Candace Lovely À deux sous la Neige Charges lourdes 3.1

Charges lourdes 3.1

Le second arrêt se situait dans une rue si étroite et bordée de véhicules, que je ne pensais pas Robert capable d’y entrer. Le ciel s’éclaircissait petit à petit, et les rues se densifiaient. Un homme promenait son chien dans un épais manteau, une cigarette pendue à ses doigts. Un cycliste passait en trombe, son souffle visible dans l'air. Le froid me rongeait le bout des doigts alors que je sortais de la camionnette et que je scrutais l'étiquette de l'emballage.


L'entrée de l'immeuble sentait le produit de nettoyage. Le genre d'odeur qui s’accrochait aux couloirs des appartements et se mélangeait à la faible trace du dîner de la veille. Les murs étaient beiges, ce beige qui avait vu trop d'années et trop peu de couches de peinture fraîche. Une rangée de boîtes aux lettres métalliques s'alignait d'un côté, bosselées par endroits.


Je relus le bordereau de livraison. Quatrième étage. Pas d'ascenseur.


Super.


Équilibrant le paquet contre ma hanche, je commençai à monter les escaliers, mes bottes heurtant le carrelage. Quelqu'un avait laissé une poussette sur le palier du deuxième étage, et un vélo était appuyé contre la rambarde du troisième. Lorsque j'atteignis le quatrième étage, mes doigts avaient commencé à se raidir autour de la boîte.


Appartement 48. Je frappai, puis je reculais. Le temps qu’elle arrive, je posais le colis au sol, près de la porte et prenait une photo en guise de preuve.


Une voix étouffée répondit, des pas s’approchèrent, puis la porte s’entrouvrit. Une femme apparut, d'âge moyen, enveloppée dans un épais gilet, les cheveux enroulés dans des bigoudis.


Ses yeux se posèrent sur la boîte.


« Mon colis ?

— Oui. Signez ici. »


Je tendis le scanner. Elle le prit, griffonna quelque chose qui ressemblait à peine à un nom, puis attrapa le paquet.


« Je m’attendais à le recevoir hier. »


Je forçai un sourire poli.


« C’était bien indiqué pour aujourd’hui. Et avec Noël, on fait de notre mieux. »


Elle ne répondit rien et referma la porte. Pas un merci, ni un au revoir. Je ne m’en formalisais pas, et marquais la livraison comme terminée. Puis je redescendais les escaliers au pas de course. Il en restait encore quatre-vingt-dix-neuf.


Lorsque j’atteignis l'extérieur, le froid était encore plus vif qu'avant. Le soleil s'était levé, mais le ciel restait lourd et bas, d'épais nuages s'amoncelaient au-dessus de la ville. L'air sentait la neige. Je montais dans la camionnette et je me figeai. Le siège à côté du mien était vide. Mes yeux balayèrent la rue, m'attendant à voir Julien faire les cent pas avec son téléphone collé à l'oreille, mais il n'y avait rien. Juste des rangées de voitures garées, des trottoirs humides et, de temps en temps, des passants emmitouflés dans des écharpes qui se dépêchaient.


Je fronçai les sourcils. Où diable était-il passé ? Je pris mon téléphone de son support et composai son numéro, tapant du pied avec impatience pendant qu'il sonnait. Une fois. Deux fois. Trois fois. Boîte vocale. Je raccrochai et réessayai, cette fois en pressant le téléphone si fort contre mon oreille que je failli m'abîmer la pommette. Toujours rien.


Un frisson s’installa en moi, plus froid que l'air de décembre qui s’infiltrait dans la cabine. Je me frottai les mains, essayant d'ignorer la petite bouffée de panique qui montait dans ma poitrine.


Je quittai le camion pour scruter l’autre côté de la rue, mais il n'était nulle part en vue. Aucune trace de son manteau bleu marine, ni de sa façon agaçante et pédante de marcher. J’envisageai d’appeler le bureau mais l'idée d'admettre que j'avais perdu Julien au milieu d'une livraison me tordait l'estomac d'embarras.


Je me mordillais la lèvre inférieure. Peut-être qu'il s'était rendu compte que je n'étais pas son barista personnel et qu'il était allé chercher ce foutu café lui-même. Ou peut-être qu’il en avait déjà marre d’être coincé avec moi. Mes doigts se resserrèrent autour de mon téléphone et je composai à nouveau son numéro.


« Décroche, Julien, répétai-je comme un mantra. Allez, décroche. »


Boîte vocale. Encore une fois.


Merde ! Je n'aimais même pas ce type, mais l'idée d'être coincée ici sans lui me laissait un goût amer dans la bouche. Je ne pouvais pas partir, je ne pouvais pas continuer ma route si ses fesses n’étaient pas posées sur le siège passager.


J’assénai un coup de pied dans le pneu, frustrée, en jurant dans ma barbe.


« Si tu as été kidnappé par un psychopathe en manque de caféine, je te jure que je ne viendrai pas te sauver. »


Encore un appel. Encore un, et s'il ne répondait pas, je frapperai aux fenêtres des cafés jusqu'à ce que je le trouve. Mon pouce survolait son nom quand j’aperçus un mouvement du coin de l'œil. Je me retournai, le pouls battant, et... il était là, remontant la rue à grands pas, un gobelet à emporter dans chaque main, l'air toujours aussi calme et exaspérant.


Je ne savais pas si je devais le frapper ou le serrer dans mes bras, et cette confusion ne fit qu'augmenter ma colère. Mon cœur battait encore comme si j'avais couru un marathon, et je ravalai le mélange de soulagement et d'agacement qui menaçait de jaillir.


Il s’arrêta net en voyant mon visage, haussant un sourcil.


« Qu'est-ce qu’il y a ? »


Je laissai échapper une lente respiration, me forçant à agir avec désinvolture, comme si je n'avais pas passé les dernières minutes à me convaincre qu'il avait été kidnappé ou pire. Au lieu de cela, je le fusillai du regard.


« Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?! Tu ne peux pas disparaître comme ça sans rien dire. Je pensais que... je me stoppai, refusant d’admettre à quel point j'étais inquiète. Tu aurais pu au moins répondre au téléphone.

— J’ai pensé que tu serais encore à l'intérieur. Je suis allé prendre un café puisque tu n'as pas pris la peine d'en prendre un. »


Je levai les mains en l’air, à bout de nerfs.


« Alors tu disparais sans rien dire ? Parfait. La prochaine fois, tu laisseras un mot, d'accord ? »


Il me dévisagea, et pour une fois, son visage s’adoucit. Je tournai les talons pour retourner dans le camion. Une fois à l'intérieur, je pris une grande inspiration, me forçant à me calmer. Mes mains tremblaient encore, et je détestais ça. Je pensais avoir maîtrisé mes angoisses, mais il fallait croire que non.


Julien frappa à la fenêtre passager quelques secondes plus tard, et sans le regarder, je lui ouvris la porte. Je l’ignorai, prétendant qu’il n’existait pas. Il posa les gobelets dans le support entre nous et se racla la gorge.


« Je t'en ai pris un aussi », marmonna-t-il, presque trop bas pour que je puisse l'entendre.


Je jetai une œillade au gobelet, la vapeur s’élevant de la petite ouverture du couvercle. Une vague de reconnaissance m’envahit, mais je me contentais de grogner en réponse. Il était hors de question que je le remercie.


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5 commentaires

loup pourpre

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Il y a 12 jours

Un geste d’attention peut se transformer en preuve d’amour. Son côté grogni grognon est trop choupinou.

Beryl L

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Il y a 12 jours

Oui il est mimi ! Tu as déjà décrit son physique ? (Bon de toute manière j’arriverai pas à l’imaginer mais c’est pour me faire une idée)?

loup pourpre

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Il y a 12 jours

Le plus normal possible avec une face d’ours mal léchée.

Nana Rose

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Il y a 13 jours

Il est un peu énervant le Julien mais j'avoue que je trouve ça trop mims qu'il lui ait pris un café 🤭 hâte de lire la suite !

Beryl L

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Il y a 12 jours

Elle elle pensait déjà qu’il était mort lol! Mes personnages à moi son avançants il parait. Tu es allée lire mon histoire ? Toi aussi tu participes ?
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