Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. Enquête en Sologne.

Enquête en Sologne.

Le réveil sonne, il est bruyant, c’est un vieux réveil, il paraît qu’il était à mon paternel. C’est l’un des rares objets que j’ai conservé depuis mon internat. Quant à mon père, je ne l’ai jamais vu, peut-être une invention de ma mère pour me consoler de ne pas en avoir ? Je ne sais pas, ça n’a pas d’importance après tout puisqu’elle est morte à son tour. Je me lève péniblement, je reste assise sur le bord de mon lit, pensive, les scènes du Monde Noir repassent en boucle, ce qu’il m’en reste me laisse un arrière-goût morbide, un sentiment déplaisant, malsain, mêlé d’angoisses et d’appréhensions.


Bon, ce matin est le premier jour d’une enquête que l’on m’a confiée. Il s’agit de l’affaire des enlèvements des jeunes gamines en Sologne. C’est mon chef, le commissaire Chopard qui m’a ordonné de partir pour me rendre sur place avec l’inspecteur Karl Roland déjà un ancien, vingt ans de boîte. Un macho forcément et de plus Chopard le prive de son co-équipier Sauveur Chambrier, son frère d’armes, son copain adoré, son complice de toujours. Je sens que je vais en chier des ronds de cuir. Ouai, eh bien, il n’a pas intérêt de me chercher le Roland, sinon il va trouver à qui parler. J’ai une heure pour me préparer, il m’a dit hier soir au bureau qu’il passerait ce matin à huit heures pétantes ! Vite à la douche, et je vais devoir avaler un dentifrice complet tant mon haleine empeste le tabac froid. J’ai toujours fumé depuis mes 14 ans à l’internat.


***


Un soir, le vieux Raoul déboule à la gendarmerie pour rapporter ce à quoi il a assisté. L’homme est habituellement réputé pour être peu bavard et plutôt imperméable aux vieilles croyances. Mais cette fois-ci, il est bouleversé, il raconte avoir été le témoin de l’enlèvement de la jeune Rose. Il rentrait alors ses vaches lorsqu’il a entendu les appels déchirants et désespérés de la jeune femme. Il est formel, il a bien reconnu sa voix. Les gendarmes demeurent sceptiques, mais ils se décident néanmoins, par précaution, d’aller rendre visite aux Bremond pour vérifier si à tout hasard, la jeune femme ne serait pas finalement rentrée chez elle. Les Bremond habitent une propriété en bordure des marécages du grand heaume au nord du village. Arrivés chez eux, les gendarmes constatent effectivement que la jeune Rose n’est pas encore rentrée chez ses parents, mais il n’y a rien de bien inquiétant, car il arrive parfois qu’elle s’attarde chez sa copine Lucienne. La mère se signe en voyant arriver le véhicule de gendarmerie tous phares allumés malgré l’heure qui n’est pas encore tardive. Elle pense qu’ils viennent lui annoncer une mauvaise nouvelle.

La soirée arrive et toujours pas de Rose puis c’est toute la nuit que les parents de Rose vont passer, éveillés et inquiets. Un mauvais pressentiment commence à habiter l’esprit du capitaine de gendarmerie Roland Dufour. Ce serait la cinquième disparition depuis deux semaines. La préfecture décide d’envoyer deux enquêteurs de la police de Paris spécialisés dans les crimes sordides.


***


Ce mardi 10 février, nous arrivons enfin à Dhuizon, à l’hôtel des trois châteaux. À cause des précipitations, des inondations ont submergé les routes, nous avons été obligés de prendre des détours qui nous ont retardés. À peine arrivés, le réceptionniste fait part à l’inspecteur Roland qu’il doit rappeler le commissaire Chopard.


— Oui, allo ? Oui, passez-moi le commissariat du huitième s’il vous plait. Oui le commissariat du huitième ? C’est qui à l’appareil ? Ah c’est vous Thomas, ici c’est l’inspecteur Roland, le commissaire m’a demandé de l’appeler dès mon arrivée sur les lieux. Passez-le-moi, merci. Allo commissaire ? Oui c’est moi, Roland.

— Ah Roland, mais qu’est-ce que vous avez foutu ? Vous avez traîné ?

— Mais c’est-à-dire qu’ici, il y fait un temps de chien commissaire, on n’y voit pas à vingt mètres et la 403 est une véritable savonnette sur route trempée.

— Bon, bon ! Je veux que vous me dépatouilliez cette affaire Roland, vous avez compris ? Le directeur de la police est furieux et je ne vous parle même pas du garde des Sceaux ! Alors de la méthode et de la réflexion. Je vous ai mis la jeune Benvenuti, elle sort de l’école de police et elle vous sera utile. Elle a été formée aux dernières techniques d’investigation, vous verrez, vous me remercierez.

— J’aurais préféré rester en équipe avec Sauveur, nous avions l’habitude de travailler en équipe depuis plus de cinq ans. Nous avions obtenu de bons résultats commissaire.

— Écoutez, vous le retrouverez après m’avoir bouclé cette affaire, votre Sauveur, mais seulement après avoir arrêté ce maniaque. Il faut bien que les jeunes stagiaires parachèvent leur formation sur le terrain et qui mieux que vous ?

— Oui, mais enfin une femme, commissaire et jeune en plus !

— Je sais, je sais, mais que voulez-vous Roland, ce sont les nouvelles instructions de la Préfecture, nous devons ouvrir nos écoles aux femmes alors nous le faisons. Mais quoi ? Elle est mignonne, vous auriez préféré un jeune boutonneux à lunettes cerclées de noir ? Bon, mon petit Roland, trouvez-moi ce salopard et vite. Vous me rendrez-compte tous les soirs de l’avancée de cette enquête.

— Et les gendarmes, commissaire ?

— Quoi les gendarmes ? Je me fous des gendarmes, qu’ils s’occupent de la circulation, ils sont très bien pour cela.


Puis le commissaire Chopard raccroche brusquement sans autre forme de politesse. Entre-temps l’épouse de l’hôtelier est allée chercher nos deux valises et les a montées dans nos chambres à l’étage. L’homme qui est resté au comptoir d’accueil nous remet les clefs. Pendant la discussion téléphonique de mon collègue, je feuillette les quelques dépliants touristiques. Sur l’un d’entre eux est écrit en titre « Benv’nu cheux nous en Sologne ». Tu parles d’un séjour agréable. Je ne sais pas si je suis la bienvenue, mais j’ai la nette impression que c’est mal parti. J’ai jeté un œil sur les rapports de la gendarmerie et c’est un casse-tête national qui alimente toute la presse française. Les gens sont friands de ces histoires qui défraient les chroniques.

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24 commentaires

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Vu les commentaires des autres lecteurs, je continue à lire. Des enlèvements qui vont déboucher sur une enquête policier avec ses intrigues, cela me plait

Rose Lb

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Il y a 4 ans

une allure de roman policier!!! Yes! bonne idée cette rencontre entre "le vieux grincheux" et Benvenuti surement rempli de fraicheur !

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

De fraicheur et de noirceur.

chocotean

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Il y a 4 ans

Du vrai, du bon, du bio. Avec l'accent terroir, et ta fluidité d'écriture, c'est sain, c'est vivant, ça nous entraine au fil des mots à dévorer chapitre après chapitre. Tu excelles, c'est indéniable, alors, certes, il faut te préserver un peu - le conseil du guronsan tient toujours ;) mais tiens nous en haleine encore longtemps. En plus, j'ai l'impression qu'écrire est pour toi un exorcisme... Alors habité, je ne sais pas ... mais doué, tu l'es!

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Bonsoir Chocotean, heureux de t'avoir pré de mes chapitres, toujours des commentaires brillants et revigorants, oui pour les vitamines, tu as raison. Pour l'écriture, oui, c'était en moi, alors il fallait que ça sorte sinon ça revenait constamment, c'était devenu une obsession, alors oui tu as raison, c'est comme un exorcisme de quelque chose qui m'habite. Il faut donc l'enfanter! C'est comme cela, et je n'y peut rien, d'ailleurs c'est une constante chez moi depuis ma jeunesse. Après une fois couché sur le papier, je suis soulagé. Je n'écris pas tant ce que je pense mais ce que je ressent. Une nuit je rêvais que j'écrivais et je voyais ce que j'écrivais, alors à mon réveil je me suis levé et j'ai écris ce que j'avais rêvais que j'écrivais si je puis m'exprimer ainsi. Même à la relecture j'en ajoute considérablement. "Les Anachorètes" de base sur le concours original n'a pas grand chose à avoir avec le réécriture à cause des informations qui arrivent à profusion. C'est un phénomène que je ne m'explique pas, c'est comme un appétit gargantuesque, une boulimie. Va comprendre; Et puis alors quand j'écris pour vous tous alors là, c'est le pied, pardon pour cette expression grivoise.

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

L'enquête policière promet d'être passionnante.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Oui, je me suis régalé de la développer, j'avais tout dans mon esprit, tout était cadré il fallait juste que je le mette sur écrit à partir d'Aout. Mais c'est du brut avant relecture et rerelecture puis correcteurs avant publication. Je vais passer à la moulinette!!
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