envie de l’embrasser, de le serrer fort dans mes bras, mais je me retiens.


— Bon Rachel, que proposes-tu ? Je suis tout ouïe.

— Écoute Karl, j’ai le sentiment qu’il va se passer un terrible drame demain soir.

— Mais comment ?

— Je ne peux tout te dire, mais je te demande de me faire confiance. Demain soir, je veux que nous allions faire à nouveau un tour dans le manoir abandonné.

— Mais qu’espères-tu y trouver ? À part quelques tables d’opération rouillées et des cellules vides ?

— Je ne sais pas exactement, mais j’ai le sentiment que c’est là-bas que la clef de notre affaire se trouve. Si nous cherchons, c’est dans les caves de cette demeure que nous trouverons.

— Écoute Rachel, je vais attendre pour donner mon rapport. Il y a le weekend, pour nous permettre de bénéficier d’un répit, mais lundi matin je devrais être au quai des Orfèvres avec.

— C’est entendu Karl, allons voir du côté de cette vieille demeure.

— À quelle heure veux-tu que nous nous y rendions ?

— Avant que la nuit ne tombe.

— Mais pour quelle raison ?

— Parce que s’ils se pointent là-bas, je veux être déjà là pour les surprendre.

— Oui, mais le fait que des individus se pointent dans ce lieu la nuit ne prouve rien ! Nous pourrons les verbaliser tout au plus pour vagabondage nocturne.

— Ne déconne pas, Karl. Nous attendrons, cachés dans les fourrés du parc, une fois qu’ils pénétreront dans le manoir, nous les suivrons furtivement. Nous verrons bien ce qu’ils font, mais je suis sûre que s’ils viennent, ce ne sera pas pour jouer à la marelle crois-moi.

— Mais il n’y a rien là-bas putain Rachel ! Ne me dis pas que…

— Un passage secret, oui.

— Putain ! Voilà que maintenant elle me sort le coup du passage secret. Après la messe noire, la secte satanique et le complot à l’échelle régionale ! C’est quand que tu vas me sortir la caverne d’Ali Baba ? Car nous allons nous emparer des 40 voleurs !

— Tu crois pas que tu pousses un peu mémé dans les orties Karl. Sois sérieux un instant.

— Putain, si les collègues de la criminelle savent ça, je suis fait. Je serais la risée de tout l’immeuble, que dis-je de la ville entière et alors adieu ma carrière. Les voyous ne me respecteront plus. Je vois déjà d’ici les gros titres sur les journaux : « DEUX INSPECTEURS ONT TENTÉ DE DÉMAMBRER UNE SECTE SATANIQUE. Mais ce n’était que des jeunes en mal de sensations fortes qui rodaient la nuit dans une maison abandonnée. »

— Bon, tu as fini ? Je crois… JE CROIS… Laisse-moi parler putain !

— Très bien.

— Je crois que nous les aurons, nous les surprendrons la main dans le sac.

— Tu penses que les filles sont là-bas ? C’est ça ?

— Oui et beaucoup plus.

— Mais Rachel, il n’y a rien là-bas à part peut-être quelques ombres du passé et quelques vestiges.

— Oui, je sais, deux tables d’opération rouillées et des cellules éventrées, mais ça, tu l’as déjà dit. Écoute, la petite Liotta va bientôt sortir de l’école, je veux l’attraper avant que le minibus ne l’emporte. Tu n’as qu’à venir avec moi, nous la raccompagnerons avec ta voiture.

— Comme tu veux Rachel, je me rends. Je capitule devant autant d’opiniâtreté.

— Karl, je vais monter dans ma chambre, je n’ai pas eu l’occasion de m’y rendre depuis notre arrivée. J’ai besoin de me rafraîchir et de me remettre les idées claires.

— Très bien, mais ne tarde pas trop, la sortie de l’école c’est dans trois quarts d’heure. Moi de mon côté, je vais m’acheter des clopes, je n’en ai plus.

— Tiens, prends les miennes.

— Tu fumes des Pals Mall ! Beurk, j’ai horreur du tabac blond, je préfère mes Gitanes, ça, ce sont des cigarettes de mec.

— Bein, tu parles, et quel mec !


Nos regards se croisent, ils se lient dans un échange troublant, je suis émue. Il ne me regarde plus comme d’habitude, il me contemple. Nous restons immobiles pendant de longues secondes qui semblent des heures. Il baisse les yeux, il racle sa gorge, je sens en moi, une bouffée de chaleur remonter jusqu’à mon visage. Puis je romps le silence gênant. Putain que nous arrive-t-il ?


— Bon eh bien j’y vais, je monte, je…


Il sourit, son regard de chien battu à la Bogart me fait fondre, il me traverse, il transperce mon petit cœur d’artichaut. Il met le feu en moi, des frissons électriques vibrent dans mon entre-jambe, il fait chaud dans mes petites lèvres. Des frissons parcourent mon dos, mon crâne, mes bras puis retournent d’où ils provenaient. Tout à coup, je sens dans tout mon être, mes os craquer, c’est dans mes mains, dans mon crâne. Oh merde ! Ce n’est pas la même chose, je dois fuir vers le premier étage. Subitement, je quitte le hall de réception, je m’échappe, je vole, je me précipite vers la montée d’escalier. J’arrive devant la porte, je cherche fébrilement avec la clef, la serrure de ma porte de chambre. Il fait sombre, un ballon roule et heurte ma cheville gauche. Je tourne machinalement la tête vers ma gauche. Un petit garçon m’observe, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, il lâche un terrible cri strident et court vers le fond du couloir qui dessert les chambres. Je parviens à pénétrer dans ma chambre et à refermer précipitamment la porte. J’entends le petit garçon, tout apeuré, rapporter à sa mère ce qu’il a vu, une dame se transformer en monstre. Sa mère tente de le consoler, mais en vain. Elle tape alors à ma porte, en disant à son petit garçon qu’elle va lui montrer qu’il n’y a pas de monstres qu’ils ne sont qu’au cinéma, qu’ils n’existent pas.

.

— TOC-TOC-TOC ! Madame ! Madame ? S’il vous plaît, pouvez-vous m’ouvrir ? Tu vas voir mon chéri, la dame est normale, mais reste là bon sang, ne tire pas ma main.

— Maman ! Maman, je t’en prie, viens, ne restons pas là, elle est horrible je te dis !


J’entends l’enfant piquer une crise de nerfs, il pleure et lâche un râle de plainte, sa voix se transforme en supplication.


— Mam, te-plait, te plait Man, n’ouvre pas cette porte.

— Mais enfin Antony, ne te mets pas dans cet état-là, mais que t’arrive-t-il ? Je ne t’ai jamais vu ainsi. Nous allons tirer cette affaire au clair, maman va te montrer qu’il n’y a pas de monstre, c’est le fruit de ton imagination.


Je pousse précipitamment la targette lorsque la poignée commence à tourner lentement pendant que le petit garçon continue à supplier sa mère de ne pas ouvrir la porte. Elle la tourne et retourne brutalement, des poussées vives s’effectuent sur le battant, elles deviennent de plus en plus violentes.


— Ouvrez bon sang ! Je sais que vous êtes derrière la porte, qui que vous soyez, vous avez fait peur à mon enfant, si vous n’ouvrez pas, je vais défoncer cette porte !


Mon cœur palpite, j’entends ses battements dans ma tête, mes os craquent de plus belle, ma transformation s’achève. Je sens la peur et la panique de la mère et de son enfant. Je me recule peu à peu, la porte continue d’être secouée, la targette va peut-être lâcher ?

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23 commentaires

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Que va-t-il se passer ? On le saura au prochain chapitre, je pense.

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Ça monte en pression dans tous les sens du terme et dans tous les mondes ! Et ça craque aussi ! Wahouh quel chapitre explosif !😜👍

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Ma Véronique, oui, en effet ça craque, ça se désagrège, ça s'effrite pour laisser découvrir la vérité, la terrible révélation .Notre réalité va laisser sa place à l'autre réalité celle qui était caché derrière le rideau de nos préjugés. Bises😍😊😉

Lyaminh

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Il y a 4 ans

Olala si Rachel est découverte ainsi, l'incident va être répété à Karl, et adieu la petite excursion au manoir... 😱😱😱

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Tu as une petite longueur d'avance sur les autres, j'ai pratiquement terminé de te lire, je vais aller sur ton espace pour te dire ce que j'en pense. A toute à l'heure Lyaminh 😉

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

Qui va avoir raison, de Karl avec ses doutes ou de Rachel avec ses certitudes.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Ahahah, devine, à ce stade de l'histoire, tout est déjà écris, je veux dire dans le destin de ces deux êtres. Je ne peux t'en dire plus, il me faudrait 20 lignes et de plus je casserais le plaisir de la découverte. Mais vivement le déblocage des autres chapitres😉
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