Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. La conscience révélée.

La conscience révélée.

— Inspecteur Roland, nous avons de la chance de ne pas nous trouver à enquêter dans Paris, vous imaginez si nous avions dû visiter toutes les habitations. Ici, les maisons sont éparpillées, après tout cela représente peut-être une trentaine de maisons ? Et puis si l’on compte les habitations trop petites à retirer de nos investigations, il ne nous reste pas grand-chose à visiter.

— Quelle nouvelle lubie Benvenuti, voilà que maintenant vous voulez soustraire les petites habitations de nos investigations ?

— Inspecteur Roland, ces types les enlèvent, mais pas pour les tuer de suite, comprenez-vous ? Ce sont des maniaques, des obsédés, ils aiment torturer, puis violer, ils ont besoin de posséder, de dominer. Pour cela, il convient d’habiter une grande demeure, un château, une maison de Maître, enfin je ne sais pas moi, de l’espace avec une grande cave pour ne pas attirer l’attention.

— D’où vous me sortez cette analyse Benvenuti ? Vous en arrivez à une telle déduction par quelle théorie d’école ? Et puis que signifie, « ils » voilà qu’ils sont deux maintenant ? Depuis quand ? Depuis cette nuit, vous l’avez rêvé ?

— Vous ne pensez pas si bien dire inspecteur Roland. Non sérieusement, il faut bien partir de quelque chose, c’est vous qui l’avez dit hier soir. Puisque nous n’avons aucun indice. Alors pourquoi pas ma théorie ? Celle-ci ou une autre.

— Oui, vous avez raison Benvenuti. Vous, au moins vous avez une idée moi, je n’en ai pas, c’est le vide sidéral, il faut dire que ce pays me déprime. Il y a comme une ambiance lourde, quelque chose de malsain. Comme si nous étions constamment observés voyez-vous ?

— Oui, je vois, mais ici rien n’est vraiment normal, et puis les gens nous perçoivent comme des étrangers et dans la campagne reculée même si nous ne sommes pas des extra-terrestres c’est tout comme.

— Non, ce n’est pas de l’état d’esprit des paysans dont je veux parler, bien sûr il y a toujours cette méfiance sur les gens de la ville, mais de cette atmosphère qui flotte partout comme si nous étions épiés. Non, mais laissez tomber Benvenuti, vous allez me prendre pour un original.

— Non, ne croyez pas ça, je vous comprends, je ressens un peu la même chose, mais c’est normal, ici tout est lugubre, c’est gris, les maisons sont grises, le ciel est gris, les gens sont taciturnes, il y pleut constamment, pas étonnant que nous trouvions que le milieu ambiant soit lourd. Même le chat est gris !

Nous éclatons de rire. La jeune Benvenuti pose son index sur sa bouche en faisant un signe pour dire d’êtres plus discrets tout en essayant de réprimer un fou rire incontrôlable.

— C’est comme l’hôtelier on croirait Igor le valet de chambre de la famille Adams ! Ce n’est pas un front qu’il possède, mais une ogive.

Et nous repartons de plus belle d’un éclat de rire, c’est horrible, je ne peux refréner les soubresauts de fous rires qui me provoquent un hoquet.

— Bouuhh ! Je suis le monstre de Frankenstein.


Et je me mets à mimer la créature, louchant des yeux et déformant ma bouche en avançant ma mâchoire inférieure vers l’avant, puis sortant à demi ma langue et je dresse mes bras en tordant mes mains. Nous reprenons de nouveau nos éclats de rires, saisis de spasmes, il semble que nous soyons atteints d’une folie collective. La tension nerveuse de ces dernières vingt-quatre heures, la pression des événements ont produit ce relâchement.


— Mais que nous arrive-t-il ?

— C’est la pression nerveuse, le climat qui finit par être obsédant alors nous nous lâchons. Il n’y a pas de mal, Igor comprendra.

— Je ne pense pas qu’Igor puisse penser à quoi que ce soit.

— Ah, là tu es méchante.

— On se tutoie ?

— Bien, oui si ça ne te dérange pas.

— Non, ça ne me dérange pas, brisons la glace, on en aura besoin, je pense que ce n’est pas une mince affaire, nous allons avoir du fil à retordre.

— Oui, je le sens bien comme ça.


Nous quittons l’hôtel pour nous rendre à la gendarmerie avant de commencer nos investigations comme il était convenu la veille. Deux gendarmes doivent nous accompagner. Karl me présente au commandant Dufour qui n’avait pas eu encore l’occasion de faire ma connaissance.


— Inspecteur Roland vous m’aviez caché que vous recrutiez de charmantes personnes dans la police. Enchanté mademoiselle de faire votre connaissance.

— Je préfère inspecteur Benvenuti si cela ne vous dérange pas commandant.

— Oui bien entendu, je vous prie de m’excuser inspecteur. Bon, je vous remets entre les mains des maréchaux des logis Grosjean et Créspau. Ils connaissent bien toute la région, ils sont nés ici alors vous comprenez. Ils vous feront une excellente introduction auprès des habitants, cela vous facilitera la tâche.


Les deux gendarmes se présentent et nous saluent d’une manière martiale. Grosjean porte bien son nom, il a un embonpoint avec une grosse moustache noire qui redescend de part et d’autre de ses lèvres. Il a un air de Dario Moreno, ses sourcils en bataille et son air débonnaire le rendent sympathique. L’autre est maigre, le visage osseux, des pommettes saillantes, des cheveux blonds, des yeux cernés de paupières lourdes, des poches importantes et une moustache mal taillée. Ils nous précèdent poliment en nous ouvrant les portières arrière de leur 404 break. La pluie a repris, on entend les gouttes frapper le toit de la voiture et le pare-brise sont tant inondé d’eau que les essuie-glaces ne parviennent pas à donner suffisamment de visibilité. Nous roulons à peine à 50 km/h, je fixe le tableau de bord et son long compteur de vitesse.

Nous nous rendons chez la famille Emmanuelli Domingos dont Carmen est le point de départ de notre enquête. On voit à peine la route, tant il y a d’eau sur la chaussée puis nous abordons un secteur qui semble être recouvert lui aussi d’une vaste étendue d’eau.


— Il faut être prudent, car le moindre écart de route et on va tout droit prendre un bain dans les étangs gonflés d’eau. La chaussée est très glissante, il faut faire attention de ne pas faire un aqua-planning !, nous dit le maréchal des logis Grosjean assis devant à droite.

— Mais ne vous inquiétez pas Créspau s’en sort très bien. N’est-ce pas Jean que tu t’en sors très bien ?

— Bein, y a 15 ans j’étais dans l’armée de de Lattre, j’ai combattu dans les Vosges puis j’ai fait l’Allemagne. Cette année-là, nous avions eu un hiver épouvantable, avec de la neige et un blizzard ! Je ne vous raconte pas. On n’y voyait pas à dix pas. Il fallait le piloter le GMC, moi je vous le dis alors cette petite pluie ne m’impressionne pas.


Mais mon collègue, l’inspecteur Rolland n’est pas très rassuré.


— Oui et bien nous ne sommes pas en décembre 44, mais en février 60 et regardez devant vous mon vieux, car cette savonnette n’est pas un GMC. Dites ce que vous savez de cette famille ?

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23 commentaires

Gabriele VICTOIRE

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Il y a 4 ans

Ces premiers chapitres sombres m'emmènent dans la "folie" de Rachel. Sa souffrance que tu nous livres a travers ces cauchemars est très palpable, voire suffocante. Ses souvenirs me font mal, bravo tu réussis à nous faire empathir avec elle ! L'enquête semble se diriger vers ces traumas personnels donc ce parallèle entre réalité et reves est intriguant et me plaît bcp. Rachel flotte dans sa vie comme elle vit dans ses rêves, entre deux mondes prenants et guère réjouissants. Lambiance thriller est bien présente, suffocante même. Je me surprends à être en apnée comme devant un film a suspens 😉

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Ah ma petite Gabriéle, comment vas-tu? Tu as terminée enfin le texte de ton concours, tu dois te sentir soulagée. Pour cette histoire, oui, je l'admet, c'est assez lourd, suffoquant est le terme aussi. Mon travail dans cette histoire, consistait à maintenir le lecteur sous pression et dans le doute. Bonne suite pour la lecture des Anachorètes, à ne pas lire seule et la nuit tombée😉😊🤗😶

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Que ça fait du bien de s'éclater (de rire) ! les tensions s'effacent un peu

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Pour Boris Karloff? Oui 😁

Elsa Camp

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Il y a 4 ans

Lecture sur les conseils d'une amie. J'avais pas liké et partagé je répare mon erreur.

Rose Lb

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Il y a 4 ans

un fou rire bienvenu avant le sérieux et un commandant un peu trop ancré à son époque...

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

Les deux inspecteurs de police commencent à briser la glace et à devenir complices. Tant mieux, il le faudra pour mener à bien cette enquête qui s'annonce tordue.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Oui, et peu à peu, le rideau va se déchirer pour découvrir l'innommable.
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