Fyctia
Chapitre 11 - Partie 1
La seconde épreuve consistait en un tournoi des plus classique. Nous allions commencer par une joute à cheval, ce qui n’était pas ma spécialité, puis terminerions par un duel armé. Contrairement à la première phase de la Sélection, l’utilisation des pouvoirs était interdite. Les officiers supérieurs veilleraient au bon déroulement afin qu’aucune triche n’ait lieu. Cependant, personne n’était assez stupide pour contrevenir aux règles.
Les duellistes étaient tirés au sort en fonction du classement de la veille. Notre Académie étant arrivée première et la Terrestre seconde — après avoir récupéré l’étendard bleu in extremis — nous les affronterions durant les deux dernières journées consacrées à cette partie de la compétition. L’Océanique, l’Ardente et celle du Vent occupaient quant à elles le calendrier des trois premières.
Après nous être remis de nos abus de la veille, nous en profitâmes donc pour nous entraîner des heures durant, plus solidaires que jamais. Auris, Pax, Dagan, Zoryn et même Emerik, je les affrontai tous. J’acceptais leurs conseils et eux les miens. Du jamais vu. Kester lui-même en était stupéfait et n’avait pas manqué de manifester son approbation par un sourire discret. Sa fierté gonflait mon cœur d’un sentiment étrange, mais qui me rendait heureuse.
Le deuxième jour, après avoir pris des nouvelles de Wren, je décidai de partir explorer la ville. Une gouvernante s’occupait de la petite fille, d’après mon mentor. Je ne pouvais toutefois pas la voir avant la fin de la Sélection, mais je n’étais pas inquiète. S’il m’assurait que tout allait bien pour elle, alors c’était le cas.
J’avais besoin d’une autorisation pour ma petite excursion et n’eus aucun mal à l’obtenir. Kester me recommanda toutefois de rester discrète, ce qui me fit soupirer. Je ne voyais vraiment pas pourquoi il me disait cela. Comme si j’étais du genre à me faire remarquer ! Bon, d’accord, ça pouvait m’arriver, mais ce n’était pas si fréquent. Je n’allais de toute façon pas compromettre mes chances aussi près du but. Lorsqu’Auris proposa de m’accompagner, je déclinai gentiment. Je voulais découvrir seule ce qu’était devenu la cité qui m’avait vu naître, et je craignais de perdre le contrôle sur mes émotions. Si tel était le cas, je préférais qu’aucun témoin n’assiste à la scène. Pas même lui.
Vêtue d’un ensemble sobre, je marchais d’un pas tranquille dans la grande rue principale qui accueillait le marché. Les odeurs m’assaillirent à l’instant où je m’en approchai, faisant remonter une multitude de souvenirs. Les épices que ma mère achetait, le fumet de la viande sur sa rôtissoire, les fruits exotiques que nous ne trouvions nulle-part ailleurs… Mon cœur battait à tout rompre et je ne savais plus où donner de la tête. Au bout d’un moment, mes yeux furent cependant attirés par une devanture regorgeant de tissus de toutes les couleurs, dans lesquels de magnifiques robes seraient confectionnées. Cela faisait bien des années que je n’en avais pas porté, et ce n’était pas au programme. Pourtant, je m’arrêtai, incapable d’en détacher le regard.
— Bonjour jeune fille, je peux vous aider ?
La jeune vendeuse aux longs cheveux blonds m’observait avec un sourire aimable. Elle portait une jolie robe d’été rose au tissu fluide et délicat, agrémentée d’un bustier qui mettait en valeur sa poitrine, comme pour promouvoir les merveilles qu’elle vendait. Ne sachant quoi répondre, je me contentai d’un signe de dénégation de la tête tout en lui rendant son sourire.
— Celle-ci créerait un chef-d’œuvre sur vous, remarqua-t-elle.
Elle désignait une étoffe légère d’un noir bleuté, parsemée de quelques touches brillantes sous forme de liserés argentés. Je m’y intéressai alors de plus près, me demandant ce que ma mère en aurait pensé. La réponse s’imposa à moi comme une évidence : elle l’aurait achetée sans attendre.
Une part de moi, très ancienne, avait envie de ressentir à nouveau la sensation que l’on éprouvait en observant les créatrices esquisser leurs ébauches. Venait ensuite le moment d’essayer l’ouvrage, de laisser les doigts agiles effectuer les dernières retouches et enfin d’admirer le résultat. J’adorais chacune de ces étapes, lorsque j’étais enfant. Mais je n’étais plus cette petite fille innocente, naïve, qui pensait que le monde se résumait à de beaux rubans et l’approbations de ses amies.
— Je suis désolée, je ne fais que regarder. Je n’ai pas d’argent sur moi.
La vendeuse hocha la tête sans perdre sa bonne humeur.
— N’hésitez pas à repasser si vous changez d’avis. J’ai déjà une idée lumineuse pour vous. À en faire pâlir la reine elle-même.
Je ne pus retenir un petit rire. Ce n’était, à coup sûr, pas une bonne idée de tenter de rivaliser avec notre chère souveraine. Je l’avais connue très gentille autrefois, mais sa fille et moi étions comme les deux doigts de la main. Nous avions toutefois déjà surpris la reine s’emporter contre un conseiller et le moins que l’on pouvait dire, c’était qu’elle faisait froid dans le dos. Peut-être étais-je trop impressionnable à l’époque.
— J’y penserai, assurai-je.
Je m’éloignai ensuite d’un pas rapide afin d’éviter qu’elle ne commence un croquis malgré mon refus. Ma fuite me conduisit jusqu’à la zone dédiée aux maraîchers et cette fois, l’envie de croquer dans un fruit de mon enfance se fit si tentante que j’eus envie de pleurer de frustration. Je n’avais toutefois pas menti à la vendeuse précédente. Je n’avais aucun sou en poche et ne pouvais donc pas me permettre d’acheter quoi que ce soit. Face à ce triste constat, je décidai de quitter le marché sans attendre.
Les souvenirs et les sentiments liés à ceux-ci se bousculaient encore en moi alors que je remontais d’un pas décidé vers les remparts. J’étais agacée de ne pas être en mesure de payer un simple fruit qui, j’en étais persuadée, m’aurait ramenée une décennie en arrière. Ce n’était de toute façon pas une bonne idée. Je ne savais pas dans quel état ce type d’expérience pourrait me laisser, mais l’envie avait été forte. Elle l’était toujours. Dans le doute, mieux valait que je m’abstienne. Il s’agissait d’un mal pour un bien, même si j’avais effleuré cette sensation de joie enfantine et de bonheur absolu. Le retour à la réalité aurait été brutal.
Autant que pouvait l’être la vision qui s’offrit soudain à moi.
Après ce petit tour au marché qui avait accompagné mon enfance, j’étais instinctivement rentrée chez moi. Mon ancienne demeure se tenait juste là, à quelques pas, toujours aussi belle et imposante. Sa façade de grès rose se mariait avec le décor printanier qui régnait dans cette partie de la ville et le parfum des fleurs de saison assaillit mes sens. Mon cœur, lui, se brisa dans ma poitrine. Le sentiment fut si soudain que je plaquai une main sur ma poitrine douloureuse et que je laissai échapper un sanglot. Mes genoux ployèrent sans que je m’en aperçoive et bientôt, je me retrouvai à déverser toute ma peine sur la pelouse du jardin avant de la maison.
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Feline Grey
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Ganesh61
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