Fyctia
Chapitre 1.2 - Noor
À ces mots, elle se retourne et mon esprit l’analyse comme au ralenti. Sa peau diaphane parsemée de taches de rousseur. Ses yeux en amande à la teinte azurée. Et ce sourire ! Le plus radieux et hypnotisant que j’ai pu observer. Mon palpitant s’embarque aussitôt dans une folle cavalcade. Des flashs de notre soirée de l’année passée me reviennent. Je dois convoquer toute ma force mentale pour rester de marbre et ne pas la serrer dans mes bras. J’espère que mon masque impassible est bien en place, pendant que je scrute ses expressions. Mais la jeune femme m’offre sa plus impressionnante poker face. Sa joie est sincère, mais ne laisse rien transparaître. Impossible de savoir si elle me reconnait ou pas. Si c’est le cas, elle devrait se sentir trahie. Je lui avais caché mon identité, la laissant insulter “ce journaliste pourri” qui avait ruiné son Noël. Mais son sourire reste éclatant.
Le maire parle, mais je n’entends pas. Je ne lâche pas la belle Othilie du regard dans l’espoir d’y percevoir un indice, même infime. C’est en réalisant que je devrais la saluer qu’une stratégie m'apparaît. Si j’agis comme si je ne l’avais reconnue, elle devrait réagir, à moins qu’elle aussi ait tout oublié.
J’avance donc ma main vers elle pour serrer la sienne.
— Enchanté. Othilie, c’est un drôle de prénom, mais j’ai l'impression de l'avoir déjà entendu…
Bingo ! C’est presque imperceptible, mais une ombre traverse son regard, qui s’éteint l’espace d’une fraction de seconde. Ses yeux s'ouvrent un peu plus grand et elle déglutit. Aussitôt, elle replace son masque de joueuse. Mais, c’est trop tard. Je sais. Je sais qu’elle se souvient de moi. Je sais que je l’ai vexée en prétendant l’avoir oubliée. J’ai sûrement grillé les chances de retrouver ce que nous avions commencé à créer l’année passée, mais c’est mieux ainsi ! Surtout si je dois rester deux mois à ses côtés.
— Oui, c’est plutôt rare. Un prénom du coin. Vous l’avez peut-être entendu lors de votre séjour de l’année dernière, lance-t-elle sans masquer sa rancœur.
— Je suis navré que mon article vous ait fait du tort. C’est parfois inévitable pour amorcer un changement. Mais finalement, c’était un mal pour un bien, osé-je.
— On peut dire ça.
Nous nous installons autour d’une petite table ronde. J’essaie de me concentrer sur les propos du maire, mais mon regard revient immanquablement vers la jeune femme. Par moment, elle s'échappe dans ses pensées et semble gênée. Je m'en veux un peu de lui jouer ce mauvais tour, mais elle s’en remettra.
— Othilie est au conseil municipal, chargée des commerces et des entreprises. Elle a accepté de gérer le renouveau de nos célébrations de Noël.
— Je n’ai pas travaillé seule, tempère-t-elle avec modestie.
— Et qu’attendez-vous de moi ? questionné-je plus sèchement que souhaité.
— J’aimerais avoir vos retours. J’ai fait des recherches, mais j’imagine que votre vision d’un Noël écologique m’aiderait, explique-t-elle en se triturant les mains.
— Et si l’envie d’écrire un article plus flatteur vous vient, ne vous privez pas, ajoute le maire avec un clin d’œil entendu.
Nous y voilà ! Bien sûr que j’avais prévu de rédiger un papier, mais peut-être pas aussi flatteur qu’ils le souhaiteraient. Hors de question qu’on me prenne pour un pion dans une campagne de reconquête touristique. Je suis un journaliste indépendant et je n’exposerai que les faits, que ça leur plaise ou non. Je me garde de toute réponse et de tout sourire, me contentant de croiser les bras sur mon torse.
Un ange passe. Personne n’ose troubler ce silence qui ne gêne qu’eux. Ils échangent quelques regards, puis le maire s’éclaircit la voix en se levant.
— Vous devez avoir envie de poser vos affaires, suggère-t-il. Malheureusement, je ne pourrai pas vous héberger comme nous avions prévu. Ma fille est revenue vivre avec nous. Une vilaine rupture avec sa copine. Elle se fait dorloter par papa et maman, confie-t-il à voix basse.
— Tant pis, je trouverai une autre solution, grommelé-je.
— Non, non, tout est organisé. Othilie a accepté de vous loger, si ça vous convient.
De pire en pire.
Elle baisse les yeux, regrettant sûrement sa proposition.
Déjà que je ne pensais pas devoir bosser avec elle tous les jours, mais, en plus, je vais dormir chez elle.
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Ama Ves
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Scriptosunny
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