Fyctia
Des croyances vivaces.
Les magazines à sensation raffolent de ces affaires mystérieuses et s’il y a matière à faire frémir la ménagère à son domicile alors pour quelle raison s’en priveraient-ils ? Roland s’apprête à se rendre à la gendarmerie pour se présenter et prendre connaissance des derniers rapports. Il me dit de rester à l’hôtel car il n’a pas besoin de moi, il demande à l’hôtelier s’il peut lui emprunter un parapluie. Je pense qu’il ne tient pas à se présenter accompagné d’une jeune femme, il craint de perdre toute crédibilité à l’égard des militaires, j’en suis presque certaine. Je le laisse partir, je l’observe. Il s’arrête sur le seuil de la porte d’entrée de l’hôtel, il regarde le ciel gris, il fronce les sourcils car il reçoit une multitude de gouttes de pluie froide sur le visage. Sur la route déferle un ruisseau d’eau qui a largement dépassé le simple caniveau. Il doit penser qu’il va se tremper les pieds jusqu’aux genoux et que ce soir, il sera quitte pour un rhume carabiné. L’averse claque sur son parapluie, il faut se lancer, quel pays quand même ! L’hôtelier lui a dit que ce temps pourri est comme ça depuis deux semaines. Parfois, la pluie cesse quelques jours mais le ciel demeure gris et bas c’est triste tout de même. Par l’une des fenêtres du bar restaurant, je l’observe traverser la place du village.
Il arrive tant bien que mal jusqu’à la gendarmerie, déjà trempé, pourtant distante que de quelques dizaines de mètres.
***
Il est 17 heures 30 le capitaine Dufour vient de s’absenter pour se rendre chez la famille Bremond et se rendre compte de la situation. Au dire du maréchal des logis Pics, l’homme assis dans la pièce voisine vient de déclarer qu’il a été témoin de l’enlèvement de la fille de cette famille mais comme le vieux Raoul « picole » assez souvent et en grande quantité, le capitaine est demeuré dubitatif. L’inspecteur Roland demande à interroger le paysan en attendant le retour du capitaine. Le maréchal des logis l’introduit dans la pièce où se trouve le soi-disant témoin qui semble perdu dans ses pensées, amorphe.
— Bonsoir monsieur, inspecteur Karl Roland de la criminelle à Paris. J’aimerais vous interroger sur ce que vous avez vu cet après-midi.
— Bein, chè com j’l’ai dit au capitaine, j’rentrais les vaches, il faisait Bein quat'heure et d'mi quand j’ai entendu des cris, c’étaient ceux de la Rosine, la fille Bremond. Y avait de la forte brume mais j’l’ai vu de mes yeux vus. J’ai eu beau crié, qu’ça l’a pas arrêté !
— Mais vous étiez à quelle distance ?
— Oh com d’là à d’l’autre côté de la place !
— Mais ça fait bien une cinquantaine de mètres, vous êtes sûr que c’était la fille des Bremond ?
— Ah bein pour sûr, j’la connais ben la sauvageonne, depuis qu’elle est au berceau. J’ai reconnu sa voix, pour sûr, c’tait bien la sienne.
— Et vous n’avez pu rien faire ?
— Il était à cinquante mèt's, j’vous dis entre nous et les marécages ! J’m’y aventurerais pas, j’ai déjà perdu deux vaches, la poisse boueuse m'les a englouties com' un rien en que'ques minutes, hop ! Comme ça !, le vieux Raoul claque du pouce pour mimer les faits.
— Et il avait l’air de quoi ce type ?
— Bein, dlà où j'me trouvais, j’pouvais pas ben reluquer. Mais c’tait un grand, moi j’vous l’dit
— Donc si vous le croisiez, vous ne le reconnaîtriez pas ?
— Ah ça non ! Pour sûr !
Au cours de l’interrogatoire, le vieil homme semble apeuré avec des yeux exorbités et ses pupilles dilatées. Il a de la salive sur les commissures des lèvres et empeste le tabac à deux sous. Après être sorti de la pièce, l’inspecteur Roland reste planté au milieu de l’accueil de la gendarmerie, pensif. Mais pour quelle raison ce type avait-il aussi peur ? On lui indique, à sa demande, un bureau inoccupé et mal éclairé pour qu’il puisse se pencher sur le dossier. Il s’y dirige, lorsqu'il arrive devant l’entrée, il sursaute à cause d’un éclair qui traverse le ciel, suivi d’une seconde plus tard d’un tonnerre fracassant, celui-ci fait trembler tout le bâtiment. Il entend un jeune brigadier dire.
— Tiens, il n’est pas passé loin celui-là.
Tous les enlèvements ont un point commun, il s’agit de jeunes femmes dont l’âge est compris entre 18 et 24 ans, ces enlèvements se sont produits dans un secteur englobant trois communes limitrophes. Un autre éclair suivi d’un fracas fait sauter le disjoncteur, plongeant toute la gendarmerie dans la nuit. On s’active alors en essayant de remettre l’électricité pendant qu’un brigadier remet une torche à l’inspecteur Roland.
— Prenez cette torche inspecteur, l’électricité risque de ne pas revenir avant un petit moment. Henri ? Qu’est-ce que ça donne ?
— Bein rien, le disjoncteur général a sauté et de toute manière. C’est une panne de secteur, regarde dehors les lampadaires sont également éteints.
Putain de pays où il y pleut constamment et de plus, enclin à de fréquentes pannes d’électricité. J’ai l’impression de vivre au siècle dernier. Un véhicule se fait entendre, c’est la 403 break du commandant Dufour qui arrive. Les trois gendarmes qui en sortent, sont trempés, à peine rentrés dans le vestibule de la gendarmerie, ils secouent leur képi et leur imperméable, après les avoir retirés.
— Que s’est-il passé ici ? Nous avons eu une panne de courant ?
— Oui mon commandant, il y a un inspecteur de la Crim de Paris qui est arrivé cet après-midi. Il est dans le bureau de Jean-Paul.
Les deux hommes se serrent la main.
— Bonsoir inspecteur. Je suis le commandant Dufour.
— Inspecteur Roland de la Crim de Paris.
— Je suis désolé de vous recevoir dans ces conditions inspecteur, la pluie encore la pluie, toujours la pluie. De plus, nous subissons une panne générale d’électricité. Alors ? Vous étudiez notre rapport concernant la disparition de ces jeunes filles ?
— Oui commandant, mais en définitive, il n’y a pas grand-chose de plus que celui que vous nous avez fait parvenir au commissariat la semaine dernière.
— Effectivement, mis à part les nouvelles disparitions, il n’y a pas grand-chose de plus à en dire parce que nous n’avons pas de corps, aucun indice, rien, c’est le vide absolu. Elles ont disparu comme ça, évaporées dans l’atmosphère. Alors bien entendu, cette situation mystérieuse alimente les croyances déjà encore bien vivaces dans cette région reculée. La seule piste si je puis dire c’est le vieux Raoul qui a vu quelque chose. Une silhouette à cinquante mètres, masquée par la brume des marécages et à la tombée de la nuit. Autrement dit...pas grand-chose.
— Ce Raoul, vous lui faites confiance ? Il boit ?
— Oui enfin, il boit comme tous les gens d’ici, dans cette région. Il y fait froid et humide dix mois par ans. Ils font un rude travail pour la plupart d’entre eux, par conséquent le vin fait partie des habitudes locales et puis cet homme n’est pas un mythomane, je le connais bien. Habituellement, il n’est pas très prolixe. C’est un taiseux si vous voulez. Or, cette histoire l’a beaucoup affecté. Que comptez-vous faire inspecteur ?
15 commentaires
Léoneplomb
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Il y a 4 ans
Rose Lb
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Ashley Moon
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
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Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Sissy Batzy
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Il y a 4 ans
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Il y a 4 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 ans