Fyctia
Chapitre 8 - Partie 2
Kester et moi étions assis sur une causeuse, sous l’une des grandes tentes montées à l’occasion de la Sélection. L’arène de la ville, où nous combattrions et logerions durant la semaine à venir, se situait à proximité du Palais et s’avérait aussi grandiose que tout le reste, ici. Nous nous étions présentés à l’édifice royal comme l’exigeait la tradition, même si nous n’avions aperçu nos souverains que de loin. Aussi beaux que des Dieux et richement vêtus, ils nous avaient salués depuis l’un de leurs nombreux balcons, mais je savais que nous aurions droit à une rencontre officielle après les épreuves. Ce qui, pour l’heure, me passait totalement au-dessus de la tête.
— Je ne peux pas l’intégrer à l’Académie. Elle ne possède aucun pouvoir.
L’annonce de Kester ne me surprenait pas réellement, mais ma fureur n’avait que faire des raisonnements logiques. J’avais bien conscience que les Académies n’existaient que pour former l’élite Sanctifiée de la garde royale. Il existait bien des orphelinats, mais la plupart étaient en sous-effectifs de personnel qualifié, et les enfants y étaient fréquemment maltraités. Ce n’était pas pour rien que nombre d’entre eux préférait vivre dans les rues, mendier de quoi manger ou, comme Auris à cet âge, voler. Je ne voulais pas de ça pour Wren. Encore moins après ce qu’elle avait subi. C’était injuste et j’avais bien du mal à maitriser ma colère.
— Il doit bien y’avoir un moyen ! Tu es le commandant de l’Académie ! Tu peux très bien décider que…
— Non, me coupa-t-il d’une voix calme mais impérieuse.
Je serrai la mâchoire à m’en briser les molaires, bouillonnant de l’intérieur. J’étais à deux doigts de faire quelque chose de regrettable. Il fallait vraiment que je me calme. Je gardai donc le silence tout en continuant de fixer Kester comme s’il était la raison de tous les maux de ce monde et inspirai profondément. Mon mentor patienta, le temps que je termine mes exercices de relaxation.
— Tu es calmée ? demanda-t-il finalement en s’installant plus confortablement, comme si nous discutions de la pluie et du beau temps.
J’avais envie de lui mettre mon poing dans la figure. Évidemment, je n’allais rien en faire. Sa manière de m’observer comme s’il voyait les tréfonds de mon âme me faisait frémir. Il n’avait même pas besoin d’user de son pouvoir sur moi, pour cela. Il me connaissait tout simplement trop bien.
Comme je restai aussi stoïque que silencieuse, il reprit :
— Je ne peux pas l’accueillir à l’Académie, tu connais parfaitement les raisons. Cette enfant n’est pas toi, Nyx. Elle a vécu à un drame similaire au tien, mais ça s’arrête là. Tu l’as sauvée oui, cependant, cela ne fait pas d’elle ta responsabilité. Ce n’est pas le moment de te déconcentrer.
— J’ai besoin de savoir ce qu’elle va devenir.
— Et moi j’ai besoin que tu me fasses confiance. En es-tu capable ?
Je soupirai profondément, mon regard se heurtant à ses iris si particulières. J’avais déjà remarqué que la couleur des yeux des Sanctifiés différait de celle des autres, mais chez lui, c’était saisissant. Les miens étaient d’un bleu électrique, mais cela variait en fonction de mon humeur. Après une longue journée, lorsque j’étais fatiguée ou contrariée, ils étaient aussi sombres que l’océan, bien que parsemés d’éclats argentés.
Ces observations n’ayant rien de pertinent avec le sujet, je finis par détourner la tête. La tente des officiers était richement décorée. Les meubles d’un confort évident étaient ornés de dorures qui tranchaient sévèrement avec la sobriété à laquelle nous étions habitués à l’Académie. Je n’étais pas certaine que Kester apprécie ce faste, mais il semblait ici dans son élément. Comme partout, du reste. Il s’agissait de l’une de ses nombreuses qualités : Il était capable de se fondre dans tous les décors et de s’adapter à chaque situation. J’avais encore beaucoup à apprendre de lui.
— Tu es bien l’un des seuls en qui j’ai confiance, finis-je par répondre.
— Bien. Je vais m’occuper de cette situation, mais je ne te donnerai les informations relatives à celle-ci qu’une fois la Sélection passée. Tu peux voir cela comme un test.
Je soupirai à nouveau, lasse de me battre. Kester savait ce qu’il faisait, j’avais foi en lui et j’avais la certitude qu’il ferait ce qu’il y avait de mieux pour Wren, comme il l’avait fait pour moi.
— Merci, Kes’.
Il sourit avec douceur en entendant ces mots à peine murmurés.
— Ne me remercie pas, mais n’oublie pas que tu n’es pas seule. Tu ne le seras jamais, et tu peux compter sur ceux qui tiennent à toi.
— Plus facile à dire qu’à faire… Mais oui. Je sais.
Même avec l’appui de Kester, qui m’avait traitée comme sa fille les rares fois où j’en avais eu besoin, j’avais tendance à me replier sur moi-même et ne compter sur personne. Auris avait contribué à atténuer cela, tout comme Gwen, mais j’avais encore du mal.
Mon mentor afficha un air satisfait mais l’inquiétude se lisait malgré tout encore sur son visage.
— Comment te sens-tu, Nyx ? Après cette attaque…
Je haussai les épaules, ne sachant quoi répondre. Le chaos engendré avait eu des conséquences sur tout le monde, mais nous étions formés pour faire face à nos émotions et ne pas les laisser prendre le dessus dans ce type de contexte. Dans le domaine privé, c’était une autre affaire.
— Je gère. Est-ce que des mesures sont prises pour éviter d’autres carnages ?
Kester acquiesça.
— Le roi et la reine, ainsi que leurs conseillers et généraux, font leur possible depuis que je suis arrivé. Nous ne disposons pas d’assez de ressources pour protéger tout le monde cependant. Nous réfléchissons encore aux possibilités qui s’offrent à nous.
Je levai les yeux au ciel, excédée.
— Mais ça fait des semaines ! Tu nous as quittés justement parce que tu as été informé du retour des Spectres.
— Je sais, Nyx. J’aimerais que tout cela aille plus vite également, mais ces êtres ne sont pas notre unique préoccupation. S’ils sont de retour, cela implique que l’Éveil du Destructeur a commencé, tout comme la Prophétie. Si tel est le cas, la disparition de quelques villages sera le dernier de nos soucis, dit-il posément. Quoi qu’il en soit, ceci ne te concerne pas dans l’immédiat. Les funérailles d’Edrun auront lieu ce soir, la présence de tous nos étudiants est requise. Il est actuellement conservé grâce au pouvoir de glace des Sanctifiés du Palais, comme vous l’avez fait pour le trajet, mais la Sélection ne peut être repoussée. Elle débutera dans deux jours, comme convenu. Je te conseille de te familiariser avec les quartiers de l’Académie Céleste, de te préparer et de te concentrer sur cet objectif. Nous aurons le temps de reparler de tout cela ensuite.
Comme il me congédiait clairement, je me levai en silence et inclinai la tête en signe de respect avant de quitter la tente. Il ne me restait plus qu’à trouver celle que j’occuperais avec l’ensemble de mes camarades pour les jours à venir, et laisser Kester gérer les sujets plus épineux.
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