Fyctia
Rendez-vous avec le destin.
— Vous délirez ma pauvre Rachel, vous voyez bien que vous imaginez tout cela. Je suis votre médecin depuis six ans et vous pensez que je ferais partie de la société des Dragons Noirs ! Vous êtes en plein délire, reprenez-vous bon sang ! Je suis votre amie Rachel, je ne veux que votre bien. Croyez-moi, je vous en conjure.
— Au téléphone, vous m’avez dit que vous n’étiez pas mon amie docteur, mais mon médecin. Vous rappelez-vous ?
— Oui, je l’ai dit Rachel, mais c’était pour vous faire réagir, pour…
— Et puis, d’où sortez-vous cette histoire de société des Dragons Noirs ?
— Mais c’est vous qui m’en avez parlé Rachel, vous ne vous en souvenez pas ?
— Non docteur, je ne vous ai à aucun moment parlé de secte du Dragon Noir.
— Mais si ! Je ne sais pas… vous m’en avez parlé lors de nos entretiens dans le passé.
— Ce n’est pas possible docteur Clément, je n’ai connu l’existence de ce signe qu’hier et encore, je ne savais pas qu’il représentait une secte, mais seulement un signe de ralliement de deux fous. Ce n’est qu’à l’instant chez les Duchêne que j’ai réalisé que… qui êtes-vous docteur ?
Je la saisis par le bras, je la serre.
— Mais lâchez-moi, vous me faites mal, bon sang !
Les trois types font à nouveau mine d’avancer vers moi. Je les fixe intensément et je pousse le docteur devant moi, ils reculent. Dans le brouhaha des gens qui discutent dans le restaurant, curieusement personne ne remarque le malaise de l’instant. Je lâche le bras du docteur en l’expulsant sur le trottoir. Elle manque de faire une chute, un de ses « gardes du corps » la retient in extrémiste. Elle se tourne pour me fixer d’un regard luisant d’un rouge incandescent, sa bouche se déforme, son visage se décrépit.
— Tu ne perds rien pour attendre petite. Tu as rendez-vous avec ton destin.
Les trois autres infirmiers psychiatriques ont pris forme, des caricatures d’humains, des choses horribles et répugnantes, de formes noires, des parties se détachant. Ils arrivent, ils sont parmi nous.
— Je sais qui vous êtes désormais docteur, vous et vos acolytes vous ne m’impressionnez pas.
— Tu vas mourir petite, et personne ne viendra à ton secours. Ici, personne ne te croira, et tu passeras pour une folle. De l’autre côté, ils ne pourront pas te venir en aide. Les Écorcheurs ont tout prévu, ils sont intouchables ni tes sœurs damnées ni les gardiens du seuil ni les Artrides et leurs ridicules Dantasques ne pourront nous atteindre.
La folle est interrompue par la voix de Karl :
— Rachel ? Eh Rachel.
— Oui Karl.
— Que fais-tu, plantée sur le seuil de l’entrée ?
J’observe le docteur Clément monter dans une DS noire accompagnée des trois individus qui me sourient. La voiture démarre puis s’élance en trombe faisant crisser ses pneus.
— Tu connais ces gens-là ?
— Non pas du tout, qu’est-ce qui te fait penser ça ?
— Je ne sais pas, tu les fixais et ils en faisaient de même. Tu as peut-être des soupçons ? C’est cela ?
— Mais pas du tout ! Viens, allons manger, j’ai une faim de « loup ».
Nous nous mettons à rire, il me regarde du coin de l’œil, je lui assène un coup de coude.
Nous prenons la table que le docteur Clément vient de libérer, ou plutôt de celle d’où je l’ai éjecté. Quelle salope, quel monstre sournois !
— Bon, Rachel appelons notre serveuse préférée, celle qui met des « CH » dans toutes les phrases.
— Il n’empêche Karl, qu’elle est mignonne la soubrette.
— Oui, quand elle n’ouvre pas la bouche.
— Avoue qu’elle a un joli petit cul, tu te la ferais bien n’est-ce pas ?
— Mais sois sérieuse Rachel, elle a tout juste 20 ans cette petite, elle pourrait être ma fille.
— Ah, nous y voilà avec tes principes de la vieille bourgeoisie, les choses convenues et convenables.
— Mais non pas du tout, je t’assure qu’elle est trop jeune. J’aurais l’impression de coucher avec ma propre fille.
— Mais qu’est-ce que tu racontes, tu n’en as pas de fille, tu n’as pas d’enfants du tout.
— Ça n’empêche rien.
— Mais si tu n’avais pas ces 44 ans fatidiques, tu lui boufferais son petit cul.
— Mais qu’est-ce que c’est cette expression ? Ce n’est pas digne d’une jeune femme comme toi, si charmante et si bien élevée.
— Qu’en sais-tu si je suis bien élevée ?
— Je le suppose.
Karl ouvre la carte et étudie ou fait semblant d’étudier la carte, je le sens gêné, il est choux, je l’ai déstabilisé. Oh Karl ! Si je pouvais te dire tout ce qui me passe par la tête, tout ce que je désire de la vie, de toi, je te dirais de me bouffer le cul. Oh oui Karl… passe ta bouche et ta langue par devant, par derrière, retourne-moi puis continue, je suis à toi, je suis ta chose, tourne et retourne-moi à nouveau, et encore… pénètre-moi doucement encore un peu… ouiii, enfonce tout, au plus profond que je te sente bien.
— Oui, c’est bon !
— Pardon ?
— Oui ?
— Tu disais quelque chose ? J’ai cru entendre que tu appréciais un plat en particulier ?
— Ah oui, c’est exact, la langue de veau à la sauce gribiche.
— Ah bon ? Tu aimes la langue, toi ?
— Bein oui, pour quelle raison n’aimerais-je pas la langue de veau à la sauce machin truc ?
— Ah je ne sais pas moi ! Si tu aimes, tant mieux pour toi. Eh bien, je vais prendre comme toi, « deux langues de veau à la sauce de biche ».
Je pouffe de rire, je sais qu’il l’a fait exprès.
— Ce sont les seules langues qui ne parlent pas, me dit-il, je lui réponds.
— Oui, ce sont des langues mortes.
— Oh Mademoiselle fait de l’esprit !
La serveuse arrive.
— Bonjour M'sieur-Dame, qu’ech’que je vous cherre ?
Nous nous regardons, nous avons du mal à nous contenir. Elle nous observe un sourire accroché au visage, l’air ravi, du rouge à lèvres décore ses incisives.
— Excusez-nous, Mademoiselle, c’est ma collègue qui fait le pitre de service.
— Ch’n’est pas grave, ch’est bien de ch’amuser vous chavez ?
— Oh, je n’en doute pas un seul instant Mademoiselle.
— Che choir, le patron et la patronne organisent un bal, chi cha vous dit, je n’ai pas de cavalier.
Karl reste surpris, il me regarde les yeux écarquillés, l’air éberlué. La jeune servante rougit et mâchonne son crayon en se dandinant.
— Eh bien Karl, qu’attends-tu pour dire oui, d’autant Mademoiselle que vous êtes mignonne.
— Merchi Mademoiselle l’inchpectriche.
Un nouveau fou rire nous saisit, mais Karl qui essaie de garder son calme reprend :
— Bon Mademoiselle, nous allons vous prendre la commande, sinon ce soir nous y sommes encore, nous avons choisi deux langues de veau sauce gribiche.
— Ch’est bon la langue de veau, le patron la cuisine très bien.
— Je n’en doute pas, Mademoiselle, voilà, voilà.
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Judith | Fyctia
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Véronique Rivat
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Lyaminh
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