Fyctia

« Bien, les enfants ! Souvenez-vous que je veux vos herbiers pour dans deux semaines. N’oubliez pas d’y inclure une à deux pages sur le principe de la photosynthèse, en utilisant des schémas, des photos, bref soyez créatifs et amusez-vous surtout. Et sur ce, je vous souhaite de bonnes vacances de printemps à tous !! »

Je regarde mes petits élèves ranger leurs affaires et quitter la salle de classe dans l’excitation générale. Les garder concentrés en cette dernière journée d’école n’aura pas été une mince affaire et j’ai beau les adorés, je reconnais avoir bien besoin de vacances moi aussi. A moi la voile, les verres pris en terrasse avec mes amis, les bœufs autour d’un feu de camps avec la famille, entre deux préparations des cours pour la rentrée évidemment. Un programme qui me semble assez équilibré, non ?

Une sonnerie, m’indiquant l’arrivée d’un nouveau message sur mon portable, retentit et je m’apprête à le regarder quand, du coin de l’œil, j’aperçois la petite Leïla qui prend tout son temps pour ranger ses affaires, les épaules affaissées vers l’avant. Ignorant donc mon téléphone, je m’approche d’elle afin de comprendre ce qui la tracasse.

« Tout va bien Leïla ? Tu n’as pas l’air d’être contente que ce soit les vacances… »

Et sans crier gare, elle jette ses petits bras autour de ma taille, de gros sanglots s’échappant de sa poitrine. Tant de tristesse pour un si petit corps, comment est-ce possible ?

Je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur, essuyant ses larmes dans la foulée.

« Qu’est-ce qui t’arrive ma puce, tu veux me le dire ? »

Au prix d’un immense effort, Leïla retrouve son souffle pour me répondre d’une voix chevrotante.

« Mes parents veulent déménager… Mais moi je veux pas ! Je veux pas partir… »

Que répondre à ça ? Je conçois tout à fait que mon élève ne veuille pas quitter ses amis, la ville où elle a grandi, j’aurais sûrement été dans le même état qu’elle à son âge. En creusant un peu, j’apprends qu’elle ne partira qu’au début de l’été, ce qui me rassure puisqu’elle va pouvoir finir son année tranquillement. Je tente de la consoler et de la rassurer du mieux que je peux, avant de la laisser partir. Les enfants rebondissent vite et Leïla est une petite fille pleine de vie, je ne doute pas qu’elle retrouvera vite sa joie de vivre, mais je prends note de la surveiller à la rentrée, au cas où elle serait encore perturbée par la nouvelle.

Une fois seule dans la salle, je sors mon portable de mon sac pour vérifier qui m’a contacter. Un message de Chloé, ma meilleure amie -et également collègue de travail- m’attend, me proposant d’aller boire un verre pour fêter les vacances. Nous nous rejoignons dans le hall de l’établissement et nous rendons ensemble dans un bar du centre-ville.

« Ah ! ça fait du bien de se poser !

- A qui le dis-tu ma poule ! me lance-t-elle. Tu prends quoi ?

- Et bien, étant donné qu’il est à peine 17h, je vais commencer par un thé glacé. Qu’as-tu prévu de faire pendant les deux semaines à venir ?

- Oh, je… »

Le serveur nous interromps pour prendre notre commande, détaillant sans aucune discrétion mon amie en face de moi. Il est vrai qu’avec tous ses tatouages et son charme naturel, Chloé attire souvent les regards. Je dirais même qu’elle détonne dans le décor, surtout à l’école où elle a peiné à se faire accepter des parents, qui craignaient que leurs enfant ne soient trop effrayés par leur institutrice disons… peu conventionnelle. Mais ses élèves s’en foutent royalement en vrai, ils sont absolument fascinés par les nombreux dessins qui recouvrent ses bras.

La commande passée et nos verres déposés sur la table, nous pouvons enfin reprendre notre conversation.

« Donc, tu me disais ?

- Ah oui ! J’ai prévu de monter sur Paris pour me rendre au Mondial du tatouage ! reprend-elle les yeux brillants d'excitation.

- Pour te faire tatouer ? Il ne se déroule pas début mars d’habitude ?

- Pour trouver un nouveau tatoueur surtout, le mien a fermé il y a peu… et si, c’est début mars en général

mais il y a eu un contretemps cette année du coup ils ont préféré reculer la date plutôt que d’annuler l’évènement.

- Mais il te reste encore de la peau à encrer ? la charrié-je.

- Il m’en reste encore largement, acquiesce-t-elle en jouant des sourcils. D’ailleurs, j’aimerais que tu m’accompagnes ! »

J’écarquille les yeux de surprise. Moi, aller au Mondial du tatouage ? ça remet tout mon programme en perspective, mais l’idée d’une petite virée entre fille me plaît bien. Et puis se sera l’occasion de faire un peu de tourisme dans la capitale !

« Ok, je viens avec toi. Par contre je te préviens ! Il est hors de question de passer sous les aiguilles !

- Oh allez ! Un petit cœur vintage avec nos initiales sur le biceps, ce serait vachement sympa ! »

J’éclate de rire et lui balance ma serviette au visage. L’idée m’avait déjà plus ou moins effleurée à vrai dire… pas le cœur old school avec nos initiales ! Mais un motif qui nous réunirait tous, ma famille, Chloé, ma team de choc. En hommage, pour leur soutien infaillible. Suis-je prête à sauter le pas ?