Fyctia
Des croyances vivaces.
— Je vais enquêter à travers toutes les habitations de la commune en interrogeant les personnes, j’imagine que ce ne sera pas facile, je sais que les gens parlent peu aux étrangers, j’aurais besoin de deux hommes de votre brigade pour nous accompagner ainsi j’aurai moins de difficulté pour m’introduire chez les habitants.
— Ça ne devrait pas poser de problème, vous aurez vos deux hommes, mais très franchement, ce ne sera pas une partie de plaisir. Le temps ne facilitera pas votre enquête. Et puis, vous débutez vos investigations à partir d’où ?
— Toutes les jeunes femmes qui ont été enlevées, habitaient à proximité des marécages, peut-être que le ravisseur habite également dans les environs ?
— Oui inspecteur, je vous suis, mais je vois bien que vous ne connaissez pas la région. La lande marécageuse s’étend sur plus de 3500 hectares. Elle est entrecoupée de terre-plein et de forêts, et c’est au milieu de tout ça que se trouvent éparpillés quatre hameaux et une centaine de maisons plus isolées. Il vous faudrait au moins un mois pour épurer tout le secteur. Et puis c’est actuellement dangereux de vous y engager, car à cause de la pluie incessante, le niveau de l’eau ne cesse de monter. Certaines routes sont barrées, car elles sont désormais impraticables et il est hors de question de quitter les routes, car il y a les sables mouvants. Des vaches ont été englouties dans ces nappes boueuses mortelles.
— Eh bien commandant je ne peux pas dire que vous m’encouragez.
— Je vous expose la situation inspecteur. Bienvenue en Sologne.
— Oui ça, je l’avais déjà compris depuis mon arrivée. J’ai pu goûter à un échantillon de l’hospitalité que peut m’offrir cette région.
— Vous savez, ici ce sont de braves gens, simples et travailleurs. Ils ont peur tout simplement. Dans la campagne profonde loin des grandes villes, la réalité est déformée, elle est renforcée par de solides croyances qui ont la peau dure.
***
L’inspecteur Roland s’est absenté une bonne heure, je commençais à m’impatienter lorsqu’enfin il me retrouve, nous dînons dans la petite salle du restaurant à la lueur des bougies et d’un feu de cheminée qui crépite. Il me rapporte les éléments de l’entretien avec le témoin et l’échange avec le commandant Dufour. Il me fait part de son intention d’enquêter directement chez les habitants qui résident dans le secteur où se sont produits les enlèvements.
— Nous allons devoir traverser des zones inondées. Nous devrons nous munir de bottes et d’un bon imperméable, mais si vous souhaitez rester à l’hôtel, je comprendrais. Vous pourrez vous occuper de taper les rapports.
— Inspecteur Roland, je n’ai pas passé mon diplôme d’inspecteur de la Crim pour être limitée au poste d’une simple secrétaire. Je suis une femme et j’en suis désolée pour vous. D’autre part, j’ai suivi un entraînement militaire, j’ai par conséquent une forme parfaite, je suis entraînée au combat de commando et je suis excellente dans le tir au pistolet. Alors, je voulais vous dire, ne me faites plus ça, plus jamais.
— De quoi voulez-vous parler ?
— Vous le savez très bien. Je suis compétente, ne vous fiez pas à mon jeune âge ni au fait que je sois une femme. Gardez votre mentalité de macho bien rangée dans une armoire. Si je vous reprends à me traiter encore comme une petite fille retardée, j’en référerais immédiatement auprès du préfet en personne.
— Du calme, ma chère consœur, je ne voulais pas vous offenser. J’ai juste pensé vous soulager d’une enquête qui s’effectuera dans des conditions difficiles.
— Eh bien, ne vous inquiétez plus pour moi, cela vous permettra de vous consacrer à notre enquête qui va s’avérer effectivement très difficile. Nous devons nous unir et ma formation vous sera très utile.
— Reçu cinq sur cinq. Dans ce cas, lisez le rapport et donnez-moi votre sentiment.
Je me penche studieusement sur les documents pendant que mon équipier m’observe tout en se restaurant, je détache mon regard des feuillets pour donner mon sentiment.
— C’est un obsédé sexuel ou encore frustré du sexe. Il a eu des rapports conflictuels avec sa mère sans doute une femme castratrice, peut-être un père dominateur et tyrannique ou encore absent. La mère a dû sans doute tromper le père ou dans tous les cas avoir eu des relations avec des hommes à la vue de l’enfant, qui a certainement été délaissé. Il habite dans les environs ou bien dans une commune voisine, mais pas très loin. Il connaît en tous les cas très bien la région.
— Et vous avez trouvé tous ces éléments comme çà toute seule, sans même vous être penchée plus longuement sur les rapports ? Et qu’est-ce qui vous fait penser que le type est dans la région.
— Je n’ai pas besoin de me pencher plus longuement sur les rapports qui d’ailleurs ne racontent pas grand-chose et vous me l’avez très bien résumé. Pour le reste, réfléchissez une minute inspecteur, la région est dangereuse vous l’avez dit et le terrain est inondé à cause des précipitations incessantes. Il y a des endroits plus profonds et puis les sables mouvants que l’on ne voit plus. Alors le mec connaît très bien le secteur, car personne d’autre qu’une personne du cru ne pourrait évoluer sans s’y perdre. D’autre part, il doit être costaux parce que transporter un corps même celui d’une jeune femme sur plusieurs kilomètres de distance n’est pas facile et demande une certaine force, ne croyez-vous pas mon cher confrère ?
L’inspecteur Roland a écouté sans mot tout mon laïus, il n’en croit pas ses oreilles et reste bouche bée.
— Putain et vous n’êtes sortie que quatrième à l’examen national ? Moi je vous aurais…
— Oui, bon ça va inspecteur Roland, arrêtez votre baratin.
Il m’irrite de son air obséquieux, je lui réponds, agacée en tirant une cigarette de mon paquet posé sur la table.
— Non, non, je suis très sérieux, n’y voyez là aucune ironie. Gageons que vous ne vous êtes pas fourvoyée. De toute façon, je n’ai aucun indice, alors il va falloir débuter par quelque chose.
— Demain nous n’avons qu’à commencer par le lieu où la première victime a disparu, car il est possible qu’il ait commencé timidement. Je veux dire à proximité de son habitation puis encouragé par un premier succès, il s’est enhardi de plus belle et a étendu son rayon d’action. Je pense que c’est une habitation plutôt isolée et peut-être assez imposante. Un genre de maison de Maître, un manoir si vous voulez.
— Pour quelle raison pensez-vous que ce type vivrait dans une maison de Maître ?
— Je pense qu’il doit être isolé, le type vit seul. Il doit être originaire d’une famille bourgeoise, un milieu aisé, parce qu’il est sophistiqué. D’abord, il les enlève pour les ramener ensuite chez lui, de cette manière, il peut s’affairer tranquillement à ses fantasmes.
— Vous pensez qu’il les torture ? Ou encore qu’il abuse d’elles ?
— Ou bien les deux à la fois. Je ne sais pas s’il les a déjà tués ou dans tous les cas s’il veut le faire, il ne l’a pas encore fait. Il veut encore en profiter, c’est peut-être un jouisseur.
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Léoneplomb
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Jean-Marc-Nicolas.G
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