Fyctia

Elsa est de retour à la maison. Les filles ont terminé la décoration du sapin.

— Il est magnifique ! les félicite-t-elle en entrant dans le salon.

— Alors, comment va Tatie ?

— Plus de peur que de mal ! Elle a juste une grosse bosse sur la tête. D’ailleurs, elle ne devrait pas tarder à arriver. Je les ai invités à manger avec nous à midi.

— Cool. Justin pourra nous aider à mettre les guirlandes dehors !

Elsa marque un temps d’arrêt, ne pouvant masquer son trouble. Ça a toujours été Grégoire qui fixait les éclairages électriques…

Ne voulant pas montrer son désappointement aux filles, elle attrape le carton comportant le petit village qu’elle installe depuis des années maintenant sur le buffet de la salle à manger. Chaque année, Greg lui offre une maison ou une scène à y ajouter. Elle respire un grand coup, colle un sourire sur son visage et se dit qu’elle le fera plus tard. Il est onze heures bien sonnées, par conséquent, grand temps d’aller voir ce qu’elle va bien pouvoir préparer pour le déjeuner. Elle se dirige vers la cuisine en précisant aux filles qu’elles peuvent, si elles le souhaitent, commencer à décorer la maison. Une fois la porte passée, elle essuie la larme qui vient de couler le long de sa joue et se met à inspecter ses placards à la recherche d’une idée repas. Elle ouvre le congélateur et sort un lot d’escalopes de poulet. Elle les compte, c’est bon, il y a le nombre nécessaire, direction le cycle de décongélation du micro-ondes. Alors qu’elle sort un paquet de spaghetti et une conserve de sauce basquaise, son regard se pose sur la plaque de biscuits qu’elle a laissée en plan plus tôt ce matin. Elle sourit instantanément.

— Voilà c’est ça ! dit-elle.

— Quoi donc ? demande Léa qui venait se renseigner de l’endroit où avaient été rangées les punaises.

— Va chercher ta sœur, vous allez m’aider à finir ces biscuits.

— Oh ouais ! Je savais pas que tu allais en faire. Trop cool ! dit-elle avant d’entrouvrir la porte et d'appeler sa sœur en hurlant son prénom.

Cette dernière accourt et passe la porte avec un air affolé, ce qui ne manque pas de faire rire Elsa et Léa. Une fois remises toutes les trois de leurs émotions, Elsa leur donne les consignes pour badigeonner de toutes les couleurs les sapins, bonhommes et autres formes de chocolat coloré. Pendant que les filles s’activent, elle étale la dernière portion de pâte sablée, et la découpe armée des emporte-pièces « spécial Noël ». Lorsque cette nouvelle fournée cuit, elle inspecte le travail des filles. Elle n’a pas le temps de leur dire quoi que ce soit que la sonnette retentit suivie aussitôt d’un :

— Ouh, ouh ! Vous êtes où ?

— Dans la cuisine ! crient les filles.

— Super ! lance Aurélia en arrivant. Justin regarde ça : c’est P’tit Biscuit !

Il lui sourit, charmé comme toujours par la faculté qu’elle a de retomber instantanément en enfance, surtout en cette période. Elle attrape le pinceau tendu par sa nièce et les aide à finir la décoration. Le four annonce la fin du temps de cuisson de la dernière fournée. Justin met lui aussi la main à la pâte en sortant la plaque. Mais il est ennuyé, car il ne sait pas vraiment où la poser. Elsa lui fait un peu de place sur le plan de travail.

Quand tous les biscuits sont décorés, les filles retournent au salon pour reprendre la décoration de la maison. Elsa hésite avant de demander de but en blanc :

— Justin, est-ce que cela t’ennuierait d’accrocher les éclairages extérieurs ?

— Non pas de problème. On fait ça quand tu veux.

Elsa paraît soulagée, mais sa sœur a bien remarqué le voile sombre dans son regard.

— Tiens, si tu allais voir les filles, elles vont te dire où trouver le matériel, dit-elle en lui indiquant du regard qu’elle veut se trouver seule avec sa sœur.

Une fois qu’il est sorti de la pièce, elle cherche à caler ses yeux dans ceux d’Elsa pour s’informer de ce qui se passe. Elle n’a pas fermé la bouche que cette dernière confesse :

— C’est une idée des filles. Moi je n’allais pas les mettre cette année. Mais t’inquiète pas. Je ne m’attendais juste pas à ce qu’elles pensent à Justin pour le faire.

Aurélia évite de montrer une once de compassion. Elle sait que sa sœur a horreur de ça tout comme elle a conscience que demander à un autre homme, même si elle adore Justin, de faire ce que son mari adoré a l’habitude de faire lui coûte et donne un goût encore un peu plus amer à son absence.

Lorsque tous sont à table, Elsa expose l’idée qui a germé dans son esprit en voyant l’affiche pour les enfants hospitalisés. Les filles sont décidées à faire le tri dans leurs jouets pour amener ceux qui paraissent encore presque neufs, et dont elles ne se servent plus, à l’hôpital. Aurélia trouve la seconde idée plus intéressante et annonce à sa sœur qu’elle se joindra à elle dès qu’elle le pourra, ne reste plus qu’à voir avec l’établissement comment cela peut être organisé. Mais faire un atelier pâtisserie avec les enfants malades, elle trouve ça vraiment génial.