Fyctia
Chapitre 11 - Partie 2
Il ne restait rien du petit carré de culture que mon père avait aménagé pour moi. J’y avais planté diverses herbes aromatiques dont j’avais pris soin avec le plus grand sérieux. La mangeoire à oiseaux était toujours à sa place, cela dit. Pendue au pommier qui se situait à quelques mètres, je me rappelai le jour où nous l’avions confectionnée. J’avais été si fière du résultat que ma mère était sortie acheter de la peinture afin de la rendre plus jolie encore. J’avais des parents formidables. Et on me les avait arrachés.
La colère refit surface, sans pour autant balayer la peine que j’éprouvais. Je voulais entrer dans la maison, revoir ma chambre si douillette, le salon qui avait accueilli nos festivités, mais il y avait aussi la cuisine. La pièce qui hantait tous mes cauchemars.
Les images de cette fameuse soirée repassèrent dans mon esprit et je me pris la tête entre les mains pour tenter de me calmer, sans y parvenir. Mes larmes coulaient encore et toujours sur mes joues brûlantes. Je suffoquais.
— Vous allez bien, mademoiselle ?
Je me tournai vers la voix masculine, surprise. L’inconnu venait d’interrompre le cours de mes pensées et je ne savais pas si je devais le remercier ou l’insulter. Son air inquiet et son geste de secours suspendu dans le vide, comme s’il n’osait pas m’approcher ni me toucher, me dissuada toutefois de toute réaction.
— Est-ce… Comment puis-je vous aider ? hésita l’homme.
Il était plutôt âgé et à ses vêtements, je compris qu’il devait être un domestique de l’une de ces demeures. Je ne voulais pas me montrer discourtoise, mais sa présence me mettait mal à l’aise. Personne, hormis Kester, ne m’avait jamais vue dans un tel état. J’eus envie de dire à cet homme de me laisser tranquille. Que je n’avais besoin de rien. Mais c’était un mensonge. Je me laissai aller à mon agonie, m’effondrant comme jamais auparavant. De gros sanglots me secouaient quand je sentis une main se poser sur mon épaule, dans un geste apaisant.
— Vous connaissiez les précédents habitants ? demanda-t-il d’une voix douce.
J’acquiesçai, ne sachant plus comment me protéger de ce flot d’émotions.
— Je… J’ai appris que… Mon amie vivait ici et on m’a dit que…
Il afficha un air compatissant qui accentuèrent les quelques rides autour de ses yeux chocolat.
— Je comprends… Ce qu’il s’est passé…
Il soupira.
— Une vraie tragédie. Ils ont été attaqués par des brigands déguisés en soldats, avant qu’ils ne mettent le feu à la maison. Les murs ont été sauvés mais… Toute la famille a péri. D’après ce qu’on dit, le père avait contracté des dettes de jeu.
Mon cœur se serra plus fort encore et je crus que j’allais vomir sur place. Kester ne m’avait jamais raconté quelle couverture avait été utilisée pour dissimuler les faits. Il aurait dû. Mon père n’avait jamais parié un sou et son nom avait été traîné dans la boue pour camoufler les atrocités commises ici. Je haïssais ces gens. Je les haïssais tant que je sentis mon pouvoir bourdonner dans chaque cellule de mon être. Il réclamait vengeance. Au moins autant que moi.
J’étais sur le point de perdre le contrôle. Il fallait que je m’en aille. Tout de suite.
Sans répondre à l’inconnu, je me redressai soudain et m’éloignai à toute vitesse, le laissant aussi abattu que perplexe. Il était plus que temps d’arrêter ce petit tour nostalgique pour me concentrer sur du concret. N’importe quoi pour me distraire. J’avais besoin de reprendre le dessus. D’oublier, ne serait-ce qu’un instant.
Mes larmes essuyées, je pris la direction de la bibliothèque sans un regard en arrière, le cœur encore douloureux.
Je vous vengerai. Je vous en fais le serment.
Puisque Kester refusait de me parler de la Prophétie et de tout ce qui y était lié, de ce qu’il avait découvert ces dernières semaines, j’allais faire mes propres recherches. Je n’avais pas la patience d’attendre la fin de la Sélection et j’étais persuadée qu’il trouverait une autre excuse ensuite. Comme m’intégrer à mon nouveau poste, par exemple. Même s’il avait raison, dans la mesure où je devais à tout prix gagner la confiance des nobles, je pouvais très bien l’aider et accomplir mon devoir en même temps. Peut-être qu’il me sous-estimait encore, après toutes ces années. Ou peut-être était-ce moi, qui me surestimais. Kester ne se trompait jamais, c’était bien connu.
L’édifice abritant tout le savoir du royaume était immense. De forme ronde et surplombé d’un dôme en cristal opaque, il était réparti sur plusieurs étages. Des milliers d’ouvrages étaient entreposés ici, disponibles à la consultation pour tous. Aucun ne pouvait franchir ces murs, mais je n’avais pas besoin d’emporter quoi que ce soit. Je voulais juste des réponses.
Ce fut après de longues minutes de recherches infructueuses que je me décidai à demander de l’aide. Une employée me conduisit au troisième étage, dans une zone déserte de toute vie. Tant mieux, je ne souhaitais plus parler à quiconque. De plus, au regard que la femme m’avait lancé, j’avais compris que mon visage devait être dans un piteux état.
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Feline Grey
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Nelyne
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Ganesh61
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