Fyctia
Chapitre 4.1 - Noor
Mardi 1 novembre 2026
Devant sa boutique, tout est à la fois semblable et différent. Aujourd'hui, le Soleil est levé et la vitrine n’a pas encore revêtu ses apparats de Noël. L'an dernier, je n’avais pas vraiment eu le loisir de m’attarder sur son commerce. Je devais gérer une jeune femme ivre et, surtout, essayer de la contenir pour passer inaperçu.
— C’est ma boutique de jeux. J’habite au-dessus, m’explique-t-elle avec une fierté évidente.
Le logo formé de deux J dans un cercle surplombe l’entrée de “O. Jeux Joyeux”. Othilie ouvre la porte et un vendeur nous salue en exposant toute la blancheur de sa dentition. Ils échangent sur le déroulement de la journée, mais je reste concentré sur ce qui m’entoure. L’excentricité de sa propriétaire transparait dans l’agencement de la vitrine ou dans les jeux de mots placardés sur les rayonnages. Une musique épique s’échappe en sourdine des enceintes et une douce odeur de café et de cannelle donne l’impression de se trouver dans un foyer chaleureux. Impossible d’être de mauvaise humeur dans ce lieu.
— Olivier, je te présente Noor qui sera mon colocataire pour quelques semaines. Je te laisse gérer, je vais me changer, ajoute-t-elle en désignant ses vêtements ruisselants.
– Pas de souci. Je peux fermer. Ne t’inquiète pas, c’est tranquille aujourd’hui, propose l'employé.
Il me détaille de la tête aux pieds sans se départir de son sourire commercial. Je me contente d’un petit signe de la main. Othilie ne s’attarde pas dans le magasin, mais mes yeux explorent chaque rayon. Je n’y connais rien du tout en jeu de société. Je ne jouais déjà pas quand j'étais enfant… Mais je dois dire que les couleurs et les dessins sur les boîtes donnent envie. Nous avançons jusqu’à l’arrière-boutique encombrée où se trouve un escalier.
— Il y a aussi une entrée par l'extérieur, à l'arrière, mais je passe souvent par là, explique-t-elle.
Je reste silencieux, ne sachant pas quoi répondre. J’ai toujours été peu loquace et, surtout, je déteste parler pour ne rien dire. La quiétude qui m’accompagne ne me pèse pas et, si elle génère de l’inconfort chez les autres, c’est leur problème. Mon pote Julien s’étonne encore de mon incapacité à enchaîner plusieurs phrases, pour "un mec si doué à manier les mots à l'écrit". Nous montons un étage et ma nouvelle colocataire pousse une porte qui n’est pas verrouillée. Je fronce les sourcils et elle doit s’en apercevoir.
— J’essayerai de fermer à clé à l’avenir, me rassure-t-elle.
Pourtant, la dernière fois que je l’ai accompagnée, nous avions mis au moins quinze minutes à trouver son trousseau.
Repense-t-elle à ça, elle aussi ?
Je la revois à quatre pattes, renversant son sac à main au sol pour en fouiller le contenu, pour finalement se rendre compte que ses clés étaient dans la poche intérieure de son manteau. La scène était irritante, mais tellement hilarante. Je visualise ses mimiques théâtrales en réalisant sa bévue, ou encore ses joues d’un rouge rivalisant avec le bonnet du Père-Noël. Je réentends son rire cristallin, inextinguible et contagieux. Le même qui résonnait quelques instants plus tôt, sous la pluie.
— Bienvenue chez toi pour les deux prochains mois, s'exclame-t-elle en me laissant entrer.
Pendant les minutes suivantes, je fais semblant de découvrir son appartement pour la première fois. Pourtant j’ai eu l’occasion d’en parcourir presque toutes les pièces l’année passée et rien n’a changé, mis à part l’absence de sapin et autres décorations de saison. J’imagine que ça viendra. Chaque recoin me remémore les moments loufoques vécus à ses côtés. Et chaque pensée me place face à mon stupide mensonge.
— Fais comme chez toi, ajoute-t-elle en revenant dans le salon. De quoi as-tu besoin pour travailler ?
— D’un espace calme pour poser mon ordi.
— Tu peux t'installer ici si tu veux. Tu pourras transformer la table en bureau pendant la journée, et même le soir. Je mange souvent dans le canapé et je suis rarement chez moi, à part pour dormir.
J’accueille cette annonce avec un certain soulagement. Déjà parce que j’apprécie la tranquillité et je ne pense pas que ce soit son cas. Mais aussi parce que mon mensonge rend la situation encore plus étrange. Elle continue de me présenter la ville. Je n’écoute plus vraiment.
— Si tu veux un peu d’animation, le bar de mon ami, Chris, se trouve juste en face.
Je lis une pointe d’amertume dans son regard à cette évocation. La blesser me tord le bide, mais c’est mieux pour tout le monde.
Comment peut-elle gober si facilement que je l’ai oubliée ? Elle est ce genre de personnalité mémorable.
17 commentaires
Scriptosunny
-
Il y a 9 jours
Debbie Chapiro
-
Il y a 9 jours
Marie Andree
-
Il y a 9 jours
Debbie Chapiro
-
Il y a 9 jours
Mayana Mayana
-
Il y a 9 jours
Debbie Chapiro
-
Il y a 9 jours