Candace Lovely À deux sous la Neige Charges lourdes 3.2

Charges lourdes 3.2


De retour dans le camion après ma troisième livraison qui m’avait permis de livrer cinq clients pour le prix d’un arrêt, j’analysai la feuille de route. L’horloge du tableau de bord n’affichait pas encore dix heures et je comptais déjà celles qui me séparaient de la fin de journée.


Je vérifiai les prochains colis sur la liste, m’assurant qu’ils étaient à proximité dans un souci de rapidité. Guillaume, comme d’habitude, avait vraiment bien bossé. Ensuite, je m’engageai sur la route. La circulation s’était intensifiée lorsque nous avons laissé Évry-Courcouronnes derrière nous, rampant dans les rues étroites de Ris-Orangis comme si tous les conducteurs de la ville avaient décidé d'emprunter le même itinéraire. Je tapotai des doigts sur le volant, résistant à l'envie de soupirer toutes les cinq secondes. À côté de moi, Julien gardait les yeux rivés sur sa tablette, faisant défiler la liste des livraisons avec la même concentration qu'auparavant.


« Quelque chose d'urgent ? » demandai-je, afin de rompre le silence.


Il leva les yeux, bougea à peine la tête.


« Ils le sont tous. »


Bien sûr. C'était la veille de Noël, et tout le monde s'attendait à ce que ses colis arrivent à temps, comme par magie, même si la ville était pratiquement paralysée par la circulation et les routes verglacées.


Ne supportant plus le silence, je relançai ma playlist de Noël. Julien ne me laissa pas le temps d'apprécier les premières notes de Feliz Navidad.


« Tu peux l'éteindre ?

— Non, répondis-je en augmentant le volume d'un cran. Mon camion, mes règles. »


Il marmonna quelque chose que je ne saisis pas et reporta son attention sur la tablette. Je commençai à le cerner : ce genre de personnes qui agissaient comme si la joie de Noël était une offense personnelle. Mais je n'allais pas le laisser détruire mon humeur, même si je devais chanter chaque ligne juste pour faire valoir mon point de vue.


Une fois arrivée, je bondis hors de la cabine. L’air frais me fouetta le visage, et emmêlant ma crinière qui, auparavant rameutée en un chignon, avait perdu depuis longtemps le combat contre la gravité. J’ajustai mon écharpe et me dirigeai vers l'arrière, jetant un coup d'œil au bordereau de livraison pour m'assurer que j'avais la bonne adresse. Sixième étage. Avec ascenseur. Je déverrouillai l'arrière et ouvris les portes d'un coup sec, balayant du regard la pile de colis jusqu'à ce que je repère celui qui portait un autocollant rouge vif "FRAGILE" sur le côté. Il était énorme, presque aussi grand que moi, et semblait peser autant qu'un éléphanteau. Je posai mes mains sur mes hanches et je soupirai de frustration.


J’approchai la boîte du bord, essayant d'évaluer son poids. Elle ne bougea pas d’un pouce. Je tirai à deux mains, en grognant, et je parvins à l'amener à mi-chemin du rebord. L'idée de me débattre seule dans le bâtiment me donnait envie de hurler. Et ça signifiait qu’on s’éloignait des trente kilos réglementaires.


Et l’évidence me frappa : seule je n’y arriverai pas. Je m'essuyai les mains sur mon pantalon et me dirigeai vers sa fenêtre. Il ne remarqua pas mon approche, complètement absorbé par ses tableaux Excel. J’agitai la main. Aucune réaction. Je tapai sur la vitre. Toujours rien.


Je tapai un peu plus fort. Cette fois, il leva les yeux, les sourcils froncés. Il baissa la vitre juste assez pour sortir la tête, les yeux plissés.


« Qu’est-ce que tu veux, Maéva ? » demanda-t-il, d'un ton à la fois ennuyé et irrité.

— C’est toujours Maé. J'ai besoin d'aide pour le colis. Il est énorme. Je ne peux pas le porter seule.

— Pourtant tu t’es bien débrouillée jusqu’à présent, fit-il remarquer, comme si cela réglait la question.

— Oui, eh bien, à moins que tu ne veuilles expliquer au patron pourquoi j'ai laissé la moitié des nouveaux meubles de quelqu'un sur le trottoir, je te suggère de sortir et de me donner un coup de main. »


Il poussa un soupir bas et agacé et ferma son ordinateur portable avant de se glisser hors du véhicule. Je le guidai vers l’arrière. Il étudia la taille de la boîte.


« C'est un gros morceau.

— Sans blague. Allez, aide-moi à le soulever. »


Nous le sortîmes du véhicule, et nous réussîmes à caler la boîte, Julien à l'avant et moi à l'arrière. Mieux encore, nous réussîmes à atteindre l’entrée sans nous casser les os, ni nous gueuler l’un sur l’autre. Je tendis le cou pour regarder en l'air, comptant les étages. Six. Je sentais la sueur perler dans ma nuque, et mes jambes me faisaient mal rien qu’à y penser.

Dans le hall, je cherchai l'ascenseur et j’eus presque envie de l'embrasser en le voyant. Julien appuya sur le bouton et nous attendîmes un long moment. Il appuya à nouveau. Toujours rien.


Je ne pus empêcher le rire jaune qui se fraya un passage au travers de mes lèvres. Julien me lança un regard exaspéré et tapa du poing sur la porte métallique. Le bruit résonna dans le hall vide, mais l'ascenseur resta silencieux.


« À quoi tu t’attendais ? Tu crois qu'en le frappant, il va bouger ?

— C’est inadmissible ! Et c’est un risque pour la sécurité. Il faut le signaler. »


Je roulai des yeux.


« Oui, je vais m'en occuper. Juste après qu'on ait réussi à monter cette boîte sur six étages sans mourir. »


Il m’adressa un long regard incrédule, comme si je venais de suggérer d'escalader la tour Eiffel pieds nus.


« Tu plaisantes ? Six étages ?

— Ben, sauf erreur de ma part, la boîte ne va pas léviter seule jusqu’au client. Alors on ferait mieux de commencer à grimper. »


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3 commentaires

Beryl L

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Il y a 11 jours

C est bien un mec quoi … la flemme. Il sert à rien ! Mais bon sans lui y aurait pas d’histoire ! Pour la réf je me sens vieille du coup lol !

Beryl L

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Il y a 12 jours

Pivoter ! Pivoter ! (Tu as la réf )? Bon je retire ce que j ai dit, il n est pas si mims. Quel mufle. Mais aux précédents chapitres je me suis un peu demandée pourquoi il était là en somme s’il fait que des vérifs sur sa tablette ? Peut-être que c est un être irréel qui n’existe que pour elle …

Candace Lovely

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Il y a 11 jours

Il n'est pas livreur à l'origine, mais responsable logistique. Alors vu que dans la boîte ils sont un peu en "panne" de chauffeurs et qu'à noël il y a pas mal de gros colis à livrer, Julien est envoyé pour aider Maé. Sauf qu'il aide pas beaucoup parce qu'il a la flemme. (J'avais pas la réf mais mon chéri m'a expliqué xD)
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