Debbie Chapiro A green Christmas Chapitre 1.1 - Noor

Chapitre 1.1 - Noor

1 novembre 2026


Mon chauffeur de covoiturage se gare enfin dans le centre historique de la ville. J'accueille avec soulagement la fin de ce trajet oppressant. Il n’a pas arrêté de bavasser depuis la gare de Strasbourg. J’ai la tête farcie.


— Tu visites de la famille ? m’interroge-t-il. Tu m’as même pas raconté ce que tu viens faire ici.

Normal, j’ai pas pu en placer une.

— Non, je viens pour le boulot, me contenté-je d’un air morne.

— Ok, ben, bon séjour alors. On se croisera peut-être.


Je hoche la tête, bien que je n’ai aucune envie de le revoir. Non pas qu’il soit désagréable, mais je suis plutôt solitaire et les interactions sociales me fatiguent vite. Rester enfermé dans mon appartement pendant plusieurs jours ne me pose aucun problème. Ce sont souvent mes potes qui viennent m’extraire de ma grotte.


Je marmonne quelques politesses avant de sortir et récupérer mon bagage dans le coffre. Il redémarre en me lançant de grands signes. J’inspire une goulée d’être frais en fermant les yeux pour laisser le silence m’envahir. La place est presque déserte. L’atmosphère n’a rien à voir avec celle de mes souvenirs. L’année dernière, des centaines de guirlandes et de décorations clinquantes étouffaient les maisons à colombages typiques de l’Alsace. Aujourd’hui, je peux admirer l’architecture et les couleurs vives des boiseries. Ces maisons et la rivière qui serpente non loin offrent un charme unique à cette ville.


Je resterai bien observer les sculptures sur les façades, mais la pluie s’invite à la fête. Je rabats la capuche de mon sweat sur ma tête pour me protéger du froid pénétrant qui l’accompagne. Il est à vous glacer les os, alors qu’on n’est même pas en hiver. Il faut dire que j’ai quitté Marseille ce matin en t-shirt, réchauffé par le soleil du Sud. Le choc est rude.


Je me dirige vers l'hôtel de ville qui me fait face. Je suis un peu en avance, mais je préfère patienter au chaud. Le mec de l'accueil me propose de m’installer sur une chaise en plastique inconfortable. J’en profite pour envoyer un message et annoncer mon arrivée à mes collègues en leur rappelant que je les déteste au passage. Cette mission me reste en travers de la gorge. J’ai la sensation qu’on s’est fait manipuler et bien arnaquer.


Avec des amis rencontrés pendant mes études de journalisme, nous avons lancé, depuis trois ans, notre média indépendant très ciblé sur le développement durable. En tant que rédacteur, je m’occupe des articles en ligne et de la newsletter quotidienne. À vingt-six ans, vivre de sa passion – surtout dans ce domaine – ce n’est pas donné à tout le monde. Il me permet de m’enfermer chez moi pour écrire, mais m’oblige aussi à aller vers les autres pour les interviews et mes enquêtes. Certes, je ne gagne pas une fortune, mais je n’ai jamais roulé sur l’or, alors ça me convient. Un toit sur la tête, à manger dans le frigo, je ne demande rien de plus. Notre média commence à se forger une bonne réputation. Julien, notre visage public, présente les reportages vidéos et est souvent invité sur les plateaux télé. Moi, je reste dans l’ombre et ça me correspond parfaitement.


L’année dernière, j’avais écrit un article à charge sur les festivités de Noël en Alsace. Cette ville était l’exemple typique de la débâcle écologique et du non-sens associés à cette fête. J’avoue que j’ai eu la dent dure et qu’ils ont pris pour leur grade. Après la parution, le maire nous avait proposé publiquement de venir leur prêter main forte. On ne pouvait pas trop refuser, sous peine de passer pour des donneurs de leçons hautains, sans être prêts à se retrousser les manches. Mais on espérait que ce n’était qu’une invitation de façade. Pourtant, il y a quelques semaines, nous avons reçu un message pour réitérer leur demande.


L’équipe de rédaction n’a mis que deux minutes pour me refiler le bébé.

“Ton enquête, ta merde ! Et puis, t'avais bien aimé l’Alsace non ? Amuse-toi bien !”

Je me suis fait piéger comme un bleu et me retrouve ici pour presque deux mois afin de pondre un article qui promet d’être sans intérêt. Je n’ai aucune envie de m’impliquer dans cette campagne publicitaire de greenwashing que m’offrira la commune. Noël n’est qu’une mascarade consumériste qui permet de faire du chantage aux enfants.


Quelques éclats de voix s’échappent du fond du couloir et me sortent de mes ruminations. Il y a de l’ambiance dans le bureau de monsieur le maire. Des rires francs me parviennent, dont un qui me provoque des sensations étranges dans le ventre. Je finis de répondre aux messages dans notre conversation de groupe du boulot, quand un homme d’une cinquantaine d'années marche vers moi. Il arbore un air jovial qui met tout de suite en confiance, même si je reste sur mes gardes. Vêtu d’un pantalon de costume et d’une chemise verte à motifs, je me sens en décalage avec mon jean troué et mon sweat Star Wars. Son crâne est dégarni, mais, comme moi, il porte une barbe bien taillée. Il me salue et me serre la main en m’attrapant l’épaule. Un homme politique dans toute sa splendeur.


— Nous sommes ravis de vous recevoir, chantonne-t-il d’un air chaleureux.


Alors qu’il m’invite à le suivre vers son bureau, j’observe sa démarche presque sautillante. Dire que je vais loger chez cet homme qui semble mon exact opposé… Ce séjour s’annonce de pire en pire.


Le maire me prie de pénétrer le premier dans la pièce. La silhouette d’une femme capte mon attention. Elle me tourne le dos, mais j’ai un pressentiment. Je reconnais sa chevelure blonde qui descend juste au-dessus de sa nuque gracile. Elle porte une robe-pull noir et rose qui épouse ses formes.


Je m’attendais à la recroiser. Fatalement. La ville n’est pas si grande et elle tient un commerce pour lequel Noël est le moment phare de l’année. Sa présence est d’ailleurs en partie la cause de mes réticences dans ce reportage.

Mais merde, qu’est-ce qu’elle fait là ? Dans ce bureau ?


— Voici Noor Sadat, le journaliste qui t’accompagnera. Noor, je vous présente Othilie qui a tout organisé. Elle va vous exposer le fruit de ses heures de travail. J’espère que vous apprécierez ses idées novatrices.

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71

71 commentaires

Laetitia B

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Il y a 7 jours

Une lecture fluide, agréable ou les descriptions sont justes parfaites. Le contexte est posé et j'ai hâte d'en savoir plus

Debbie Chapiro

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Il y a 7 jours

Super, c'est toujours dur de doser.

Manonst

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Il y a 9 jours

Qu’est ce que j’aime tes descriptions, c’est un réel plaisir de te lire, le décor est posé, les ressentis sont justes et tu installe la petite intrigue de façon très fluide. J’ai beaucoup aimé ce chapitre !

Debbie Chapiro

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Il y a 9 jours

Merci beaucoup.

GwendolineBrument

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Il y a 9 jours

Un premier chapitre qui donne le ton: un Noël alsacien écolo, ça promet !

Debbie Chapiro

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Il y a 9 jours

Oui y a du boulot.

Alyssa Well

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Il y a 9 jours

La description que tu as faite du lieu nous plonge bien au cœur de ton histoire. Ta plume est très agréable à lire, c’est fluide, ça se lit tout seul et c’est très qualitatif. Les descriptions et les interactions sont bien dosées, j’ai hâte de découvrir la suite. 😁❤️

Debbie Chapiro

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Il y a 9 jours

Merci pour ton retour. J'espère que la suite te plaira.

Scriptosunny

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Il y a 10 jours

Le cadre est idyllique pour une romance de Noël. Et j'ai hâte de savoir ce qui fait qu'il n'est pas content de se retrouver avec elle.

Debbie Chapiro

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Il y a 10 jours

Oui, on se demande bien.
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