Fyctia
La conscience révélée.
La colère monte en moi, elles commencent alors à se dissoudre, me pénétrant. Je ressens un plaisir, un sentiment de bien-être puis elles se dissocient à nouveau de moi pour courir sur le plafond de la galerie.
— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Je n’ai rien fait, c’est vous.
— Ne sois pas stupide Rachel, tu sais très bien que ça n’a aucune espèce d’importance que tu aies été présente ou non au moment de la chose. Tu es lâche, tu ne veux pas assumer tes actes. Là est le problème.
— Qui êtes-vous, allez-vous me le dire à la fin ?
— Nous sommes toi, des parties de toi. Tu as été l’une d’entre-nous, mais tu as oublié.
Je ne comprends absolument rien de ces propos qui ressemblent à une révélation, leur image se précise, elles m’apparaissent nettement. Je vois de jeunes femmes à peine revêtues, les cheveux noirs et longs, au corps de déesse, dont l’apparence bien qu’agréable dégage une sorte de respect et de crainte, quelque chose d’indéfinissable entre l’émerveillement, l’angoisse et l’appréhension. Elles se figent devant moi, cambrées sur leurs longues jambes, elles m’observent d’un regard intense, je comprends ce qu’elles sont, des insoumises, des rebelles. Derrière elles, bien au-delà, sortant de terre, s’élèvent et se dressent de puissantes et épaisses murailles formant un labyrinthe, plus loin encore sur une hauteur ressemblant à une butte, ce terrible manoir, austère et lugubre, planté de ses tours effilées se terminant par un cône pointu. Les dames se tournent pour observer ce qui a attiré mon regard.
— Tu regardes la maison des écorcheurs ? C’est l’image de tes préoccupations qui t’est apparue, l’objet de ton enquête. Ils sont deux, ils opèrent par deux, ils ont trouvé le passage, ils peuvent les enlever dans ton monde de réalité et les ramener ici dans le monde Noir.
— Mais qui sont-ils ?
— Nous te l’avons dit, les écorcheurs. Ils vivaient dans ton monde, il y a de cela, quarante années de ton temps. Ils opéraient déjà ainsi à cette époque, enlevant de jeunes femmes pour les torturer, les violer et les tuer après des jours parfois des semaines interminables d’agonie. Ils pouvaient opérer impunément, car ils étaient des notables respectés. Ils sacrifiaient leurs victimes à des entités qu’ils avaient réveillées, semblables à eux. Tu ne peux les atteindre, car ils ont dressé autour de cette colline un labyrinthe inextricable. C’est l’incarnation de leurs propres tourments, une création de leur esprit. Si tu pénètres dans ses dédales, à jamais tu te perdras. Pour l’éternité, tu n’en sortiras.
— Mais que dois-je faire ? Je veux appréhender ces ordures.
— Y parvenir seule est impossible. Nous pouvons t’aider, mais seuls les Émissaires pourront te faire accéder dans les méandres de leur esprit.
— Les Émissaires ? Qui sont ces Émissaires, je ne comprends rien de tout ça !
Mon lit se met à vibrer puis il est aspiré en arrière d’où il provenait, une galerie défile alors à grande vitesse. Je me retrouve sur l’esplanade pavée, ma chambre se reconstitue, les murs puis le plafond se recomposent pour finir d’effacer le paysage du Monde Noir.
*
Le réveil sonne, son alarme désagréable me traverse l’esprit. J’ouvre les yeux, la pluie a cessé, entre les tentures la clarté du jour se pose dans ma pièce. Il est sept heures trente. Je reste pensive, je me remémore les scènes qui semblaient si réelles, si intenses. J’ai du mal à croire que ce n’était qu’un rêve, plutôt un cauchemar, ça oui. Mais alors, si ce n’était ni ceci ni cela qu’est-ce ? Puis j’entends taper à la porte, ça tambourine.
— Rachel, Rachel putain vous voulez bien répondre, vous vous êtes endormies ? Il est plus de neuf heures bon sang !
Je n’ai pas vu le temps passer, il y a un instant, il était sept heures trente, je n’y comprends rien. Je me lève précipitamment, puis j’ouvre la porte après l’avoir déverrouillée.
— Mais que se passe-t-il ? Qu’avez-vous à crier comme cela ?
— Vous avez vu l’heure qu’il est ?
— Oui bon ça va, donnez-moi un quart-heure, et je vous rejoins dans la salle à manger. Et cessez de me reluquer comme ça, on dirait que vous n’avez jamais vu une femme au lever du lit.
— C’est-à-dire inspecteur que je n’ai pas l’habitude de voir une femme sans culotte m’ouvrir sa porte.
— Oh putain ! Allez, foutez-moi le camp.
Je tire brusquement mon tricot vers le bas pour cacher mon entre-jambe et je referme précipitamment la porte. Je suis confuse, si je pouvais me cacher, me faire petite, je suis gênée, embarrassée. Je prends rapidement une douche, mal séchée, je m’habille, je me regarde à la glace. Mon Dieu que j’ai une sale gueule ! Je me saisis de mon ceinturon où est attaché mon flingue dans son étui. Je me l’attache tout en dévalant rapidement les marches de l’escalier pour rejoindre l’inspecteur Roland assis sur une table, sur laquelle il y a son bol de café au lait entamé et des miettes de pain qui parsèment la nappe. Il relit studieusement le rapport qu’il complète avec son stylo encre. Je m’assois sans un mot, je m’empare de la cafetière pour remplir mon bol puis je me saisis d’un pain que je coupe sur sa longueur pour le tartiner de beurre. Je le trempe pour ensuite le dévorer goulûment. Roland m’observe avec insistance. Je cesse de mâcher un court instant. Je me sens mal à l’aise.
— Quoi ? Qu’echque vous javez à me regarder ainchi ?
— Vous êtes habillée cette fois-ci ?
— Ché bon, inchpecteur, lâchez-moi un peu.
— Ça va ne vous fâchez pas, je vous charrie c’est tout. Et puis essuyez-vous, là, vous avez des miettes collées sur le côté de vos lèvres. Tenez, regardez cette carte de la région, vous voyez dans le hameau du pas du Diable, c’est là que la première adolescente s’est faite enlever, il y a maintenant 17 jours. Elle s’appelle Carmen Emmanuelli Domingos, elle a… elle aura 17 ans en mai.
— C’est quoi comme origine ? Espagnol ?
— Non pas du tout, c’est portugais, une famille qui s’est installée en 1952. Voilà la photo de la jeune fille. Non ce que je souhaite vous montrer c’est que les sites d’enlèvements s’éloignent régulièrement mais sûrement du premier lieu où s’est produit le premier enlèvement. Vous voyez ? J’ai entouré chaque position par un feutre rouge pour qu’ils ressortent bien. Le type procède comme un prédateur. Il s’éloigne de l’épicentre au fur et à mesure qu’il s’empare d’une nouvelle proie, ça forme une sorte de spirale. C’est curieux ne trouvez-vous pas ?
— Et l’épicentre pourrait-être. Euh, voyons voir, par là.
Rachel pose son index sur un point de la carte. Puis le retire légèrement pour créer une forme de mouvement en rotation, suivant les emplacements relevés à l’encre rouge.
— Enfin dans ce secteur-là. Ce qui nous donne voyons voir...un rayon de 3 à 4 km.
— Ce qui revient à dire que cela représente un territoire circulaire de 6 à 8 km ce qui somme toute n’est pas négligeable, si l’on rentre en compte que c’est une zone marécageuse et donc difficile d’accès.
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Lyaminh
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
chocotean
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Sissy Batzy
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans